Le chef des Forces libanaises (FL) Samir Geagea a affirmé jeudi soir « avoir confiance dans la politique intérieure » du commandant en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, dont la troupe devrait selon lui se déployer dans le sud du pays à la place du Hezbollah. Le parti chiite maintient un front tendu avec Israël depuis le 8 octobre, au lendemain de l'offensive menée par le Hamas contre l'État hébreu, avec des affrontements quasi-quotidiens et des échanges de tirs avec l'armée israélienne.
« Où est le problème si l'armée libanaise se déploie au Liban-Sud à la place du Hezbollah ? », s'est interrogé le leader chrétien, en répondant aux questions de Marcel Ghanem sur la chaîne MTV jeudi soir. « Le parti-milice de Hassan Nasrallah a plongé le Liban dans un danger réel » de guerre avec Israël, a estimé Samir Geagea, qui s'en est également pris au gouvernement sortant.
La compétence du général
« Joseph Aoun a montré sa compétence au sein de l’armée en de nombreuses occasions », a assuré le chef des FL. « Nous avons empêché l’obstruction face à la prorogation de son mandat, tout comme nous avons mis en échec l’élection d’un président affilié au camp de la moumanaa » (terme utilisé pour désigner l’axe pro-Hezbollah), a-t-il ajouté.
« Pour ce qui est de la présidence, chaque chose en son temps ! » a-t-il cependant souligné, nuançant ainsi de précédentes prises de position dans lesquelles il s’était dit prêt à soutenir une candidature du commandant s’il faisait l’objet d’une entente politique, alors que le Liban est sans chef de l’État depuis octobre 2022. À cette occasion, le chef des FL a réitéré son soutien à Jihad Azour, ex-ministre et fonctionnaire au Fonds monétaire international. Le tandem chiite Amal-Hezbollah, de son côté, soutient depuis le début Sleiman Frangié, leader chrétien du Liban-Nord et chef du courant des Marada. « Les visites qui ont cours en ce moment servent à essayer de convaincre le Hezbollah de passer à un troisième candidat », a ajouté M. Geagea, affirmant que le camp adverse ne pourra pas compter sur le leader druze Walid Joumblatt pour faire parvenir M. Frangié à Baabda, malgré l’ouverture exprimée récemment par l’ancien chef du Parti socialiste progressiste. Et d’ajouter: « Si notre candidat à la présidentielle ne constitue pas une provocation pour le Hezbollah, pourquoi le garderions-nous ? »
Payer le prix d'une frontière Iran-Israël
Évoquant la situation tendue au Liban-Sud, Samir Geagea a poursuivi : « Le Liban et son peuple doivent-ils payer le prix pour que l'Iran ait une frontière avec Israël ? Où est le problème si l'armée libanaise se déploie dans au Sud à la place du Hezbollah ? », rappelant en outre la nécessité d'appliquer la résolution 1701 de l'ONU, qui avait mis fin à la guerre en 2006 entre le parti chiite et Israël. Cette résolution a consacré la seule présence de l'armée libanaise et de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) dans le sud du pays, entre la frontière et le fleuve Litani.
« Le Hezbollah a plongé le Liban dans un danger réel », il est même « le plus grand problème du Liban à l'heure actuelle », a insisté M. Geagea. Le leader maronite a par la même occasion dénoncé le Premier ministre sortant Nagib Mikati « qui lie le cessez-le-feu au Liban avec la guerre de Gaza, ce qui est inacceptable, car il mènera à des résultats imprévisibles ». Samir Geagea en a également profité pour fustiger l'inaction du cabinet sortant : « Le gouvernement expédie les affaires courantes en temps normal, mais en temps de guerre c'est un gouvernement classique, qui doit assumer la responsabilité de tout ce qui arrive au Liban. » Le chef des FL a également appelé à revoir la « formule politique » de l’État libanais, qui selon lui « ne fonctionne plus ». « Ceux qui pensent que nous, les chrétiens, craignons tout changement de la formule politique parce que nous serions faibles se trompent, a-t-il martelé. Nous sommes aussi forts que nous l’étions il y a des milliers d’années. »
En pleine crise économique et politique, le Liban est aussi sous pression du fait de la situation actuelle avec Israël. Certains estiment que l'élection d'un président est impossible en ces temps troublés, mais lors d'une réunion à Beyrouth entre les ambassadeurs des cinq puissances impliquées dans le dossier libanais (France, États-Unis, Arabie saoudite, Qatar, Égypte), le diplomate français Hervé Magro a insisté pour que l’élection du prochain président de la République ait lieu sans attendre la fin de la guerre à Gaza entre le Hamas et Israël.
Quand on ne croit plus à ses propres chances de se faire élire président, le milicien-chef croît à celles des autres, en l'occurence, le chef de la troupe. Personne d'autre chez les Ouèttes ne peut se présenter à la présidentielle à part le "candidat naturel" de cette formation. Mais quel masochisme, savoir qu'on a aucune chance de l'emporter et se maintenir coûte que coûte. La frustration des candidats potentiels dans les starting block commene à se faire sentir. Le vent du changement commence à souffler, mais personne n'ose défier le chef.
13 h 13, le 27 janvier 2024