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Politique - Éclairage

Malgré la guerre à Gaza, « business as usual » entre la France et le Hezbollah

Des proches du parti chiite se déchaînent pourtant contre Paris dans les médias.

L’émissaire français Jean-Yves Le Drian reçu dans la banlieue sud de Beyrouth par le chef du groupe parlementaire du Hezbollah Mohammad Raad, le 27 juillet 2023. Joseph Eid/AFP.

« Les émissaires qui viennent nous parler des intérêts hébreux ne sont pas les bienvenus. » Alors que Jean-Yves Le Drian, l’envoyé français au Liban, complétait sa tournée à Beyrouth la semaine dernière, le mufti jaafarite Ahmad Kabalan, proche du Hezbollah, ne semblait pas particulièrement ravi de sa présence. Et il n’est pas la seul. Car, dans les cercles du parti chiite, la critique du rôle de Paris dans la guerre en cours contre Israël abonde. Le quotidien al-Akhbar, aligné sur la politique du Hezbollah, a qualifié dans une série d’articles la France de « sale employé » de Tel-Aviv, qui ne cherche qu’à assurer « la protection des Israéliens ». Ces reproches interviennent alors que, depuis la fin du mois de novembre, la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU fait l’objet de tractations diplomatiques intenses à Beyrouth, notamment de la part de diplomates français, américains et qataris qui cherchent à éviter une escalade impliquant le Liban. La résolution internationale donne en effet à Israël les garanties de sécurité qu’il réclame en éloignant le groupe chiite à quelques dizaines de kilomètres de la ligne bleue, ce que ce dernier dit refuser. Toutefois, pendant que ces  porte-parole officieux du parti se déchaînent contre Paris, le Hezbollah officiel, lui, donne le sentiment qu’il tient à préserver ses relations avec son seul interlocuteur occidental.

« Des désaccords, mais... »

Les Français mènent depuis quelque semaines des pressions pour obtenir l’application de la résolution 1701 et éviter une guerre totale. À la clé pour Beyrouth, la résolution du litige frontalier avec Israël. L’ancien ambassadeur français au Liban et patron de la DGSE Bernard Émié s’est rendu au pays du Cèdre pour évoquer ce dossier avec de nombreux interlocuteurs, dont le parti chiite. L’Orient-Le Jour a appris de sources concordantes que les entretiens entre des officiels des deux bords étaient « très positifs ». Le Hezbollah aurait même fait comprendre à ses interlocuteurs qu’il n’était pas fermé à des négociations pour une application plus stricte de cette résolution. La formation n’a pas non plus critiqué le ton, qui frôle l’interventionnisme, avec lequel Jean-Yves Le Drian a appelé les Libanais à proroger le mandat du commandant de l’armée Joseph Aoun afin d’éviter un vide à la tête de l’institution militaire. Pourtant, de leurs côtés, les médias proches du mouvement s’en sont donné à cœur joie sur le deux dossiers, vraisemblablement pour satisfaire l’opinion publique ou renforcer la position du Hezbollah dans les négociations.

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Comment expliquer cette volonté du parti pro-iranien de ménager Paris ? « Les intérêts entre la France et le Hezbollah se recoupent largement », analyse le politologue Karim Mufti. En effet, Paris se distingue au Liban des autres puissances occidentales par sa capacité à traiter avec le puissant parti chiite, qui profite également de l’ouverture internationale que les Français lui accordent. « Ce qui fait la spécificité de la France, c’est sa capacité à parler avec tout le monde », affirme une source diplomatique française contactée par notre journal. « Dès lors, notre rôle de médiateur implique de transmettre les messages et les intérêts des deux parties, abonde le diplomate. Mine de rien, le Hezbollah en a bien profité depuis au moins 1996 et les conséquences de l’opération “Raisins de la colère”. » Et il en semble bien conscient. « Il peut y avoir des désaccords, mais cela ne signifie pas que les relations seront coupées », affirme Rana Sahili, porte-parole du parti chiite.

« Les relations sont revenues à la normale »

Les liens entre le Quai d’Orsay et Haret Hreik restent même assez cordiaux, bien que les sujets de désaccords ne manquent pas depuis quelque temps. Lors des premiers mois de l’échéance présidentielle, les Français et le parti chiite semblaient sur la même longueur d’onde. Paris proposait en effet un troc entre la présidence de la République, qui irait au candidat du Hezbollah et leader des Marada Sleiman Frangié, et le poste de Premier ministre, qui reviendrait alors à une personnalité choisie par le camp adverse. Face à l’intransigeance de l’opposition – et d’une partie de ses partenaires internationaux –, la France a dû lâcher cette formule. Dans un entretien accordé à notre journal en septembre, M. Le Drian a effet appelé à l’élection d’un candidat de troisième voie, entre M. Frangié et l’ancien ministre Jihad Azour, candidat des opposants au parti de Dieu et du Courant patriotique libre (CPL). Un repositionnement qui a valu au diplomate les critiques, encore une fois officieuses, du Hezbollah.

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Autre sujet de désaccord : la guerre à Gaza. Lors des premiers jours du conflit, le président Emmanuel Macron a soutenu les efforts militaires d’Israël face au Hamas, allié du Hezbollah, sans nuance. L’Élysée avait même proposé qu’une coalition internationale intervienne pour condamner le groupe palestinien au même sort que l’État islamique en Syrie. Mais pendant qu’elle traitait le Hamas comme un paria international, la diplomatie française a maintenu les contacts avec le grand frère libanais du groupe islamiste, le considérant comme incontournable pour quiconque souhaitant avoir une réelle influence au Liban. En parallèle, c’est surtout les drapeaux d’alliés du Hezbollah, tel que le Parti syrien national social, qui flottaient lors des manifestations devant l’ambassade de France à Beyrouth, tandis que le mouvement chiite gardait discrète sa participation aux rassemblements.

Autre fait notable, dans ses deux discours depuis le début des hostilités le 7 octobre, le secrétaire général du parti Hassan Nasrallah a tiré à boulets rouges sur les Américains et même les Britanniques pour leur soutien sans équivoque au gouvernement de Benjamin Netanyahu. Toutefois, il s’est gardé de toute critique contre la France. « Ces dernières semaines, les Français ont modéré leur position et les relations sont revenues à la normale », ajoute Kassem Kassir, un analyste réputé proche du Hezbollah. Ce dernier « est conscient de la position internationale concernant le Hamas, affirme de son côté M. Mufti. Dès lors, il ne s’attend pas à ce que les Européens défendent ce groupe. Ce qui l’intéresse, c’est la position de la France concernant son rôle au Liban. Ni Joseph Aoun ni la 1701 ne constituent des menaces directes pour lui ». 

« Les émissaires qui viennent nous parler des intérêts hébreux ne sont pas les bienvenus. » Alors que Jean-Yves Le Drian, l’envoyé français au Liban, complétait sa tournée à Beyrouth la semaine dernière, le mufti jaafarite Ahmad Kabalan, proche du Hezbollah, ne semblait pas particulièrement ravi de sa présence. Et il n’est pas la seul. Car, dans les cercles du parti...

commentaires (10)

« Ce qui fait la spécificité de la France, c’est sa capacité à parler avec tout le monde », affirme une source diplomatique française contactée par notre journal...Il n'y a pas de quoi se vanter, franchement! C'est la posture du lâche et de l'opportuniste. La France des Lumières a bel et bien disparu!

marie-therese ballin

10 h 35, le 11 décembre 2023

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Commentaires (10)

  • « Ce qui fait la spécificité de la France, c’est sa capacité à parler avec tout le monde », affirme une source diplomatique française contactée par notre journal...Il n'y a pas de quoi se vanter, franchement! C'est la posture du lâche et de l'opportuniste. La France des Lumières a bel et bien disparu!

    marie-therese ballin

    10 h 35, le 11 décembre 2023

  • Encore une fois pour toute, la proposition de la France est incohérente. Un premier ministre peut être combattu et destitué par des députés, mais le président continuera à assumer son rôle jusqu’à la fin de son combat. Le Hezbollah gardera ses armes et combattra l’entité sioniste jusqu’à la libération de dernier mètre carré du territoire libanais et bien au delà pour superviser toutes attaques perfides sionistes et les refoulera bien en deçà de ses frontières et une nouvelle ligne cette fois ci rouge se fera sur le sol de la Palestine occupée comme un no man’s land et non de la ligne bleue.

    Mohamed Melhem

    04 h 45, le 11 décembre 2023

  • Une fois le Hamas écrasé ce sera le tour de nos barbus qui bien entendus, en bon orientaux préféreraient se faire ratiboiser que de perdre la face et de remettre leurs armes, alors ils seront biens contents qu’ils aient quelqu’un qui les entende. Merci la France j’espère que Macron est moins naïf qu’il en a l’air et qu’il joue avec les USA l’histoire du bon flic, mauvais flic pour mettre à pas ces vendus

    Liban Libre

    15 h 46, le 09 décembre 2023

  • LE RÔLE DE LA FRANCE EST D'AIDER L'IRAN À GARDER LA MAIN SUR LE LIBAN. OÙ ÊTES VOUS MONSIEUR DOMINIQUE DE VILLEPIN ? DÉNONCEZ CE SCANDALE.

    Gebran Eid

    15 h 28, le 09 décembre 2023

  • « business as usual » entre la France et le Hezbollah ». Le pire c’est que la France est loin d’être sûre de sortir gagnante de ce traquenard, mais essaie le tout pour le tout de se convaincre du contraire alors que tous les voyants sont aux rouge sang.

    Sissi zayyat

    12 h 43, le 09 décembre 2023

  • Sur leurs intérêts immédiats alors que la crise actuelle impose une stratégie politique et une fermeté pour mettre fin aux projets destructeurs par grignotages et par roublardises que les états puissants semblent ne pas voir où comprendre,aveuglés par leurs intérêts du moment. Toutes les conditions sont désormais réunies pour le mener à un changement drastique vers le pire, et aucun de ces pays ne semble conscient de la catastrophe qui menace la paix du monde. Il ne s’agit plus du sort d’un pays ou deux, mais de l’équilibre mondial qu’on mène sciemment à sa perte par manque de longueur de vue

    Sissi zayyat

    11 h 55, le 09 décembre 2023

  • La France a pratiqué la même politique avec Poutine sous prétexte qu’on devait maintenir le dialogue jusqu’à ce que Macron se fasse taper sur les doigts pour se raviser et adopter un ton plus cohérent. La cohérence manque dans les positions de tous les pays occidentaux qui, un jour se montrent fermes et un autre lâches et mous face à des despotes qui entendent profiter de leur division alors que le monde va à vau-l’eau. Entre les élections tous les quatre matins aux E.U et la crise économique mondiale, ils mènent le monde à sa perte manquant de vision politique à long terme et se focalisant

    Sissi zayyat

    11 h 45, le 09 décembre 2023

  • - QUE CUISINE LEDRIAN , - AVEC LES ANTI-LIBAN ? - CROIT-IL, QU,AVEC LE TONNERRE, - ILS PEUVENT SUR NOTRE TERRE, - IMPOSER LE *CONSENSUS*, - TANT ENVIE PAR LES BARBUS, - QUI RECHERCHENT CETTE MISE, - POUR ASSEOIR LEUR MAINMISE ? - ENTRE ENFER ET PARADIS, - PAS D,ACCORD ! PAS DE SURSIS ! - AU *CONSENSUS*... QUI CONCEDE, - EST DES ENTURBANNES L,AIDE ! - NI FAKIH ET NI LIONCEAU. - ICI C,EST FRAPPE DU SCEAU, - DE LA LIBERTE SI FIERE, - ET DE L,AMOUR DE LA TERRE. - NOUS SOMMES LE VIF EXEMPLE, - DES GARDIENS DE NOTRE TEMPLE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 38, le 09 décembre 2023

  • Traitant avec le Hezbollah, il ne faut pa oublier le vieil adage: "Poignez le vilain, il vous oindra. Oignez le vilain, il vous poindra",

    Yves Prevost

    07 h 26, le 09 décembre 2023

  • C es t la France qui est à présent perfide

    Zampano

    03 h 08, le 09 décembre 2023

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