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Ces bons sentiments qui tuent


Ceux qui dirigent le monde croient-ils sérieusement pouvoir occulter, à grand renfort de salive, l’effroyable bain de sang qui se poursuit implacablement à Gaza ?

Du fatras de commentaires officiels quotidiennement colportés depuis 75 jours de carnage par les médias, on est tenté de ne plus retenir désormais que les cris d’épouvante, de détresse et de fureur impuissante que s’égosille à pousser l’ONU, par le canal de ses divers organismes à vocation humanitaire : une ONU qui a perdu, sur place, plus d’une centaine de ses fonctionnaires et collaborateurs. Après les accablants témoignages sur la barbarie qui a frappé pêle-mêle camps de réfugiés, hôpitaux, écoles et lieux de culte, c’était au tour hier du chapitre le plus tragique : celui des enfants de Gaza, pris au piège dans le lieu le plus dangereux au monde pour eux, selon les termes du porte-parole de l’Unicef qui revenait de mission. Ce qui frappe surtout dans son bouleversant compte-rendu, c’est sa rage de constater que dans un monde distrait par l’approche des fêtes, les milliers d’enfants qui ont péri sous les bombes et tous les petits amputés qui attendent de mourir dans les hôpitaux hors service ne sont plus que de froides statistiques. Que l’hypocrisie écrase toute empathie…

C’est bien vrai qu’hypocrisie est désormais le maître mot, dans ce planétaire mais vain bavardage politico-diplomatique qui sert de contrepoint à la canonnade. Encore plus flagrantes sont d’ailleurs ces larmes de crocodile quand il s’agit, pour les puissances, de s’émouvoir de l’énormité des pertes civiles à Gaza, lesquelles frôlent déjà la barre des 20 000 morts. Intolérable, entend-on ainsi répéter de partout, comme si ce vertueux basta ! pouvait suffire à donner bonne conscience ; mais que ces bonnes âmes nous disent donc quel chiffre aurait été plus supportable : quinze, dix, cinq mille ?

Complètement dépassée est par ailleurs la classique langue de bois, maintenant que les puissances n’éprouvent plus aucune gêne à dire la chose et son contraire. On voit ainsi les États-Unis déplorer les bombardements aveugles mais continuer de noyer Israël sous un flot d’armements et de munitions, ce qui ne fait en somme qu’attiser le brasier de Gaza. Biden fait savoir qu’il a donné quelques semaines à Netanyahu pour en finir avec le Hamas, mais c’est son propre secrétaire à la Défense Lloyd Austin qui vient d’exclure, à Tel-Aviv même, toute sorte de calendrier imparti à Israël.

Pour rester dans la note, des trésors de sémantique ont été déployés depuis lundi au Conseil de sécurité des Nations unies pour peaufiner une résolution capable d’esquiver un nouveau veto américain. Le terme de cessez-le-feu était absolument hors de question pour Washington ; tout aussi indésirables étaient ceux de trêve et de pause ; c’est donc une suspension des hostilités qui était soumise au vote hier.

Encore heureux que dans cette macabre farce nul n’ait osé proférer le mot d’entracte !

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Ceux qui dirigent le monde croient-ils sérieusement pouvoir occulter, à grand renfort de salive, l’effroyable bain de sang qui se poursuit implacablement à Gaza ? Du fatras de commentaires officiels quotidiennement colportés depuis 75 jours de carnage par les médias, on est tenté de ne plus retenir désormais que les cris d’épouvante, de détresse et de fureur impuissante que...