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Lifestyle - La Mode

Le jour où Pierpaolo Piccioli a remis le flambeau de Valentino à Alessandro Michele

Le mardi 2 avril, Alessandro Michele prenait ses marques à la direction artistique de Valentino. Tout s’est passé très vite, entre le 22 mars, où Pierpaolo Piccioli a fait ses adieux à la prestigieuse maison, et l’annonce de son remplacement, près d’une semaine plus tard, par le créateur vedette de Gucci, destitué en 2022. Le mercato de la mode annonce-t-il une nouvelle ère ?

Le jour où Pierpaolo Piccioli a remis le flambeau de Valentino à Alessandro Michele

Le styliste italien, ancien directeur créatif de Gucci, Alessandro Michele vient d’être nommé nouveau directeur créatif de Valentino. Photo Andreas SOLARO / AFP

« Toutes les histoires n’ont pas un début et une fin, certaines vivent une sorte d’éternel présent qui brille d’une lumière intense si forte qu’elle ne laisse pas d’ombres. Cela fait 25 ans que je travaille dans cette entreprise, 25 ans que j’existe et que je vis avec les personnes qui ont tissé les fils de cette belle histoire qui est la mienne et la nôtre », a écrit Pierpaolo Piccioli le 22 mars sur son compte Instagram @pppicioli. Cet extrait fait partie d’un long texte en légende d’une photo le représentant heureux au milieu de toutes les petites mains en blouses blanches des ateliers Valentino. Un pur message d’amour et de gratitude de la part de celui qui n’a jamais quitté son Nettuno natal, dans le Lazio, à une heure en train de Rome. Un trajet qu’il a effectué 25 ans durant, profitant de ce temps, avant d’arriver au travail, pour laisser aller son imagination et noter ses inspirations, souvent dans les atmosphères du cinéma néoréaliste italien.

Pour mémoire

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« Jeune et libre »

Ce père de trois enfants est entré chez Valentino en 1999 après 10 ans chez Fendi, toujours aux côtés de Maria Grazzia Chiuri, son quasi-binôme passée à la création de Dior. Depuis sa création en 1960 par Valentino Garavani en partenariat avec son compagnon, l’entrepreneur Giancarlo Giammetti, la maison romaine possède une identité puissante. Elle est à elle seule un personnage et un prénom. Quand Pierpaolo Piccioli succède au maître et fondateur, le moment est quasi inimaginable. Mais il réussit le tour de force de préserver les codes raffinés de la maison tout en les propulsant dans une fulgurante modernité. Après avoir lancé avec Maria Grazzia Chiuri la ligne de chaussures et de maroquinerie « Rockstuds », devenue objet de désir absolu, il va ajouter au célèbre rouge Valentino sa propre nuance de rose, un rose torride baptisé « Pink PP » auquel est dédiée, en 2022, une collection entière. Rachetée en 2012 par Mayhoola, le fonds d’investissement de la famille régnante du Qatar, la maison Valentino s’apprête à passer sous le pavillon Kering selon un accord qui prévoit la cession de toutes ses parts en 2028. La perspective de l’acquisition de la marque par Kering dans quatre ans n’est pas étrangère au mercato qui a conduit au départ de Pierpaolo Piccioli. Mais depuis le suicide d’Alexander McQueen en 2010 et le dérapage éthylique de John Galliano en 2011, le grand public a ouvert les yeux sur la pression que subissent les grands créateurs de mode face à l’exigence croissante de renouveau et l’accélération des saisons de défilés. Philosophe et serein, le créateur a conclu son message à l’équipe Valentino avec cette émouvante confidence : « Stella avait deux ans lorsqu’elle est venue voir mon premier spectacle, elle va bientôt avoir 18 ans, et l’autre soir, elle m’a demandé : “Comment te sens-tu ?” “Jeune et libre”, lui ai-je répondu. Je vous donne mes yeux pour vous voir comme je vous vois. Jeunes et libres. Et pleins de rêves. Toujours. Avec amour, P.P. » Ainsi s’achève, avec ce mot, « amour », un chapitre de 25 ans du grand roman Valentino. Ainsi commence une nouvelle histoire avec l’arrivée inattendue d’Alessandro Michele.

Pierpaolo Piccioli entouré de l’équipe des petites mains de Valentino. Photo tirée de sa page Instagram

Quand la pandémie de Covid a tué le bling-bling

Il n’est pas anodin, en Italie, de porter l’étiquette de « créateur romain ». La Ville éternelle se flatte surtout d’être la plus déjantée de la péninsule. Florence, par comparaison, est perçue comme plus conservatrice. La romanité est donc promesse de liberté créative. Alessandro Michele est, comme Pierpaolo Piccioli, un Romain pur jus. Sa silhouette de gourou New Age, barbe et cheveux longs, annonce une esthétique ludique, une injonction à ne pas se prendre au sérieux tout en observant, en filigrane, la mode comme une sorte de nouvelle religion. Diplômé de l’Académie du costume et de la mode de Rome, il est considéré comme l’un des créateurs les plus cultivés de sa génération. Directeur artistique de Gucci de 2015 à 2022 après 9 ans de maison, il insuffle à la marque au double G (monogramme de son fondateur Guccio Gucci) un vent bling-bling, excessif et joyeux, qui fonctionne à merveille jusqu’à la pandémie de Covid-19. Tout à coup, dans une Italie sous le choc d’une hécatombe sans précédent et dans un monde confiné sine die, il n’y avait plus de place pour la frime. Le luxe criard prenait du plomb dans l’aile, n’ayant plus de lieux où s’épanouir ni se montrer. Vient le moment où, montrant des signes de recul après une croissance extraordinaire, Gucci se sépare de l’artisan de sa montée en puissance. Alessandro Michele est remplacé en février 2023 par le sobre Sabato de Sarno, venu de chez… Valentino où il était le bras droit de Pierpaolo Piccioli.

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Des gardiens de but, des défenseurs, des milieux et des attaquants

Qu’est-ce qui propulse tout à coup un Alessandro Michele éjecté de Gucci à la tête de la création de Valentino ? Comme le mercato du football, celui de la mode place des gardiens de but, des défenseurs, des milieux et des attaquants là où cela s’impose. Valentino avait sans doute besoin de prendre un nouveau souffle avec un attaquant qui serait prêt, dans 4 ans, à recomposer l’esthétique de la fin des années 20 de notre siècle. « La joie est une chose si vivante que je crains de la blesser en la disant », écrit ce dernier sur son compte Instagram @ alessandro_michele. « Que mon salut, les bras grands ouverts, suffise donc à célébrer, en ce début de printemps, la vie qui se régénère et la promesse de nouvelles fleurs », ajoute-t-il, lyrique. Et c’est bien de cela dont il s’agit dans cette industrie qui vit son temps à l’avance du reste de l’humanité : créer des bourgeons et attendre les floraisons.

« Toutes les histoires n’ont pas un début et une fin, certaines vivent une sorte d’éternel présent qui brille d’une lumière intense si forte qu’elle ne laisse pas d’ombres. Cela fait 25 ans que je travaille dans cette entreprise, 25 ans que j’existe et que je vis avec les personnes qui ont tissé les fils de cette belle histoire qui est la mienne et la nôtre », a...

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