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Massacre high-tech


Terre sainte, terre promise, irréductible forteresse : de tous les surnoms que s’est acquis Israël, le plus flatteur est sans doute celui de nation start-up. C’est sans doute le plus mérité aussi, tant en effet le Silicon Wadi – zone où sont concentrées les industries de pointe israéliennes – pourrait en remontrer à la célébrissime Valley californienne qui abrite les plus grandes entreprises mondiales de hautes technologies.

Comme il se doit pour un État à vocation aussi résolument guerrière, c’est surtout dans le domaine militaire que les ingénieurs se triturent les méninges pour concevoir et produire les gadgets les plus performants. Mais pour diriger les tirs sur Gaza, quel besoin avaient donc les gouvernants et les généraux d’Israël de s’en remettre à une intelligence artificielle capable, selon la propagande, de déterminer instantanément la position des chefs et combattants du Hamas ? Oui, pourquoi faire appel à des neurones électroniques quand il y a déjà foule de cerveaux malades, cent pour cent naturels, ne serait-ce que biologiquement parlant ?

Car de deux choses l’une : ou la réputation de ce robot est surfaite ; ou alors Tel-Aviv n’en a vraiment que fiche de tous ces renseignements recueillis par satellite, par drones, par écoutes ou par informateurs. Le fait est que, dans la nasse surpeuplée et chaque jour plus réduite de Gaza, la vaillante Tsahal n’à qu’à taper dans le tas avec la certitude absolue de faire mouche à tous les coups. Car faire la leçon aux Gazaouis, tuer le plus grand nombre possible d’innocents civils dans le vague espoir qu’avec un peu de chance, il se trouvera bien parmi eux un ou deux activistes, tel est l’objectif véritable de cette abjecte guerre de vengeance. Si en somme le robot tant vanté par la propagande a pu être de quelque utilité aux artilleurs de Benjamin Netanyahu, c’est seulement pour leur avoir affiché en continu le niveau d’affluence populaire sur les lieux des cibles prioritaires : hôpitaux, écoles et institutions onusiennes où la population en détresse croit, avec la traîtresse candeur du désespoir, pouvoir trouver refuge. Oui, Israël peut tout juste se vanter d’avoir, avec l’aide de la high-tech, maximalisé le macabre rendement, optimisé le massacre, tout comme le ferait de ses produits une industrie up to date.

Détail qui en dit long : ce robot aux gros yeux et aux grandes oreilles, on a jugé bon de lui donner le nom de Habsora (l’Évangile). Or, en attribuant aux Écritures saintes la paternité du barbare dessein, on n’a fait qu’ajouter le sacrilège au crime. En quoi, dès lors, ces fous de Yahvé, qui, en pleine guerre de Gaza, montent impunément à l’assaut de la Cisjordanie, diffèrent-ils de ces terroristes islamistes qu’Israël se promet d’éradiquer ? Quoi qu’il en soit, le sinistre palmarès de Habsora ne manquera sans doute pas d’alimenter le débat autour de l’intelligence artificielle, de son formidable impact sur les sociétés, la santé, le marché de l’emploi et même la paix mondiale. Certains scientifiques et philosophes (et non des moindres) vont jusqu’à agiter le spectre de superintelligences qui en viendraient à multiplier elles-mêmes leurs capacités, au point de court-circuiter leurs manipulateurs humains.

Eh bien, ce risque les Libanais le prendraient bien volontiers ; il ne pourrait leur arriver rien de pire en effet que le honteux état d’abandon dans lequel les ont laissés des générations de dirigeants dénués tant d’honnêteté que de vision. Alors verrait-on peut-être la fabuleuse machine commencer par reconstituer la belle et légendaire mosaïque libanaise, devenue un puzzle propre à décourager les meilleures volontés du monde. Forte de ses deux petites initiales et de son inépuisable imagination, ce serait bien le diable si elle ne crachait pas la recette-éclair d’un redressement économico-financier du pays et d’une sécurité garantie à ses frontières ; peut-être même sortirait de ses entrailles électroniques le secret de fabrication d’un bon président de la République.

L’intelligence au pouvoir au bras de la probité, et peu importe à la fin qu’elle soit humaine ou artificielle, homogène ou hybride, matière grise ou couleur caca d’oie ! Est-ce vraiment trop demander ?

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Terre sainte, terre promise, irréductible forteresse : de tous les surnoms que s’est acquis Israël, le plus flatteur est sans doute celui de nation start-up. C’est sans doute le plus mérité aussi, tant en effet le Silicon Wadi – zone où sont concentrées les industries de pointe israéliennes – pourrait en remontrer à la célébrissime Valley californienne qui abrite les plus...