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Lifestyle - La Mode

Hyacinthe ou l’autre talent de Yasmina Fayed

Tour à tour chanteuse, danseuse, meneuse, animatrice du monumental Hishik Bishik Show, revue de la troupe Metro al-Madina qui a remis à l’honneur l’âge d’or du cabaret égyptien, Yasmina Fayed était avant tout connue du grand public pour sa gouaille espiègle, son humour coquin et son incroyable capacité à occuper la scène avec ses talents polyformes. On la découvre créatrice de mode.

Hyacinthe ou l’autre talent de Yasmina Fayed

Yasmina Fayed à l'affiche du Hishik Bishik Show. Photo Asma Ghrawi

Chanter, danser, magnétiser le public n’était déjà plus assez pour Yasmina Fayed. Cheveux courts et idées longues, tutus, turbans, rubans, caftans, répliques cinglantes et humour ravageur, littéralement habitée par les icônes arabes de l’âge d’or du cinéma et du cabaret égyptien, la comédienne s’est retrouvée du jour au lendemain à l’arrêt, se demandant comment occuper le grand vide du Covid, elle qui pouvait remplir une scène de sa seule présence. Les fidèles de la troupe Metro al-Madina, qui a désormais déménagé du Saroulla à l’Aresco Palace, toujours sur la mythique rue Hamra, étaient eux aussi nostalgiques de ce spectacle centré sur la nostalgie. La parenthèse fut longue mais tout est bien qui finit bien, puisque le spectacle est de retour, avec en ce moment des reprises de Hishik Bishik et Bar Farouk, mais aussi, à partir du 11 janvier, Al-Souq el-Oumoumi, une nouvelle revue inspirée du quartier chaud de Beyrouth avant-guerre, où Yasmina tiendra, à la fenêtre d’une des plus célèbres matrones de la place, un rôle qui reste à découvrir.

Une installation à découvrir jusqu'au 27 décembre. Photo Firas Zbib

« La mode et le théâtre vont main dans la main ! »

Pendant qu’à la faveur de la pandémie ce spectacle prenait, sous la plume de Hisham Jaber, le temps de mûrir, Yasmina dessinait les costumes. « Sur scène, dans toutes les pièces que j'ai jouées avec Metro al-Madina, c'est moi qui choisissais ou concevais mes costumes. Cette passion remonte à mon enfance, alors tout est venu naturellement », confie-elle.

Depuis la fondation de la troupe, c’est elle qui conçoit ses costumes et ceux de ses camarades. Diplômée de l'Institut d'études scéniques et audiovisuelles de Beyrouth (Iesav), rien ne la destine pourtant à cette tâche qui a ses experts. Mais elle a ce talent supplémentaire de donner aux vêtements de scène la pertinence et la présence qui en font des personnages à part entière. « La mode et le théâtre vont main dans la main ! Quand le costume ne correspond pas au personnage et si vous ne portez pas les bonnes coupes et couleurs, et si le vêtement est inconfortable, on peut facilement sortir de son personnage », explique-t-elle.

La tentation est forte de creuser l’art de la couture un peu plus loin, histoire de voir où cela pourrait aboutir. À peine a-t-elle formulé ce désir que mari, belle-maman ainsi que le ban et l’arrière-ban de Metro al-Madina la poussent à s’y mettre, proposant qui son adresse, qui ses adresses, pour l’aider à réaliser son projet. « Metro est une famille », confie-telle, citant avec émotion les contributions de Iyad el-Cheikh, Nadim Saoma, Marian Chatilla, Hanadi el-Cheikh à la tête de Dip to color et Studio Safar qui l’ont aidée, chacun avec ses moyens, à faire aboutir Hyacinthe, sa première collection présentée sous forme d’installation. Sa première démarche consistera à s’inscrire à un cours de couture.

Couleurs chatoyantes, tulle et broderies. Photo Firas Zbib

Clochard de Fersen ou demi-dieu assassiné

Par où commencera-t-elle ce chapitre ? « D’abord il y a ce nom, « Hyacinthe », qui contient tant de lettres, certaines cachées », confie Yasmina Fayed. À la fois comédienne et créatrice de vêtements, il lui est inconcevable de créer des habits qui ne soient destinés à des personnages et soutenus par une intrigue. Celle-ci, imaginée autour de Hyacinthe, part dans plusieurs directions. Il y a la chanson de Thomas Fersen inspirée par le portrait d’un marginal, SDF tendre et assassin à la fois : « Il a un prénom de fleur et des cheveux qui s'en vont/ Et ses grosses mains d'étrangleur sentent le savon, Hyacinthe, Hyacinthe. » Il y a aussi le Hyacinthe de la mythologie grecque, si beau qu’Apollon et Zéphyr en étaient follement amoureux. Victime de la jalousie, il mourut frappé à la tempe par le disque d’Apollon, le dieu du vent en ayant dévié la trajectoire. Entre le clochard céleste et inquiétant de Fersen, et ce demi-dieu qui personnifie l’androgynie jusqu’à pousser au crime, l’histoire imaginée par Yasmina Fayed se tisse autour d’un couple d’amoureux portant le même prénom fascinant de Hyacinthe. Une femme, un homme, l’un ou l’autre, l’un et l’autre, ils sont jeunes et beaux et quelque chose de malfaisant les poursuit, tapi dans l’ombre. Les vêtements représentent la beauté et l’amour des deux Hyacinthe, entre couleurs chatoyantes, tulle et broderies, mais aussi les personnages menaçants qui les poursuivent à leur insu, tout en textures sombres et coupes amples. Ces obscurs vêtements d’extérieur incarnent aussi la peur et son antidote, le refuge. On s’abrite et se blottit dans ce que l’on craint, explique la créatrice. Dans cette collection onirique seule prévaut la logique du rêve.

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Les traces d’une vie passée dans un lieu brutalement déserté

Nichée au rez-de chaussée de l’immeuble Phénix, rescapé de la guerre, rue Omar Daouk, l’installation se déploie dans un magnifique espace nimbé de rose, lové autour d’un jardin d’hiver. Dans la première salle, des meubles sauvés de la double explosion du 4 août 2020 animent un décor minimaliste. À l’entrée, une table occupée par une machine à coudre : celle que Yasmina a empruntée à sa tante pour commencer son projet. De l’autre côté de ce vaste espace, autrement vide, une coiffeuse du début du XXe siècle surmontée d’un miroir dans le cadre duquel sont coincées des photos en noir et blanc : « Hyacinthe et les siens », explique Yasmina Fayed qui tente ainsi de poser les traces d’une vie passée dans ce lieu qui semble avoir été brutalement déserté. Derrière la coiffeuse, juste une grande table sur laquelle un bouquet d’immortelles finit de sécher. En face, sur un mur, ces mots de présentation : « Act. 1. Amour 2. Complot 3. Trahison ». L’intrigue est annoncée en quelques vers. On y lit : « Les deux âmes fleurissent en harmonie vers un festin joyeux, anticipant une frayeur inapaisable. » Les mannequins sont posés seuls ou en groupe. Tout inertes qu’ils soient, on entend leurs pensées intérieures, leurs élans, leurs angoisses, leurs manigances.


Une collection conçue avec l’aide de Richard Abdel Nour. Photo Firas Zbib

Mary Poppins et l’Angleterre victorienne

Au-delà du rêve, cette collection est composée de vêtements réels faits pour être portés dans la vie de tous les jours. Elle a été conçue avec l’aide de Richard Abdel Nour et une équipe de couturières talentueuses qui ont consacré de longs mois à lui donner vie. Amoureuse de Mary Poppins et du style particulier à l’Angleterre victorienne, la créatrice est allée chercher ses volumes, textures et accessoires dans le vestiaire du XIXe siècle tout en les adaptant à notre époque.

« Hyacinthe est mon deuxième rêve, il complétera la performance. C'est ma nouvelle aventure, mon petit projet personnel. J'inviterai les gens à participer à ce voyage avec moi pour découvrir de nouvelles histoires déployées sur une manche ou sur le col d'une veste. Je les appelle « costumes » et non pas vêtements, car j'espère que lorsqu'une personne les portera, ils l'emmèneront en voyage », dit encore ce petit bout de femme presque timide, au clair regard d’enfant, entre deux répétitions avec Metro al-Madina. Bientôt, sur scène, se débridera son autre soi, gouailleur, frondeur et joyeusement impertinent.

*Jusqu’au 27 décembre

Chanter, danser, magnétiser le public n’était déjà plus assez pour Yasmina Fayed. Cheveux courts et idées longues, tutus, turbans, rubans, caftans, répliques cinglantes et humour ravageur, littéralement habitée par les icônes arabes de l’âge d’or du cinéma et du cabaret égyptien, la comédienne s’est retrouvée du jour au lendemain à l’arrêt, se demandant comment occuper...
commentaires (1)

Merci pour ce joli article et BRAVO à Yasmina Fayed et toute l'équipe pour les magnifiques spectacles et les moments de pur bonheur qu'ils nous offrent. J'ai vraiment hâte de découvrir votre nouveau spectacle.

Abichaker Toufic

20 h 17, le 20 décembre 2023

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Commentaires (1)

  • Merci pour ce joli article et BRAVO à Yasmina Fayed et toute l'équipe pour les magnifiques spectacles et les moments de pur bonheur qu'ils nous offrent. J'ai vraiment hâte de découvrir votre nouveau spectacle.

    Abichaker Toufic

    20 h 17, le 20 décembre 2023

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