Céline ou le récit poignant d’une mère sur sa fille atteinte d’autisme

« Bien blanc, le cheveu se détachait du reste. Une métamorphose du regard, une ride sous l'œil gauche, et soudain une fragilité accrue. Déshabillée de mon enthousiasme, assise près d’elle, mes larmes coulent. (...) Ainsi, je n’ai pas vu le temps défiler. » Pour Ishtar, Céline est encore une enfant. Pourtant, elle a 33 ans. Prise au dépourvu par les signes de croissance de sa fille, sa mère prend pour la première fois conscience de la réalité du temps qui passe.

Céline est un récit éponyme écrit par Ishtar Jaulin, publié le 7 octobre dernier aux éditions Art Liban Calima. Grâce à son écriture poétique et intime, elle décrit son parcours compliqué de mère naviguant au gré des obstacles d’une société souvent inadaptée aux situations de handicap.

Céline, fille « miraculeuse », est née sous les bombes au milieu du chaos de la guerre civile au Liban. Ishtar Jaulin a souvent tenté de faire ce rapprochement pour expliquer la cause de son handicap. Ou est-ce à cause de cette sage-femme stagiaire qui s’y prenait violemment en la mettant au monde ? Tant de questions auxquelles la mère de Céline a cessé de chercher les réponses pour faire face à cette destinée complexe mais pourtant si tendre…

Vivre à travers l’autisme

Elle aura tout entendu à propos de sa fille : « Psychotique, malade, bloquée, demeurée, débile… » Sans réel diagnostic pendant les deux premières années de la vie de Céline, c’est finalement à Paris, devant l'ascenseur de la halte-garderie que le constat tombe enfin : Céline est autiste. Mais c’est une assistante maternelle qui lui annonce cette vérité longtemps cachée. Par crainte qu’elle ne commette un suicide ou un meurtre, le corps médical a préféré garder le secret. Après cela, l’assistante maternelle a dû démissionner pour avoir dévoilé un secret médical.

Céline, c’est l’histoire d’une mère qui s’est vue isolée du monde à cause d’un système qui rejette la différence. Que ce soit à travers les cris de son enfant qui interpellent le regard intrigué des passagers dans les transports en commun ou la douleur de simplement sortir dans un parc et de voir des parents éloigner leurs enfants de sa sienne, elle invite le lecteur dans un quotidien aussi imprévisible qu’impitoyable.

Et puis, elle est attachante cette Céline, enfant délicate qui vit l’instant présent ! Ne se souciant ni du passé ni de l’avenir, elle ramasse tous les élastiques qu’elle trouve par terre, gribouille partout où elle se trouve et lit à une vitesse folle. Parce qu'un handicap ne constitue pas l’identité d’une personne, Ishtar le précise : « Céline est rarement reconnue pour ce qu’elle est, plus souvent pour ce qu’elle représente : un handicap, une anomalie. »

Grandir ensemble

À dix-neuf ans, Céline intègre un lieu d’accueil pour l’aider à trouver son autonomie en tant qu’adulte, loin du cocon familial. Pour Ishtar Jaulin, le vide se fait ressentir. Après avoir donné toute son énergie et toute sa vie pour sa fille, qui est-elle sans elle ?

L’arrivée de Céline au monde l'a totalement changée. Elles ont tellement appris l’une de l’autre. Sa fille fait partie de son identité d’aujourd’hui. Pour mieux l’accompagner dans son handicap, elle a suivi de nombreuses formations afin d’obtenir un diplôme en art thérapie. En 2010, elle crée avec son mari l’Apam (Parents d’adultes autistes aux marronniers), une association qui accueille des personnes atteintes de troubles autistiques ou de troubles envahissants du développement pour leur proposer des activités artistiques et sportives afin de les stimuler.

Mais à mesure que le temps passe, Ishtar Jaulin ne peut s’empêcher d’être hantée par la crainte de vieillir et de ne plus être en capacité de s'occuper de sa fille. Pour ne pas y penser, elle tente tant bien que mal de vivre l’instant présent comme elle l’a si bien appris, grâce à Céline.