Le prestige du régime iranien frappé au cœur. L’attaque israélienne contre le consulat d’Iran à Damas, lundi est aussi grave que symbolique parce qu’elle a ciblé une parcelle considérée comme relevant de la souveraineté iranienne et non syrienne. De quoi forcer la République islamique à riposter de manière appropriée. Toutefois, les Iraniens souhaitent éviter que la riposte ne serve de casus belli aux Israéliens. La réponse à ce dilemme se trouve-t-elle au Liban ? Dans le passé, la République islamique s’est déjà « cachée » derrière ses obligés régionaux afin de faire la guerre à moindre coût. Si on suit cette logique, le Hezbollah, l’aîné des mouvements pro-iraniens, qui a perdu un membre dans l’attaque, est le candidat idéal pour venger pareil affront. D’ailleurs, Mohammad Reza Zahedi – l’un des deux hauts gradés de la Force al-Qods tués aux côtés de cinq autres pasdaran – a une longue histoire avec le Hezbollah, qui a commencé en 1998. À l’époque, le jeune général s’était investi dans le chantier du renforcement des capacités militaires du parti chiite et avait établi un pont entre Damas et Haret Hreik, permettant d’assurer l’approvisionnement du Hezb à travers la Syrie. Il participait également au Conseil consultatif (Choura) du Hezbollah en tant que membre non libanais et contribuait donc à la prise des décisions les plus importantes du parti. Dans la pratique, il s’agissait de l’une des figures les plus influentes au sein du Hezbollah sur le terrain après l’assassinat en 2008 de Imad Moghniyé, ancien chef militaire du parti. Dans la foulée de la guerre en Syrie en 2011, il a été nommé par Téhéran responsable militaire des dossiers libanais et syrien.
Khamenei tranche
Selon nos informations obtenues de sources concordantes, la réunion du Conseil suprême de sécurité nationale d’Iran, qui a suivi la frappe, a été marquée par une divergence d’opinions quant à la manière de réagir. Du côté du ministère des Affaires étrangères, on a jugé que ce qui se passe est une tentative israélienne de pousser l’Iran vers la guerre et qu’il ne fallait pas se laisser entraîner dans ce piège. En revanche, les gardiens de la révolution ont estimé qu’à défaut d’une réponse forte, l’image de l’Iran dans la région serait extrêmement affaiblie. Ils ont également évoqué une certaine frustration – qu’ils ont dit partager – ressentie par les branches militaires de « l’axe de la résistance », notamment le Hezbollah libanais et les factions irakiennes, sur le fait de ne pas riposter fortement aux frappes israéliennes continues. Au final, le guide suprême Ali Khamenei a tranché : il y aura une riposte explicite et forte menée par les Iraniens eux-mêmes, mais qui ne serait pas synonyme d’une déclaration de guerre. Il aurait également, selon les mêmes sources, demandé des évaluations politiques et sécuritaires sur la possibilité de riposter en ciblant des ambassades ou des consulats israéliens, ainsi que les répercussions que cela pourrait avoir sur Téhéran et les dommages potentiels que cela pourrait causer. Il a également demandé une étude sur la possibilité de mener des opérations d’assassinat à l’intérieur d’Israël pour ébranler l’autorité israélienne et venger les responsables tués.
Dans les discussions qui ont suivi la frappe, certains ont fait valoir que le calife Ali ben Abi Taleb, considéré par les chiites comme étant le véritable successeur de son cousin, le prophète Mohammad, est resté malgré cela en dehors du pouvoir pendant plus de vingt ans et n’a pas eu recours à l’escalade ou à la guerre pour préserver la vie des musulmans. De même, son fils, l’imam Hassan, a opté pour la réconciliation après la mort de son père pour épargner à sa population un bain de sang, tandis que son frère, l’imam Hussein, n’a choisi la révolte que lorsqu’il a senti que l’islam était en danger. Selon cette lecture, il revient aujourd’hui au guide suprême, représentant des imams sur terre selon la doctrine du velayet-e faqih, de prendre les décisions appropriées. Ce dernier ne souhaite pas aller en guerre, considérant que l’heure de la « grande révolution » n’a pas encore sonné.
« 100 % iraniennes »
En attendant, la riposte de la République islamique se concocte. Pour les Iraniens, mais aussi pour le Hezbollah, il est question de trouver le juste équilibre entre des représailles assez violentes sans pour autant déclencher un conflit régional. Ce qui est sûr, selon les sources précitées, c’est que des mains « 100 % iraniennes » seront sur la gâchette. L’opération ne sera donc pas menée par le Hezbollah. Toutefois, le parti chiite fera partie de la riposte dans le cadre de la stratégie « d’unité des fronts ». Aucune information n’a filtré sur la démarche qui sera adoptée, mais la réponse pourrait à nouveau être dirigée vers Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, déjà visée en janvier et que les Iraniens considèrent depuis longtemps comme un bastion du Mossad israélien.
L’attaque contre le consulat d’Iran est une preuve supplémentaire qu’Israël vise tous les commandants militaires liés à Kassem Soleimani, ancien chef des opérations extérieures des gardiens de la révolution, abattu en 2020 à Bagdad, qu’ils soient iraniens, irakiens ou libanais. Il répond ainsi à sa manière au principe de l’« unité des fronts » dans le but d’affaiblir le pouvoir de l’Iran et de ses alliés régionaux. Dans ce contexte, les frappes qui ont déjà visé des responsables de la Force al-Radwane, unité d’élite du Hezbollah, sont considérées comme des coups durs, surtout qu’il ne sera pas facile de remplacer rapidement ces cadres forts de nombreuses années d’expérience. Selon des proches de l’Iran, les informations en provenance de Tel-Aviv indiquent que les Israéliens sont prêts pour une guerre majeure. Téhéran et ses alliés s’y préparent donc, mais ne seront pas ceux qui franchiront le Rubicon. « Les Iraniens et le Hezbollah ont toutefois fixé une ligne rouge : une opération terrestre (au Liban) », précise une source proche du parti chiite.
commentaires (12)
Ce que les Iraniens prévoient pour la riposte. Nous ne pouvons que les encourager à riposter vite et fort, la comédie a assez duré et on attend la happy ending meme si nous connaissons d’avance qu’elle ne sera ni happy ni the end.
Sissi zayyat
12 h 09, le 03 avril 2024