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Montages d’histoire

Rallonge après rallonge de trêve, voici que l’on se remet à évoquer cet après-Gaza dont les contours restent pourtant des plus hypothétiques. Antony Blinken reprend ainsi son bâton de pèlerin et se propose d’aller plaider auprès de Benjamin Netanyahu la nécessité de respecter les impératifs humanitaires résultant de la guerre ; mais aussi de redonner ses chances à la formule de deux États en Palestine.


Le secrétaire d’État américain risque peu d’être entendu sur ce dernier point, même si le Premier ministre d’Israël a grand besoin de mains secourables pour redescendre du cocotier sur lequel, ivre de vengeance, il a grimpé. L’État hébreu n’est guère seul toutefois à se trouver confronté à des révisions déchirantes. Si ses exactions du 7 octobre contre les civils israéliens ont choqué le monde, le Hamas a certes réussi à dépoussiérer une question palestinienne oubliée des chancelleries. Face aux effroyables pertes de vies humaines et destructions subies par la population de Gaza, il aura par contre bien du mal à prendre exemple sur le Hezbollah pour se hasarder à claironner, comme le fit ce dernier en 2006, une quelconque victoire divine.


Cette mise en parallèle avec la milice pro-iranienne ne devrait pas s’arrêter là pour les Israéliens, si seulement ils se décidaient à tirer les leçons de l’histoire qu’ils se sont acharnés à déformer. Délogée de son fief libanais lors de l’invasion de 1982, l’OLP de Yasser Arafat devenait quelques années plus tard l’incontournable interlocuteur d’Israël. Suprême ironie, c’est même un Hezbollah plus puissant, plus aguerri et considérablement mieux équipé qui remplaçait les fedayine palestiniens à la frontière libano-israélienne : un Hezbollah qualifié lui aussi de terroriste mais avec lequel Israël se trouve parfois tenu de négocier indirectement par l’intermédiaire de puissances étrangères, des institutions onusiennes ou de la Croix-Rouge internationale. De fait, n’est-ce pas exactement ce qui arrive en ce moment avec le Hamas pour la libération des otages ?


Pour en revenir à la solution de deux États, irréaliste en diable est la brutale volonté de Netanyahu d’éradiquer le Hamas, même s’il réussissait à en liquider les chefs. Mais est-il plus rationnel d’envisager à ce stade une reconversion graduelle de cette organisation jusqu’auboutiste, ce qui doterait enfin les infortunés Palestiniens d’une direction cohérente, intègre et responsable en lieu et place de l’actuelle rivalité entre ramollis de Ramallah et aventuristes de Gaza ? Qui définira par ailleurs la fuyante frontière entre terroristes et militants, surtout dans le sanglant imbroglio de Palestine ?


À cette question vieille comme le monde Israël est le moins qualifié pour répondre, lui qui n’a cessé de malmener et de déformer l’histoire. Fondé sur le mensonge d’une terre sans peuple pour un peuple sans terre, c’est en grande partie par la voie du terrorisme que cet État est devenu réalité. Au moins deux de ses Premiers ministres, et sans même parler d’autres charges moins hautes, ont pris une part active, qui dans l’assassinat du médiateur de l’ONU le comte Bernadotte, et qui dans le dynamitage de l’hôtel King David à Jérusalem. Il aura fallu cinquante ans pour que de courageux historiens israéliens, qui méritaient amplement leur label de Nouveaux, viennent démentir la propagande officielle et révéler au grand jour les massacres, dépossessions et déportations qui ont marqué la Nakba de 1948. Est-il besoin de signaler que de ces cinq personnalités quatre ont fini par faire défection suite aux menaces de mort dont ils étaient assaillis, laissant seul dans l’arène médiatique l’indomptable Ilan Pappé que l’on voit maintenant s’insurger contre l’insensée violence faite à Gaza…


On ne le répétera jamais assez : d’autant plus odieux et condamnable est le terrorisme israélien qu’il n’est pas le fait d’une bande armée, mais d’un État constitué, d’un État qui persiste dans son vaste dessein d’expansion territoriale, d’occupation, de colonisation assassine et d’apartheid. Et dire qu’il n’a pas fini de berner pas mal de monde quand, après toutes les monstruosités qui précèdent, il ose encore se travestir en démocratie.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Rallonge après rallonge de trêve, voici que l’on se remet à évoquer cet après-Gaza dont les contours restent pourtant des plus hypothétiques. Antony Blinken reprend ainsi son bâton de pèlerin et se propose d’aller plaider auprès de Benjamin Netanyahu la nécessité de respecter les impératifs humanitaires résultant de la guerre ; mais aussi de redonner ses chances à la formule de...