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Nos Lecteurs ont la Parole

S’il vous plaît, dessine-moi le Liban !

« Qui n’a pas de passé n’a pas non plus d’avenir. » Je ne cesse de ressasser cette phrase dans ma tête et de me demander : en tant que Libanais, avons-nous un passé commun ? Un passé sur lequel nous sommes tous d’accord ? Un passé qui nous rapproche ? Un passé qui fait que nous soyons tous aujourd’hui attachés à notre identité en tant que Libanais ?

Si la réponse est non, alors nous n’avons pas de futur.

Mais d’abord, nous

identifions-nous en tant que citoyens libanais ? Ne sommes-nous pas plutôt maronites, grecs-

catholiques, orthodoxes, chiites, sunnites, druzes ? Ne sommes-nous pas partisans d’Amal, du Hezbollah, des Forces libanaises, des phalanges, du CPL, du parti du Futur, du Parti socialiste et j’en passe ?

N’avons-nous pas différents drapeaux ? Différentes couleurs ? Différentes visions ? Différents « Liban » ? N’avons-nous pas plus de différences que de points communs ? Des différences aussi considérables qu’il est impossible de pouvoir faire « un » et nous unir ? Ne faisons-nous pas partie d’un rite en premier lieu, d’un parti politique en deuxième lieu et du Liban en troisième lieu ? Est-ce normal ?

D’après un concept très connu en physique, les aimants ont deux pôles inséparables : un pôle Nord et un pôle Sud. Et ce sont ces deux pôles opposés qui s’attirent ; quand les pôles sont similaires, ils se repoussent.

Or il s’avère que dans notre cher pays, même les concepts les plus scientifiques et les plus étudiés dans le monde sont remis en question. Nous faisons un revirement de jurisprudence. Nous marchons à contresens de toutes les théories les plus testées et approuvées et nous les piétinons avec fermeté et assurance.

En effet, au lieu que nos différences fassent notre richesse, nous sombrons dans la décadence, dans la déchéance, nous noyons, nous enlisons et touchons le fond de l’abîme.

Georges Naccache avait donc raison : « Deux négations ne font pas une nation. » Une nation n’est pas simplement l’ensemble des individus qui constituent un État. Bien plus que cela, une nation, telle que définie dans le dictionnaire de la langue française, est « un ensemble de personnes vivant sur un territoire commun, conscient de son unité (historique, culturelle, etc.) et constituant une entité politique ».

Le Liban est donc un pays, certes, puisque nous pouvons lui désigner un territoire géographique délimité, un peuple et une « souveraineté » (bien que cette notion soit contestable), mais il est loin d’être une nation, compte tenu des divergences historiques et culturelles qui divisent son peuple et font de lui un « multipays ».

Tout cela nous amène à une conclusion : le Liban est un pays complexe. Son histoire est compliquée, et sa Constitution l’est d’autant plus. Car non, le Liban n’est pas un État laïc. Il n’est pas non plus musulman ou chrétien. Le Liban de par sa Constitution même est complexe, puisqu’il est un État multiconfessionnel, un État regroupant plusieurs confessions dans un même territoire en vue de forcer le vivre-ensemble, un État qui a cru au moment de sa naissance au fameux concept physique « les opposés s’attirent », un État qui, malgré sa déconfiture et l’impossibilité physique et matérielle de ses habitants à cohabiter, s’entête encore à vouloir faire marcher les choses et essaye de se redresser, même si toutes les forces du monde se battent contre lui et persistent hystériquement et audacieusement à lui pousser la tête vers le bas et l’enfoncer jusqu’à l’asphyxier. Mon pays est un grand romantique, un romantique qui ne lâche rien et qui croit fermement et aveuglement au célèbre dicton « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ».

Si mes idées paraissent floues et mes pensées agitées, si vous trouvez des contradictions, si mon raisonnement n’est pas solide, c’est normal. Le Liban est plein de contradictions, c’est ce qui le définit et qui pour certains en fait le charme. L’historien Henry Laurens l’a d’ailleurs si bien dit : « Si vous avez compris quelque chose au Liban, c’est qu’on vous l’a mal expliqué. »

Maria AOUAD, avocate

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

« Qui n’a pas de passé n’a pas non plus d’avenir. » Je ne cesse de ressasser cette phrase dans ma tête et de me demander : en tant que Libanais, avons-nous un passé commun ? Un passé sur lequel nous sommes tous d’accord ? Un passé qui nous rapproche ? Un passé qui fait que nous soyons tous aujourd’hui attachés à notre identité en tant que Libanais ?Si la...

commentaires (1)

Super j’ai eu des larmes aux yeux, merci

Eleni Caridopoulou

22 h 20, le 21 novembre 2023

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Commentaires (1)

  • Super j’ai eu des larmes aux yeux, merci

    Eleni Caridopoulou

    22 h 20, le 21 novembre 2023

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