
De la fumée provenant d'un tir suspecté de phosphore blanc au-dessus de Gaza, le 11 octobre 2023. Mohammad Abed/Photo d'archives AFP
Depuis le 15 octobre, soit une semaine après le début du conflit armé qui oppose le Hezbollah à Israël à la frontière sud, l’armée israélienne incendie forêts, oliveraies et autres champs agricoles libanais, souvent au moyen de bombes au phosphore blanc. Une pratique de guerre qualifiée de « politique de la terre brûlée » par le ministre sortant de l’Environnement, Nasser Yassine, qui a fait part la semaine dernière de la volonté du Liban de « déposer une plainte documentée » contre ces agressions interdites par le droit international, et qui ont déjà détruit dans la région frontalière 4,6 millions de m2 de terrains boisés (pins, chênes…) et 20 hectares d’oliveraies centenaires (40 000 oliviers), avec une substance chimique proscrite pour ses effets toxiques et dévastateurs sur les humains et l’environnement. Par qui et devant quels organismes une telle plainte peut-elle être portée, et quelles chances a-t-elle de conduire à un dédommagement du Liban, d’autant qu'avec la grave crise financière que traverse le pays , le gouvernement libanais ne peut indemniser les agriculteurs pour leurs pertes ? Nous avons demandé des explications à Me Rizk Zgheib, professeur associé de droit international à la faculté de droit et de sciences politiques de l’Université Saint-Joseph (USJ).
Quand une stratégie est-elle qualifiée de « politique de la terre brûlée » ?
Il s’agit d’une tactique militaire par laquelle une partie au conflit détruit de manière préméditée et intentionnelle des ressources, des moyens de production, ou une nature environnante. Étant délibérées, ces destructions ne se produisent pas en tant que dommages collatéraux et constituent donc une violation du droit international humanitaire.
Le Protocole III de la Convention sur les armes classiques, prohibant l’usage du phosphore, n’a pas été ratifié par Israël.
Il n’empêche que cet usage n’est pas conforme au droit international humanitaire coutumier, d’autant qu’il est indiscriminé et vise de manière disproportionnée des biens à caractère civil et non militaire.
Qui peut présenter une plainte pour contester la politique de la terre brûlée ?
En l’espèce, le ministre de l’Environnement, s’il est dûment mandaté par le gouvernement. Il peut donc le faire s’il agit au nom du Conseil des ministres, et non de son ministère.
Le chef du gouvernement peut également porter le recours, ainsi que le ministre des Affaires étrangères. Généralement c’est ce dernier qui en est chargé.
Devant quelles instances ce recours peut-il être porté ?
Le Conseil de sécurité des Nations unies est notamment compétent, d’autant que l’acte contesté représente une menace à la paix et à la sécurité. Il y a quelques jours, le Liban a d’ailleurs présenté une plainte similaire auprès de cette instance, après la mort de quatre civils, dont trois enfants, causée par un bombardement de leur véhicule le 5 novembre.
L’Assemblée générale des Nations unies, composée de 93 États membres, pourrait être également saisie. Elle l’a déjà été au lendemain de la guerre de 2006, après la catastrophe écologique causée par des frappes israéliennes sur des réservoirs de pétrole qui avaient déversé leur contenu sur les côtes libanaises, entraînant une dégradation de la faune et de la flore, ainsi que de grosses pertes dans le secteur économique.
Un recours peut être également présenté devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Il serait alors confié à des rapporteurs notamment spécialisés dans le droit de l’environnement, qui mèneraient des enquêtes sur la base desquelles ils présenteraient leurs rapports au conseil pour qu’il en débatte et prenne une décision.
Quant à la Cour pénale internationale, elle constitue une voie bloquée pour le Liban puisqu’il ne fait pas partie des États qui ont signé le Statut de Rome ayant institué cette juridiction.
Quels seraient les résultats escomptés devant les différentes instances ?
Seul le Conseil de sécurité des Nations unies pourrait adopter des mesures coercitives à l’encontre d’Israël, mais cela semble peu probable, d’autant qu’il ne l’a jamais fait concernant le conflit au Moyen-Orient. En l’absence de volonté politique, le veto est largement utilisé à cet égard.
Quant aux décisions de l’Assemblée générale des Nations unies et du Conseil des droits de l’homme, elles ne sont pas contraignantes. On constate ainsi que, depuis 2006, l’Assemblée générale réitère chaque année sa décision de demander à Israël de dédommager le Liban pour avoir détruit son écosystème, mais elle reste lettre morte à ce jour.
Quel serait donc l’intérêt du recours dans ces conditions ?
L’intérêt est de faire prévaloir les droits du Liban et de les consacrer dans des décisions émanant d’institutions internationales, même si ces décisions ont peu de chance d’être exécutées. Le recours constitue ainsi un moyen de plaider la cause du Liban, et de la déployer devant la communauté internationale, qui serait alors poussée à être attentive à son sort.
"… pas conforme au droit international humanitaire coutumier …" - Mais, monsieur, on parle d’israel ici. Le peuple que Dieu lui-même a élu, le seul jour où Il a été voter… ces lois faites pour les humains ne s’appliquent pas…
02 h 17, le 15 novembre 2023