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Moyen-Orient - Reportage

« J’y croirai quand je pourrai serrer ma fille dans mes bras » : l’espoir des familles de prisonniers palestiniens

L’accord annoncé dans la nuit de mardi à mercredi permettrait la libération de 150 Palestiniens détenus par Israël contre la libération de 50 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre. En Cisjordanie, de nombreuses familles espèrent le retour d’un proche.

« J’y croirai quand je pourrai serrer ma fille dans mes bras » : l’espoir des familles de prisonniers palestiniens

Vue sur Jénine et le camp de réfugiés de la ville après un raid de l’armée israélienne dans cette ville de Cisjordanie occupée, le 19 novembre 2023. Raneen Sawafta/Reuters

Quelques chaises en plastique trônent devant la maison des Abou Ziadé, à Beit Illo, au nord-est de Ramallah. Des voisins viennent saluer la famille, échanger du café, parler des préparatifs pour une future célébration : la musique, les posters, les décorations. « Depuis que le nom de notre fille, Rawane, figure sur la liste des détenus palestiniens qui pourraient être libérés dans l’échange de prisonniers, c’est un défilé permanent, sourit timidement Naimé, la mère de famille. Nous étions tous pris de court quand nous avons appris la nouvelle. Mais pour être honnête, j’ai encore de gros doutes. Je ne pourrai y croire que lorsque je l’aurai vue de mes propres yeux, que lorsque je pourrai serrer ma fille dans mes bras. La première chose que je vais faire à ce moment-là, ce sera pleurer de joie. » Depuis mardi soir, lorsqu’Israël et le Hamas se sont entendus sur une trêve de quatre jours et la libération de 50 otages israéliens et de 150 prisonniers palestiniens, Naimé reçoit, dans son salon, avec un optimisme prudent, et tempère l’engouement de ses invités. Le nom de sa fille figure dans les tous premiers de la liste publiée par les autorités israéliennes des Palestiniens pouvant être libérés dans les prochains jours. 

Permis de visite

Rawane Abou Zaidé a été arrêtée lorsqu’elle avait 21 ans, le 15 juillet 2015, à proximité de la tour militaire en contrebas de son village. Israël l’accuse d’avoir voulu poignarder un soldat. C’était l’époque de l’intifada des couteaux, lorsque de nombreux jeunes, souvent sans affiliation politique, décidaient d’agir, disaient-ils, contre l’occupation. « Je l’ai appris sur Facebook, précise sa mère. Je ne sais toujours pas si elle l’a fait, ni pourquoi. » Rawane est condamnée à une peine de 9 ans et une amende de 4 000 shekels. Elle passe un premier temps dans la prison d’Hasharon, avant de purger sa peine dans la prison pour femmes de Damon. Naimé n’a pas vu sa fille depuis 2020. Elle s’était pourtant habituée, chaque mois, grâce au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), à prendre un premier bus jusqu’à cette prison dans le nord d’Israël, à passer une journée entière sur la route, subir les longues fouilles des soldats aux check-points et celles des gardes de prison. Elle voyait ainsi Rawane 45 minutes, dans une pièce bondée, à travers une vitre, et lui parlait via un téléphone qui parfois ne fonctionnait pas. Pendant la pandémie de coronavirus, les visites familiales ont été suspendues pendant presque deux ans par les autorités pénitentiaires, puis les permis – nécessaires pour que les Palestiniens de Cisjordanie puissent se rendre sur le territoire israélien où se trouvent les prisons – ont été de plus en plus compliqués à obtenir. « Depuis, j’ai des problèmes de santé et je ne marche plus très bien, souffle-t-elle. Ces journées sont épuisantes physiquement et psychologiquement, alors j’ai dû arrêter d’y aller. »

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Depuis huit ans, la famille s’est agrandie. Douze enfants sont nés, elle ne les a jamais rencontrés. Six des frères et sœurs de Rawane se sont mariés. « Je lui ai promis que je ne me marierais qu’une fois qu’elle sera sortie de prison », rigole son plus jeune frère Mohammad Abou Ziadé. La chambre de Rawane, elle, n’a pas changé. Sur les murs, il y a quelques photos de la jeune femme et ses vêtements, toujours pliés au même endroit, dans un immense placard. « C’est la seule chose qui nous donne l’impression qu’elle est encore à la maison avec nous, il y a encore son odeur », indique Nafes Abou Ziadé, son père, les yeux brillants. L’homme de 61 ans fait les cent pas depuis qu’il a appris que sa fille pourrait être libérée plus tôt. Il se dit confus, troublé. « Tout être normalement constitué exploserait de joie. Mais vu le contexte, je ne me sens pas autorisé à être heureux. Il y a toute cette souffrance à Gaza, tous ces martyrs, tous ces enfants orphelins. Notre peuple souffre, beaucoup ont tout perdu, et la plupart meurent de faim. » La dernière fois qu’il a vu sa fille, c’était au tribunal, Israël ne lui a jamais donné de permis pour pouvoir lui rendre visite en prison : « On m’a dit que j’étais interdit d’entrer sur le territoire, je n’ai jamais su pourquoi. » Il fait la moue et précise qu’il aurait pu attendre 8 mois de plus, la date officielle de la sortie de Rawane. « C’est toujours comme ça dans les échanges de prisonniers, c’est un jeu pour les Israéliens, précise Nafes. Ils nous donnent l’impression de nous faire une faveur, mais les prisonniers libérés sont ceux qui ont déjà purgé la quasi-totalité de leur peine ou les détenus administratifs qui ne savent même pas pourquoi ils ont été enfermés. Pas ceux qui doivent y rester encore 20 ans ou ceux qui sont en prison depuis qu’ils sont enfants. » Il pense aussi à tous ceux dont les proches ne sont pas sur la liste, à tous ces hommes – des maris, des pères, des frères, des cousins – qui resteront encore derrière les barreaux. En tout, plus de 6 700 Palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes. « Nous ne voulons qu’une chose : profiter de notre famille et de notre terre, implore ce père de famille. Nous ne demandons que la paix, et pour tout le monde. Malheureusement, c’est déjà trop. »

Quelques chaises en plastique trônent devant la maison des Abou Ziadé, à Beit Illo, au nord-est de Ramallah. Des voisins viennent saluer la famille, échanger du café, parler des préparatifs pour une future célébration : la musique, les posters, les décorations. « Depuis que le nom de notre fille, Rawane, figure sur la liste des détenus palestiniens qui pourraient être...

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