En dix-sept petits chapitres (coïncidence : c’est également au dix-septième chapitre que bifurque Mille origines), Majdalani retrace non seulement la vie de la galerie, mais celle de l’art au Liban aussi. Le romancier propose en effet une lecture d’une « histoire de l’art moderne et contemporain à travers l’histoire d’une galerie », héritière de Dar El-Fan et dont l’extraordinaire vitalité se poursuit sous nos yeux :
« En trente ans, deux cent soixante et une expositions dont dix collectives, deux cent quarante-trois expositions de peinture et de sculpture, vingt-quatre expositions sur divers supports, papiers, tissus, céramique mais aussi photos, installations et performances, quarante-six participations à des salons internationaux, plusieurs partenariats avec des galeries étrangères et l’exposition d’une dizaine d’artistes étrangers. »
Majdalani commence par lui-même : « Il y a trente ans, en 1993, je suis revenu au Liban, après treize années d’absence, jeune universitaire désireux d’apporter ma contribution à la reconstruction d’un pays qui sortait des affres de la guerre. »
Suivent des considérations sur l’emplacement : l’avenue Charles-de-Gaulle, l’immeuble Majdalani, les espaces intérieurs, œuvres de Jean Royère.
Puis, se déroule l’historique de la galerie avec notamment un panorama qui semble sans fin, de dizaines d’artistes dont Charif Majdalani qualifie l’œuvre par une formule judicieuse qui en capte la quintessence : « l’interrogation de l’histoire de la culture » pour Mohammad el-Rawas ; « la confrontation des univers foisonnants et vertigineusement polymorphes » de Laure Ghorayeb et Mazen Kerbaj.
Cet essai sur les trente ans de la Galerie Janine Rubeiz (autre coïncidence : Charif Majdalani se réfère souvent aux « trente glorieuses ») ne boude pas le témoignage personnel. « Lorsqu’on entre dans une galerie d’art, on a toujours cette singulière impression d’y pénétrer un peu par effraction. » À côté de considérations sur l’histoire de l’art ou sur le marché de l’art, Majdalani ne s’empêche nullement de rapporter des anecdotes sur les artistes, leurs éclats de rire ou leurs travers, émaillant son texte de mille détails truculents. Il ne manque pas non plus de présenter les assistantes de Nadine dont il fait un portrait tout en élégance.
L’auteur de Caravansérail et de L’Empereur à pied nous offre un catalogue aussi réussi que ses romans.
L’Art et son lieu de Charif Majdalani (texte) et Gregory Buchakjian (iconographie), Galerie Janine Rubeiz, 2023.