Demandes de dessaisissement de magistrats, actions en responsabilité de l’État pour les actes des juges, demandes de renvoi pour suspicion légitime… Autant de recours mis à la disposition des justiciables par la loi pour garantir leur droit à la défense, mais qui depuis quelques années, notamment depuis l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth (août 2020), sont souvent utilisés en haut lieu pour atermoyer et décaler le plus longtemps possible l’examen des dossiers, en vue d’échapper à la responsabilisation et, éventuellement, à la sanction.
La commission d’amendement du code pénal et du code de procédure pénale au sein de l’ordre des avocats de Beyrouth, qui travaille depuis deux ans à rechercher des solutions pour mettre fin à de tels abus, a présenté jeudi les résultats de son étude. Parrainée par le bâtonnier de Beyrouth Nader Gaspard, une table ronde a été organisée à la Maison de l’avocat, à laquelle ont participé le président, le vice-président et le rapporteur de la commission, respectivement Antoine Tohmé, Akram Azoury et Denise Frem, ainsi que trois membres de la commission, Tamam Sahili, Youssef Lahoud et Samih Bcherraoui, lesquels ont présenté des propositions de loi préparées à cet effet. Un membre de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice (CAJ), Achraf Beydoun, ainsi que l’ancien président de la Cour de cassation pénale Joseph Samaha et l’ancien juge d’instruction de Beyrouth Fadi Anaïssy ont également pris part à la séance, exprimant leurs remarques sur les propositions. Celles-ci devraient être bientôt transférées à la CAJ pour être examinées.
Raccourcissement des délais
En tête des recours abusifs, figure la demande de dessaisissement des magistrats. Dans la législation actuelle, du simple fait d’en être notifié, un juge visé doit arrêter l’examen du dossier concerné. Dans sa proposition, le conseil de l’ordre des avocats préconise que cet arrêt soit limité à cinq jours, jusqu’à ce que la juridiction saisie décide du sérieux de la demande. Au cas où cette juridiction ne rend pas de jugement dans le délai imparti, elle sera considérée comme ayant refusé tacitement la demande, et le juge contesté pourra alors poursuivre son action.
S’agissant de l’action en responsabilité de l’État contre les actes des magistrats, les textes en vigueur suspendent le procès du simple fait de l’inscription de ce recours au greffe de l’assemblée plénière de la Cour de cassation, compétente en la matière. Or celle-ci a perdu son quorum depuis bientôt deux ans. Le nouveau texte proposé par le barreau suggère que si l’instance ne se prononce pas dans un délai de 5 jours, le magistrat en charge du dossier pourra poursuivre son étude. On passerait ainsi outre à l’impossibilité légale et matérielle de l’assemblée plénière de se réunir.
Toujours à propos de l’action en responsabilité de l’État, le juge Samaha a réclamé de son côté une nouvelle loi qui préciserait explicitement les actes des magistrats susceptibles d’un tel recours.
Quant à la suspicion légitime, les règles actuelles lui accordent un effet suspensif à partir du moment où son auteur soumet une attestation au tribunal saisi, jusqu’à ce que celui-ci prononce son verdict. Plutôt que cette date indéterminée, la mouture proposée préconise un délai de suspension de seulement 5 jours, toujours dans l’esprit de ne pas entraver la justice. Le juge Joseph Samaha a proposé par ailleurs d’imposer aux auteurs de recours arbitraires une amende considérable, dans un esprit de dissuasion.
Les arrestations préventives
Outre ces recours, les intervenants ont évoqué les exceptions de forme qui sont souvent présentées pour retarder les procès. Ils ont ainsi déploré dans la législation actuelle la possibilité de les invoquer successivement devant chacun des trois niveaux de juridiction (1e instance, appel et cassation), ce qui décale de plusieurs mois, voire de plusieurs années l’examen au fond des affaires pénales. Le député Achraf Beydoun a notamment prôné de changer la loi qui permet à un magistrat de joindre l’exception de forme au dossier de fond, prérogative qui retarde encore plus le cours de la justice selon lui.
Les participants à la table ronde se sont enfin penchés sur les arrestations préventives auxquelles procèdent les magistrats. Ils ont insisté sur l’importance de « préserver l’esprit du législateur, en vertu duquel ces arrestations ne sont pas un but en soi ni des sanctions, mais des mesures de précaution requises par les circonstances des affaires pénales ». Par respect de la présomption d’innocence et du droit à un procès à deux degrés de juridiction, ils ont en outre suggéré d’accorder au prévenu le droit de faire appel du refus d’un juge de retirer le mandat d’arrêt émis contre lui. Enfin, ils ont proposé une loi qui imposerait à un magistrat qui entend prolonger une arrestation de motiver sa décision, pour les délits comme pour les crimes.
- FAUT PRENDRE LES ORDRES DU BARBU, - SANS DESAVOUER CEUX DE L,IMBERBE, - ET DE TOUT ESCROC ET CORROMPU. - QUI VOUS ONT LONGTEMPS FAIT BROUTER L,HERBE. - COMME CA , PAR TAMBOURS ET TROMPETTES, - LES JUSTES/INJUSTICES SONT FAITES.
14 h 45, le 19 novembre 2023