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Économie - Agriculture

L’UE sous pression pour désamorcer une colère « multifactorielle »

Lancement jeudi par Bruxelles d’un « dialogue stratégique » aux contours flous avec les agriculteurs.

L’UE sous pression pour désamorcer une colère « multifactorielle »

Les agriculteurs poursuivent leurs actions en France, un mouvement endeuillé par la mort d’une femme renversée par une voiture sur un barrage, le 23 janvier 2024. Christophe Archambault/AFP

Importations d’Ukraine, coût du carburant, normes écologiques... À quelques mois des élections de juin, les ministres de l’Agriculture de l’UE appellent à répondre à une colère des agriculteurs aux causes très diverses, avant le lancement jeudi par Bruxelles d’un « dialogue stratégique » aux contours flous avec le secteur.

« La colère des agriculteurs est multifactorielle, ce n’est pas nécessairement pour les mêmes raisons qu’ils manifestent d’un pays à l’autre » mais, au niveau européen, leurs préoccupations « doivent être mieux prises en compte », a averti le ministre belge David Clarinval, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE.

« Leur travail n’est peut-être pas suffisamment reconnu. Ils peuvent avoir l’impression d’être sous pression constamment, avec beaucoup d’évolution des politiques ces dernières années », a ajouté en écho son homologue irlandais Charlie McConalogue.

Réunis à Bruxelles, les ministres des Vingt-Sept devaient discuter du « dialogue stratégique » proposé par la Commission européenne, qui réunira jeudi organisations du secteur agricole, de l’agroalimentaire, ONG et experts.

Confirmé seulement la semaine dernière, l’initiative avait été promise dès septembre par la présidente de l’exécutif européen Ursula von der Leyen, appelant à « moins de polarisation » autour du Pacte vert, vaste ensemble de législations environnementales.

« Initiative bienvenue, mais tardive », a réagi le COPA-COGECA, l’organisation des syndicats agricoles majoritaires européens.

L’enjeu agricole est explosif avant les élections européennes : « L’extrême droite tente d’utiliser les agriculteurs comme levier politique. Il faut les défendre sans manipulation politique », s’est agacé le ministre espagnol Luis Planas.

Au programme de la rencontre de jeudi : revenus des agriculteurs, durabilité des pratiques, innovation technologique, compétitivité, pour « forger une vision commune de l’avenir » et « s’assurer que les agriculteurs sont récompensés pour leur contribution aux objectifs environnementaux ».

Surchauffe réglementaire

« Il aurait fallu que ce dialogue soit entamé quand la nouvelle Politique agricole commune (PAC) ou les propositions du Pacte vert ont été présentées », déplore Luis Planas. « Mais il n’est jamais trop tard si c’est mené correctement. La voix des agriculteurs doit être entendue ». Au-delà des problèmes immédiats, il s’agit de préparer le terrain pour la prochaine législature et la PAC post-2028, estime-t-il.

Si les récentes manifestations évoquent des facteurs nationaux divers (taxation du gazole en Allemagne, par exemple), les secousses se sont multipliées partout : épisodes climatiques extrêmes, grippe aviaire, flambée des prix de l’énergie...

Autre sujet clivant : l’afflux de produits agricoles ukrainiens dans l’UE depuis la levée des droits de douane en 2022. Bruxelles devait présenter mardi aux Vingt-Sept ses propositions sur une reconduction en juin, avec de probables mécanismes « de sauvegarde ».

Au-delà des cultivateurs polonais et roumains, les organisations agricoles appellent à restreindre ces importations (céréales, volailles, sucre...) accusées de plomber les prix, en écho aux critiques récurrentes sur les accords de libre-échange négociés par Bruxelles.

Surtout, s’exprime de façon diffuse une « exaspération » commune face à une « surchauffe réglementaire », estime Christiane Lambert, présidente du COPA.

Premier poste du budget européen, la nouvelle PAC entrée en vigueur en 2023 a renforcé les obligations environnementales (jachères, haies...) et, depuis, « la machine réglementaire fonctionne à plein régime, ignorant le contexte géopolitique, climatique, économique », s’alarme son organisation.

Dans son viseur : la loi de « restauration de la nature » promouvant la réparation d’écosystèmes agricoles dégradés (tourbières...) – pourtant largement édulcorée après une violente bataille menée par la droite au Parlement européen.

Alertes ignorées

Un autre texte encadrant les émissions polluantes des gros élevages épargnera finalement les élevages bovins, mais concernera porcs et volailles. Les eurodéputés ont en revanche rejeté une législation réduisant l’usage des pesticides.

Face à la résistance croissante des agriculteurs – et des élus conservateurs –, la Commission a donné des gages, proposant d’assouplir la protection des loups et renonçant à un projet d’étiquetage nutritionnel.

Au Parlement européen, le PPE (droite), premier groupe à Strasbourg, s’est employé à édulcorer drastiquement les textes agricoles. « Nous partageons l’ambition environnementale, mais il faut l’adapter à la conjoncture. (...) La Commission a ignoré le monde agricole et les alertes pendant quatre ans », regrette l’eurodéputée PPE Anne Sander.

Au centre et à gauche, on appelle plutôt à renforcer l’accompagnement financier des agriculteurs – d’autant que l’UE s’apprête à lancer le débat sur son objectif climatique 2040, qui impliquerait une décarbonation douloureuse du monde agricole (11 % des émissions de gaz à effet de serre européennes).

Source : AFP

Importations d’Ukraine, coût du carburant, normes écologiques... À quelques mois des élections de juin, les ministres de l’Agriculture de l’UE appellent à répondre à une colère des agriculteurs aux causes très diverses, avant le lancement jeudi par Bruxelles d’un « dialogue stratégique » aux contours flous avec le secteur. « La colère des agriculteurs est...

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