À première vue, rien ne laissait présager une polémique. Mercredi, le patriarche maronite Béchara Raï a appelé, lors d’une allocution, les fidèles de son Église à « faire la quête » pour les déplacés ayant fui les bombardements israéliens au Liban-Sud, dans la foulée de la guerre du 7 octobre. « Nos concitoyens du Sud quittent leurs maisons, ce qui signifie plus de pauvreté, et nous devons les aider », a-t-il affirmé, alors que le Hezbollah a érigé la région frontalière en « front de soutien » au Hamas dans son opération Déluge d’al-Aqsa, contre l’avis d’une grande partie des Libanais.
Cette prise de position de Mgr Raï a provoqué une violente polémique sur les réseaux sociaux, notamment du côté des milieux proches du Hezbollah qui l’ont interprétée comme une insulte aux habitants du Sud majoritairement chiites. « Deviens chiite ! Si tu as faim, nous te nourrirons. Si tu as besoin d’argent, nous t’en donnerons. D’ailleurs, nous te protégeons déjà », a ainsi écrit, mercredi sur son compte X, le journaliste de la chaîne al-Mayadeen Ali Mortada à l’intention du patriarche. La publication a, depuis, été supprimée. Face à ces propos, les différents groupes politiques et religieux sont montés au créneau pour défendre le chef de l’Église maronite, à commencer par les anti-Hezbollah. « La position de Mgr Raï est bénie, peut-on lire dans un communiqué publié jeudi par les Forces libanaises, principal parti d’opposition. La campagne dirigée contre lui prouve d’ailleurs qu’il y a une volonté d’instrumentaliser la guerre pour vider certains villages de leurs habitants. » Au cœur des combats, des bourgades chrétiennes comme Rmeich ou Alma el-Chaab ont été évacuées par leurs habitants depuis le début des hostilités, tout comme des villages chiites, sunnites et druzes. « La campagne malveillante sur les réseaux sociaux qui a visé le patriarche Raï est honteuse et absurde », a de son côté écrit le député indépendant Neemat Frem, affirmant que le numéro un de l’Église, dont il est proche, n’est guidé que par son patriotisme. La Ligue maronite a elle aussi condamné une « campagne suspecte et folle, menée par certains sur les médias sociaux, qui a visé la tête de l’Église maronite avec des descriptions impudentes et graves ».
« Nous condamnons fermement tout discours incitant à la division, en particulier à l’encontre du patriarche Raï, en cette période exceptionnellement critique de l’histoire du Liban et de la région. », a également écrit sur son compte X le leader druze et ancien président du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt. En parallèle, le ministre de la Jeunesse et des Sports, George Kallas (proche du Premier ministre sortant Nagib Mikati), a lui aussi pris la défense de Béchara Raï, qualifiant les propos à son encontre « de comportement indigne ». De l’autre côté de l’échiquier politique, le président de la Chambre, Nabih Berry, et grand allié du Hezbollah a lui aussi publié un communiqué pour afficher sa solidarité avec le dignitaire maronite. Le leader chiite a « rejeté les campagnes de diffamation contre le patriarche maronite ». Nabih Berry a également souligné que « l’appel du patriarche en faveur de la solidarité avec les déplacés reflète une position nationale unificatrice », affirmant que la polémique n’est que le fruit d’un « malentendu ».
« l’appel ..... en faveur de la solidarité avec les déplacés reflète une position nationale unificatrice », une declaration qui dénote d'un sens patriotique pur. Fallait soustraire les titres de celui qui l'a déclaré et de celui qui l'a commenté. L'amour de la Patrie doit prévaloir malgré les errances et les manigances de beaucoup.
16 h 45, le 19 novembre 2023