Rechercher
Rechercher

Culture - Quoi qu’on en lise

Éternel Fouad Elkoury

Dans son nouvel ouvrage texte/photo « J’émerge » publié aux éditions Intervalles, le photographe Fouad Elkoury revient sur trois années de vie au Liban.

Éternel Fouad Elkoury

Le photographe franco-libanais Fouad Elkoury. Photo Ahmad Ghossein

Difficile de ne pas penser, devant le dernier ouvrage J’émerge de Fouad Elkoury, aux 4,5 millions de mètres carrés de forêt brûlés au Liban-Sud suite aux bombardements israéliens d’octobre 2023. Des chênes, des pins, des oliviers, des térébinthes et d’autres arbres encore ont été perdus. Ces mêmes arbres, Fouad Elkoury les photographiait quelques mois auparavant, près de sa maison dans la montagne où il s’était réfugié une première fois lors du confinement, puis une seconde fois après la double explosion au port de Beyrouth.


Fouad Elkoury sur le site du port de Beyrouth. Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Fouad Elkoury est de nature discrète, il s’exprime peu dans les médias, il ne montre ses images que dans des livres, des expositions ou des films. L’artiste n’est pas sur les réseaux sociaux, pourtant son travail fait le tour du monde. La jeune génération relaie sur Instagram ses photographies trouvées sur Google, souvent sans connaître même le nom du photographe. Ce n’est pas un hasard, son travail est intemporel. Alors que les Gazaouis vivent sous les bombes, comment ne pas se souvenir de cette photo Boy with Keffieh qu’il a prise en 1994 à Gaza où l’on voit le visage d’un jeune Palestinien aux yeux brillants cagoulé par un keffieh ?

Fouad Elkoury est tellement discret qu’on pouvait se demander où il se trouvait lors de la révolution d’octobre 2019... de la crise économique qui a touché le Liban... la double explosion au port de Beyrouth ? Pas un mot, pas une image de sa part, et pourtant le photographe était bel et bien là, et on le découvre au moment de la publication de J’émerge, qui revient sur ses trois années de vie au Liban. Face à la profusion des images montrées sur les réseaux par les photographes, Fouad Elkoury décide, lui, de prendre le temps, de peu dévoiler, de peser ses images. N’est-ce pas le rythme qu’un artiste doit s’imposer pour créer une œuvre ?


Une photo tirée de l'album « J’émerge ». Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Que montrer quand on est photographe ? Comment ? De quelle façon ? Comme dans plusieurs de ses livres (Beyrouth aller-retour, On War and Love, Palestine l’envers du miroir, Lettres à mon fils), l’artiste associe textes et images. Ses mots rappellent ceux d’un journal intime. Ses images sont sélectionnées avec soin. De la révolution, même s’il était dans la rue chaque jour, il ne montre que deux photographies. Sur l’une d’entre elles, on voit un jeune révolutionnaire assis dans une rue vide de Beyrouth échanger avec un policier debout. À l’arrière-plan, des arbres, quelques immeubles et un panneau publicitaire géant où est inscrit : « $4 200 MB WhatsApp Bundle MTC Touch ». Tout est dit sur l’échec de ce soulèvement qui avait débuté en raison d’une taxe sur les communications WhatsApp que le gouvernement voulait imposer aux Libanais.


La couverture de « J’émerge » de Fouad Elkoury. Photo DR

En guise de légende aux photographies : la date, l’heure et un chiffre qui augmente sans cesse. C’est le cours de la monnaie libanaise qui s’envole, page après page, face au dollar. Ce chiffre qui apparaît sous un balcon ensoleillé, un arbre centenaire ou encore une chambre à la lumière tamisée offre un tout autre regard à ces clichés à l’apparence calme et apaisée. « Vertiges » est le titre du premier chapitre de J’émerge, qui en comporte trois : vertiges devant la nature, la lumière et les désastres, vertiges d’un pays à la beauté rare où les drames s’abattent sans cesse. Un pays que Fouad Elkoury est parvenu encore une fois à rendre éternel dans ses images.

--

« J’émerge »

Les éditions Intervalles

29 euros

Difficile de ne pas penser, devant le dernier ouvrage J’émerge de Fouad Elkoury, aux 4,5 millions de mètres carrés de forêt brûlés au Liban-Sud suite aux bombardements israéliens d’octobre 2023. Des chênes, des pins, des oliviers, des térébinthes et d’autres arbres encore ont été perdus. Ces mêmes arbres, Fouad Elkoury les photographiait quelques mois auparavant,...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut