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Monde - Repère

Qu’est-ce que le missile « Ginsu » utilisé par les Américains ?

Le Pentagone aurait récemment liquidé un responsable de la milice pro-iranienne des Kataëb Hezbollah à Bagdad avec ce projectile, selon le « Wall Street Journal ».

Qu’est-ce que le missile « Ginsu » utilisé par les Américains ?

La voiture du responsable des Kataëb Hezbollah touchée par une frappe américaine attribuée à un missile R9X en plein Bagdad, le 7 février 2024. Murtaja Lateef/AFP

L’objectif était d’éviter les dommages collatéraux, a expliqué le ministère américain de la Défense, afin de justifier l’utilisation d’un missile Hellfire R9X en plein Bagdad le 7 février pour éliminer un responsable de la milice pro-iranienne des Kataëb Hezbollah.

Qu’est-ce que le missile Hellfire R9X ?

L’arme a été développée dans le plus grand secret et testée sur plusieurs terrains avant que son existence ne soit révélée par les médias, les autorités américaines restant discrètes sur la question. AGM-114R9X est son nom officiel (AGM pour air-to-ground missile, missile air-sol). « Ginsu volant » son surnom, en référence aux tranchants couteaux de cuisine japonais promus dans des publicités télévisées entre les décennies 1970 et 1980 pour couper aussi bien des tomates que des branches d’arbre. Certains l’appellent également la « bombe Ninja ».

Car si sa tête d’ogive ne loge pas de charge explosive, elle présente à la place six lames tranchantes qui se déploient perpendiculairement autour de l’engin quelques secondes avant l’impact. Sur différents véhicules ciblés et identifiés par la suite comme ayant été atteints par le missile R9X, l’impact du projectile, qui n’explose pas, a été caractérisé par une déchirure du toit ou du pare-brise causée par ses lames. « Pour la personne visée, c'est comme si une enclume tombait du ciel à toute vitesse », avaient déclaré des officiels américains au Wall Street Journal en 2019, alors que la puissance du missile repose aussi sur son énergie cinétique pour transpercer les obstacles avant d’atteindre sa cible. 

Quand sont utilisés les missiles R9X ?

C’est notamment dans le but d’éviter des victimes civiles lors d’assassinats ciblés que le missile Hellfire a été modifié pour parvenir à sa version communément appelée R9X. Le développement de l’arme a néanmoins commencé dès 2011. L’administration de Barack Obama avait en effet mis l’accent sur la minimisation des pertes civiles alors que les guerres dans lesquelles les États-Unis étaient embourbés semblaient sans fin. Une façon de prendre en compte des considérations légales et humanitaires aussi bien que de ne pas écorner davantage l’image de Washington, y compris auprès de ses alliés. Il apparaissait en outre que les ennemis des États-Unis, particulièrement les terroristes recherchés par la Maison-Blanche, arrivaient à s'adapter aux frappes américaines en se cachant entre autres parmi la population.

Les Américains y recourent pourtant rarement, n’ayant jamais officiellement admis son utilisation. Selon le Wall Street Journal, en 2019 l’arme était utilisée aussi bien par la CIA que par le Pentagone, surtout dans le cadre d’opérations antiterroristes, notamment contre el-Qaëda, mais aussi le groupe État islamique et les talibans. En 2021, un rapport du média d’investigation Bellingcat et de son partenaire Newsy avait recensé onze frappes attribuées à un « Ginsu volant », alors que la première frappe connue attribuée à un missile R9X remonte à 2017, en Syrie. Le projectile avait alors aussi été utilisé en Libye, en Afghanistan, et probablement en Somalie, au Yémen et en Irak, selon les médias précités.

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À ses prémices en 2011, l’utilisation d’un missile similaire aurait ainsi été envisagée pour éliminer le chef d’el-Qaëda, Oussama ben Laden, au Pakistan. C’est finalement le plan A qui aura été retenu, avec une opération des forces spéciales. Son successeur, Ayman al-Zawahiri, sera quant à lui tué par deux missiles R9X lancés de drones américains en août 2022 sur son balcon à Kaboul, en Afghanistan. En dehors des avions, les drones MQ-9 Reaper et les MQ-1C Gray Eagle sont les seuls connus pour transporter des missiles Hellfire. La dernière utilisation en date, révélée par le Wall Street Journal ce mercredi, est celle qui a tué le 7 février Abou Bakr al-Saadi, responsable des Kataëb Hezbollah en charge des opérations de la milice pro-iranienne en Syrie.

Que dit le droit international ?

Tout en acceptant la mort de civils dans le cadre de la guerre comme un « dommage collatéral », uniquement justifiable si les gains militaires attendus dépassent les pertes envisagées, le droit international humanitaire enjoint tout belligérant à protéger les non-combattants autant que possible. « Si le R9X peut épargner des civils dans des zones densément peuplées, y compris ceux qui sont utilisés comme boucliers humains, des renseignements conséquents sont nécessaires pour localiser la cible visée », nuançait néanmoins en 2019 Letta Tayler, directrice associée de la division Crise et conflit de Human Rights Watch (HRW), dans un rapport de l’organisation. « La nouvelle technologie ne peut être meilleure que les renseignements et les règles qui la guident », ajoutait l’experte.

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Au-delà des erreurs de calcul, l’organisation de défense des droits de l’homme alertait aussi sur la légalité des assassinats ciblés conduits par les Américains depuis 2002. Plongée dans sa lutte antiterroriste, l'administration Obama a certes imposé en 2013 qu’en dehors de zones désignées comme des zones de guerre, les États-Unis ne pourront conduire une frappe que s’ils ont la quasi-certitude de ne pas tuer ou blesser des civils. Mais les zones désignées comme champs de bataille sont susceptibles d’être modifiées par les différents locataires de la Maison-Blanche. À son arrivée au pouvoir en 2021, le président Joe Biden a exigé une évaluation des pertes civiles lors de frappes américaines, en plus d’imposer à l’armée et à la CIA d’obtenir le feu vert de l’administration pour des frappes sur des territoires où se trouvent des troupes américaines notamment. Une politique qui semblait avoir réussi à limiter le nombre d'assassinats ciblés. Du moins jusqu'à la guerre à Gaza. 

Par ailleurs, dans l’interprétation communément admise du droit international, un État ne peut utiliser la force sur un territoire étranger sans avoir reçu une autorisation pour ce faire, suivre une décision du Conseil de sécurité de l’ONU ou en cas de légitime défense. L’Irak dénonce ainsi régulièrement une violation de sa souveraineté lors de frappes américaines visant à éliminer des responsables de milices pro-iraniennes sur son sol, tout comme il condamne officiellement les attaques, certes plus rares, menées par l'Iran sur son territoire.

L’objectif était d’éviter les dommages collatéraux, a expliqué le ministère américain de la Défense, afin de justifier l’utilisation d’un missile Hellfire R9X en plein Bagdad le 7 février pour éliminer un responsable de la milice pro-iranienne des Kataëb Hezbollah.Qu’est-ce que le missile Hellfire R9X ?L’arme a été développée dans le plus grand secret et testée sur...

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A quand des missiles qui bombardent Une cible avec des fleurs.

Mohamed Melhem

19 h 29, le 19 février 2024

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  • A quand des missiles qui bombardent Une cible avec des fleurs.

    Mohamed Melhem

    19 h 29, le 19 février 2024

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