Le porte-parole du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), Ramezan Sharif, cité mercredi matin par l’agence de presse semi-officielle iranienne Mehr News, a déclaré que l’attaque sanglante du Hamas le 7 octobre était « l’une des opérations menées pour venger l’assassinat du général (Kassem Soleimani) », en référence à l’ex-chef de la Force al-Qods, chargée des opérations extérieures du CGRI, tué en janvier 2020 par une frappe de drone américaine en Irak.
Cette déclaration a été immédiatement contredite par un communiqué du bureau de presse du mouvement islamiste Hamas, qui fait pourtant partie de « l’axe de la résistance » chapeauté par l’Iran. « Nous nions la véracité des déclarations du porte-parole des gardiens de la révolution islamique concernant l'opération Déluge d’al-Aqsa et ses motivations. Nous avons déjà annoncé à plusieurs reprises les motivations et les raisons de l'opération Déluge d’al-Aqsa, en soulignant notamment les dangers qui guettent la mosquée al-Aqsa (à Jérusalem) », indique le Hamas, qui est aux commandes à Gaza.
Revirement
Depuis la triple incursion du Hamas en territoire israélien, qui a tué près de 1 200 Israéliens, la question du degré d’implication de Téhéran dans l’opération Déluge d’al-Aqsa se pose. Si l'Iran apporte depuis plusieurs années une aide financière, logistique et militaire au Hamas, plusieurs observateurs ont suggéré que celui-ci s’attendait à ce que « l’axe de la résistance » rejoigne pleinement le « grand plan » annoncé le 7 octobre et était ainsi déçu de la relative retenue de ses alliés régionaux.
Les propos tenus mercredi par Ramezan Sharif marquent un revirement dans la rhétorique adoptée jusqu’à présent par la République islamique et son mandataire libanais, le Hezbollah. Trois jours après l’offensive surprise du Hamas, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a déclaré que « ceux qui disent que la récente saga est l’œuvre de non-Palestiniens se trompent », tandis que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a évoqué dans un discours le 3 novembre « une opération 100 % palestinienne ».
Ces affirmations sont contredites par de nombreux éléments révélés au cours des deux derniers mois, qui laissent penser que l’Iran a joué un rôle dans la préparation des attaques du 7 octobre sans avoir pour autant eu connaissance de tous leurs détails. La déclaration du porte-parole du CGRI, qui souffle le chaud et le froid, est-elle alors à considérer sérieusement ?
Embarras iranien
Le timing des propos laisse penser que Téhéran cherche avant tout à envoyer un message à Israël afin de le dissuader d’éliminer des responsables iraniens de premier plan et de le pousser à revenir aux précédentes règles d’engagement. Cette déclaration est intervenue deux jours après l’assassinat, au sud de Damas, du général de brigade Razi Moussavi, présenté par le CGRI comme « l’un des conseillers les plus expérimentés » de la Force al-Qods, dans une frappe aérienne attribuée par Téhéran à Israël. Tué après que trois missiles ont ciblé sa résidence en Syrie, il était chargé de la coordination militaire entre les forces régionales alliées au CGRI.
Alors que l’État hébreu – qui n’a pas revendiqué la frappe – vise rarement des responsables d’une telle importance, concentrant davantage ses attaques en Syrie sur des infrastructures appartenant aux mandataires iraniens, Razi Moussavi est la figure de l’« axe de la résistance » de plus haut rang tuée par Israël depuis la mort, à Damas, en 2008, de Imad Moughniyeh dans une explosion à la voiture piégée attribuée à l'État hébreu. Depuis le raid de lundi, le CGRI multiplie les avertissements. Dans ses déclarations mercredi, son porte-parole a prévenu : « Notre réponse à l’assassinat de Moussavi sera une combinaison d’action directe et d’autres menées par le front de la résistance », dans un contexte marqué par une intensification des attaques des rebelles houthis du Yémen en mer Rouge.
Au-delà des mises en garde iraniennes, à quelle riposte faut-il s’attendre de la part de Téhéran ? Fait-il peser le risque d’une escalade régionale ? Ces dernières heures, plusieurs observateurs ont laissé penser que le Hezbollah pourrait agir en représailles à la frappe israélienne, alors que Razi Moussavi était notamment chargé du transfert et du transport d’armes de l’Iran vers la Syrie et le Liban, ainsi que vers l’Irak, le Yémen et les territoires palestiniens, selon la chaîne al-Jazeera. Mais depuis le début de la séquence entre Israël et le Hamas, le parti de Dieu a veillé à contenir l’ampleur du conflit, se contentant de mener des frappes proportionnées contre le territoire de l’État hébreu après avoir ouvert le front libanais dès le 8 octobre.
« Le Hezbollah n’a jamais riposté à l’assassinat de son propre commandant militaire, Imad Moughniyeh, et encore moins à celui de Kassem Soleimani. L’idée qu’il répondrait à l’assassinat d’un conseiller du CGRI, quel que soit son rôle important dans l’acquisition d’armes, serait tout à fait exceptionnelle, a suggéré sur X Amal Saad, analyste politique libanaise spécialiste du Hezbollah. Lorsque l’équilibre de la dissuasion est bouleversé par des assassinats en temps de guerre, celle-ci peut être rétablie dans le contexte de la guerre. Lorsqu’il est ébranlé en l’absence d’hostilités, cela nécessite généralement une sorte de réciprocité en matière de sécurité. Le contexte actuel est celui de la guerre ».
Signe de l'embarras iranien et de sa volonté de calmer le jeu après la contradiction notoire et publique du Hamas, le porte-parole du CGRI s’est rétracté dans la journée de mercredi au cours d’une interview à The New Arab. Ramezan Sharif s’est justifié en alléguant que ses propos avaient été « mal compris », précisant que les résultats de l’opération Déluge d’al-Aqsa étaient une « vengeance » à l’assassinat de Kassem Soleimani.
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L’Iran se croit plus futé que les autres et il l’est sûrement sans aucun doute. Il utilise tous ses proxy et leurs pays respectifs pour marquer des points et lorsque ces mercenaires se rendent à l’évidence, il est déjà trop tard. Le démenti du Hamas prouve t-il qu’il a appris aux dépens des innocents morts qu’il a été jeté dans un traquenard qui profiterait au seuls fournisseurs d’armes et commanditaires de ces guerres sanglantes où ils servent de chair à canon et de martyrs inconnus pour la foire de ces criminels qui n’hésitent pas à crier victoire sur leurs ruines et les cadavres d’inoncents
Sissi zayyat
11 h 43, le 28 décembre 2023