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Culture - Initiative

Des photos pour la Palestine… et en hommage au photographe tué Majd Arandas

Deux initiatives en ligne, « Pictures for Palestine » et « I Wish to Photograph Beauty », proposent des ventes d’œuvres au profit de la Palestine, s’engageant chacune à sa manière pour cette cause humanitaire.

Des photos pour la Palestine… et en hommage au photographe tué Majd Arandas

Un cliché pris par le photographe palestinien Majd Arandas : la robe de mariée de sa grand-mère. Photo DR

L’offensive israélienne, lancée sur Gaza au lendemain du Déluge d'al-Aqsa du 7 octobre et qui a vite pris la forme d’un massacre des Gazaouis, a placé la scène créative mondiale dans une situation difficile. D’une part, les artistes et autres créatifs voulant s’engager en faveur de cette cause humaine ont subi une vague d’intimidations, de menaces, de « cancelling », et ont même parfois vu leurs emplois et contrats de travail menacés, comme nous vous l’expliquions dans un article paru dans ces pages. D’autre part, même lorsque ces derniers ont réussi à s’exprimer sans trop de dommages collatéraux, ces prises de parole, principalement des pétitions et des posts Instagram, leur ont vraisemblablement semblé vains, ou en tout cas insuffisants, au vu de la crise humanitaire qui se déploie le long de la bande de Gaza et ne cesse d'empirer d’heure en heure. En ce sens, plus que dénoncer le siège et la punition collective infligés aux Palestiniens (pour la plupart des enfants) par Israël, il était temps aussi pour les artistes de se mobiliser dans le cadre d’une action concrète qui permettrait de lever des fonds pour la Palestine, comme cela avait été récemment le cas au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine. C’est dans cette perspective que deux collectes de fonds, provenant de deux ventes de photos en ligne, ont été simultanément organisées par deux collectifs d’artistes.

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« Pictures for Palestine »

La première de ces initiatives, « Pictures for Palestine », est d’autant plus poignante et significative qu’elle a été cornaquée par un groupe de créatifs basé à Londres qui avaient collecté plus d’un demi-million de livres sterling pour ceux qui ont été touchés par la crise économique et sociale consécutive à l’urgence sanitaire du Covid-19.

« En témoignant de la situation désastreuse à Gaza, on ne pouvait pas rester silencieux ou encore moins les bras croisés. Très vite, nous nous sommes mobilisés et nous avons pris contact avec près de 200 artistes internationaux, photographes et artistes visuels, leur proposant de reverser les recettes de ventes de l’une de leurs images au profit de Medical Aid for Palestinians (MAP) », expliquent-ils à L'Orient-Le Jour. Lancée il y a quelques jours, « Pictures for Palestine » a rassemblé un groupe international de 150 artistes qui vendent leurs photos pour 100 livres sterling chacune afin de venir en aide à ceux qui souffrent de la crise humanitaire à Gaza. Ils précisent en ce sens que Medical Aid for Palestinians (MAP) est une organisation caritative qui existe avant la guerre d’octobre 2023 et qui œuvrait déjà pour ceux qui vivent sous occupation en Palestine. Cette organisation était d’ailleurs la première à se rendre sur le terrain lorsque l’assaut militaire israélien a commencé à Gaza, et elle reste l’une des rares organisations encore en activité, distribuant des fournitures médicales, de l’aide et de la nourriture le long du territoire enclavé alors que la situation humanitaire se détériore au quotidien.

« 150 artistes ont répondu à l’appel immédiatement. Pour la plupart, la question ne s’est même pas posée du fait que ce qui se produit à Gaza en ce moment dépasse la portée d’une guerre stricto sensu et que c’est devenu l’une des crises humanitaires les plus urgentes de notre histoire », disent les organisateurs de « Pictures for Palestine ».

Cindy Sherman, « Untitled (Twinkle-Nose) », 2021. Photo DR

Le plus réjouissant, c’est qu’en plus d’être un projet crucial et honorable, cette initiative propose l’acquisition de photographies produites par des figures éminentes de la scène artistique. Dans cette galerie en ligne, accessible ici, l’on retrouve donc les œuvres de grosses pointures, telles l’artiste Cindy Sherman, qui a fait don de l’un de ses « portraits tordus » de 2021. On retrouve aussi le photographe Jamie Hawkesworth, qui navigue entre la photo de mode et la photo d’art, et dont un tirage représentant une abeille butinant une fleur, au bord d’une falaise se déployant sur la mer, avec les couleurs ocre propres à l’artiste, a été offert pour cette cause. Les photographes anglais Esther Theaker, Oliver Hadlee Pearch et Alice Neale, qui ont maintes fois documenté Beyrouth, sont également de la partie, à côté de Jet Swan, Carlijn Jacobs, Jack Davison, Walter Pfieffer et Sharna Osborne, ou encore une image de Mahmoud Manaa, extraite des archives al-Ameen, montrant un Palestinien prenant sa douche avec quelques amis avant son mariage en 1980. Une belle initiative qui aura réussi à mobiliser un réseau international de certains des talents créatifs les plus remarquables au monde.

Une abeille butinant une fleur dans ce cliché de Jamie Hawkesworth. Photo DR

« I Wish to Photograph Beauty »

La deuxième de ces collectes de fond a été lancée par Gulf Photo Plus, le principal centre de photographie basé aux Émirats arabes unis (et desservant la région élargie du Swana). Il cultive des pratiques visuelles à travers des ateliers tout au long de l'année, des programmes artistiques, des expositions, des événements communautaires, des publications, des services d'impression de pointe et des ressources spécialisées en photographie. La genèse de l'initiative, intitulée « I Wish to Photograph Beauty », Gulf Photo Plus l’explique de la sorte : « Alors que le génocide se déroule sous nos yeux à Gaza et en Cisjordanie, des photographes palestiniens courageux, des créateurs de contenu visuel et des journalistes citoyens travaillent sans relâche pour documenter les attaques incessantes sur leur terre, sur leurs proches et sur leur existence même. Plus que jamais, il nous a semblé impératif d’amplifier les récits palestiniens et de soutenir ceux qui documentent actuellement les atrocités en cours. C’est ainsi que nous avons lancé cette vente d’impressions pour soutenir ces artistes et créateurs d’images, alors qu’ils utilisent leurs caméras contre l’injustice et apportent de la clarté dans le brouillard de la guerre. » En ce sens, « I Wish to Photograph Beauty » n’est pas une collecte de fonds reversée aux Gazaouis, mais plutôt une vente d’œuvres d’art en faveur « de nos collègues travaillant actuellement dans des conditions inimaginables, témoignant d’atrocités inexprimables avec leurs caméras. Avec la bénédiction des contributeurs palestiniens de cette collection, nous espérons alléger le fardeau porté par ces artistes et propulser leur travail aussi largement et loin que possible », nuancent les organisateurs de ce projet.

Sur la plateforme en ligne de Gulf Photo Plus, on retrouve donc essentiellement les images de photographes palestiniens, tels Fatima Shbeir qui propose l’image d’un groupe de jeunes palestiniennes célébrant le Fitr à Gaza, Maen Hammad, qui montre la photo d’une petite pastèque poussant sur une vigne de sa grand-mère à Helhoul en Cisjordanie occupée, Samar Abou Elouf, qui documente à travers sa photo des jours de bonheur à Gaza, ou encore Tanya Habjouqa, qui livre un portrait poignant de la jeune militante palestinienne Ahed Tamimi. A leurs côtés, des œuvres de photographes du Programme de photographie documentaire arabe, dont les Libanaises Tamara Saadé et Myriam Boulos. « Cependant, quelle que soit l’image que vous achetez, tous les revenus iront aux auteurs d’images actuellement à Gaza et en Cisjordanie, via le Fonds arabe pour les arts et la culture », souligne Gulf Photo Plus.

Des enfants, prenant un bain entre les ruines, photographiés par Eman Mohammed. Photo DR

Si le titre de cette initiative (qui signifie « Je veux photographier la beauté ») intrigue de prime abord, au vu de la laideur et de la violence qui se déchaînent sur Gaza, les organisateurs de la vente l’expliquent ainsi : « Majd Arandas, dont le travail est présenté dans cette vente, nous a envoyé une note vocale quelques jours seulement avant d’être tué dans une frappe aérienne sur le camp de réfugiés de Nuseirat, le 1er novembre 2023. Il nous avait dit : ‘Je rêve du jour où la vie et la beauté reviendront à Gaza, et où la paix se répandra sur toute la terre palestinienne. Je souhaite photographier de belles choses'. En 2022, Majd a été contraint de vendre son appareil photo pour joindre les deux bouts, mais a continué à travailler avec son téléphone et espérait acheter un nouvel appareil photo bientôt. En soutenant les artistes palestiniens, nous espérons favoriser la création d'auteurs d’images comme Majd et leur fournir ce dont ils ont besoin pour documenter un jour la beauté qui les entoure ». Ce projet, en somme, restera au moins un hommage tant mérité à Majd Arandas.

L’offensive israélienne, lancée sur Gaza au lendemain du Déluge d'al-Aqsa du 7 octobre et qui a vite pris la forme d’un massacre des Gazaouis, a placé la scène créative mondiale dans une situation difficile. D’une part, les artistes et autres créatifs voulant s’engager en faveur de cette cause humaine ont subi une vague d’intimidations, de menaces, de « cancelling »,...

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