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Ce n’est certainement pas faute d’avoir essayé : au fil de la crise libanaise, la France aura vainement usé de tous les tons possibles et imaginables pour pousser les hommes qui nous gouvernent à assumer leurs immenses responsabilités.

Quand il n’était encore question que de naufrage financier, Emmanuel Macron et son ministre des A.E. de l’époque, Jean-Yves Le Drian, commencèrent par faire candidement appel au sens du devoir, de la dignité et de l’honneur de ces personnages, pour les inciter à entreprendre les réformes nécessaires. Peu après, vint le temps des dures remontrances, pour ne pas dire de l’insulte, quand nos figures publiques se voyaient qualifier d’indécrottables corrompus et de dirigeants faillis. Parfaitement insensibles à l’affront, ces derniers restaient tout aussi impassibles face aux menaces de sanctions brandies, sans grande conviction il est vrai, par la France.


Depuis, la crise a forcément fait des petits, pas si petits que ça d’ailleurs. La banqueroute politique est venue s’ajouter au naufrage économico-

financier. L’une après l’autre, les institutions se sont délabrées ou grippées ; et treize mois se sont déjà écoulés en stériles manœuvres, ou alors en profonde léthargie parlementaire, depuis que la présidence de la République s’est trouvée vacante. Et c’est dans un contexte régional on ne peut plus explosif que prend fin, dans quelques semaines à peine, le mandat du commandant de l’armée, la désignation d’un successeur posant problème constitutionnel en l’inexistence de tout président.

Après s’être échiné dans le passé à la fabrication d’un chef de l’État, c’est donc au maintien à son poste du général Joseph Aoun qu’a œuvré ces derniers jours, en urgente priorité, l’émissaire de l’Élysée. Or, de là à penser qu’il a maintenant l’occasion de faire d’une pierre deux coups, il n’y a qu’un pas. Car même si le nom d’un autre officier, le directeur intérimaire de la Sûreté générale est cité depuis peu, le commandant de la troupe passe lui-même pour un sérieux candidat à la présidence. Ce détail fait évidemment des jaloux qui parfois peuvent se montrer insupportablement arrogants de surcroît ; aussi l’envoyé de l’Élysée a-t-il abruptement écourté son entrevue avec l’un d’eux, le chef du Courant patriotique libre.


C’est à feu vif que Netanyahu a déjà rôti une large part de Gaza et qu’il se propose de carboniser le reste, comme le laisse craindre la reprise des bombardements hier ; mais cette criminelle orgie de flammes peut-elle, en revanche, aider à lier cette sauce libanaise dont la complexité aurait découragé, de son vivant, même un maître queux aussi imaginatif que le très controversé Henry Kissinger ? C’est précisément sur cette note à résonance non plus locale mais géopolitique que Jean-Yves Le Drian sonne désormais le tocsin ; c’est là que réside la conclusion de son plaidoyer, son argument massue. Si énorme s’avère de jour en jour l’affaire de Gaza qu’elle commande une intense mobilisation diplomatique pour empêcher une extension du conflit ; mais elle entraîne aussi un salutaire regain d’intérêt planétaire pour ce dossier palestinien longtemps enfoui sous des tonnes de poussière.

Dès lors, le Liban déjà invalide n’est pas seulement tenu d’éviter à tout prix une confrontation suicidaire avec ce voisin aussi enragé que surpuissant qu’est Israël. Il doit également être redevenu un État – un État crédible doté d’institutions à nouveau opérationnelles – quand pourraient être enclenchées des concertations internationales sur le devenir de la région. Car pour nous les enjeux ne sont pas seulement d’ordre sécuritaire. Bien sûr, une revitalisation effective de la résolution 1701 de l’ONU ramènerait la paix et la stabilité dans le sud du pays. Il en irait de même d’une délimitation définitive de la frontière avec l’État hébreu et la liquidation de ces deux épineux dossiers rendrait inutiles, caduques, absolument indéfendables, les ardeurs guerrières du Hezbollah. C’est encore plus loin cependant qu’il nous faut voir.

De tous les pays arabes, le Liban, de par son singulier tissu démographique, est le moins apte à absorber, sans irréparable dommage, les centaines de milliers de réfugiés palestiniens qu’il héberge ; à cette vielle hantise de l’implantation s’ajoute la présence sur notre sol d’un million et demi de déplacés syriens. Le corollaire en est que de tous les Arabes, les Libanais, qui gardent pourtant un mauvais souvenir des débordements de l’OLP sur leur sol, ont le plus intérêt à l’émergence d’un État palestinien apte à décerner une citoyenneté, un passeport à ses ouailles de la diaspora. C’est bien là que l’on peut regretter le temps où notre pays se distinguait par une diplomatie active, estimée respectée, écoutée de l’étranger.


Mais si nous commencions plutôt par suivre le conseil de la France : à convoiter, à mériter, à nous assurer une chaise autour du tapis vert ?

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Ce n’est certainement pas faute d’avoir essayé : au fil de la crise libanaise, la France aura vainement usé de tous les tons possibles et imaginables pour pousser les hommes qui nous gouvernent à assumer leurs immenses responsabilités. Quand il n’était encore question que de naufrage financier, Emmanuel Macron et son ministre des A.E. de l’époque, Jean-Yves Le Drian,...