Le plus grand complexe hospitalier de la bande de Gaza a subi vendredi selon les Palestiniens une frappe meurtrière dans le nord du territoire où des combats font rage entre l'armée israélienne et le Hamas.
Le mouvement islamiste palestinien a fait état de 13 morts dans cette frappe sur le complexe de l'hôpital Shifa qu'il a attribuée à Israël, tout comme l'a fait le directeur de l'hôpital.
L'armée israélienne, qui n'a pas communiqué dans l'immédiat sur une telle opération, avait indiqué jeudi soir qu'une de ses divisions menait d'importantes opérations dans une zone « très très proche » de l'hôpital.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a répété de son côté qu'Israël ne cherchait pas à « gouverner ou occuper » la bande de Gaza, plus d'un mois après le début de la guerre avec le Hamas qui a conduit à une situation humanitaire dramatique dans ce territoire palestinien assiégé, selon l'ONU et des ONG.
Le patron de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini, a appelé vendredi à l'arrêt du « carnage » dans la bande de Gaza.
« Raser des quartiers entiers n'est pas une réponse aux crimes odieux commis par le Hamas. Au contraire, cela crée une nouvelle génération de Palestiniens lésés, susceptibles de perpétuer le cycle de la violence. Le carnage doit simplement cesser », a-t-il déclaré dans une tribune de presse, selon un communiqué de l'UNRWA transmis vendredi aux médias.
Le 7 octobre, des commandos du Hamas, mouvement qui contrôle la bande de Gaza, ont mené sur le sol israélien une attaque sanglante contre des civils d'une ampleur et d'une violence jamais vues depuis la création d'Israël en 1948.
« Quartier militaire » du Hamas
En représailles, Israël a déclaré une guerre pour « éradiquer » le Hamas, pilonnant sans relâche la bande de Gaza, aux mains du mouvement islamiste. Depuis, les bombardements israéliens ont fait 10.812 morts, essentiellement des civils, parmi lesquels 4.412 enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Côté israélien, au moins 1.400 personnes ont péri depuis le début de la guerre, selon les autorités, en majorité des civils tués le jour de l'attaque du Hamas, classé organisation terroriste par Israël, les Etats-Unis et l'Union européenne. En outre, 239 personnes ont été enlevées le 7 octobre et sont retenues à Gaza.
Alors que les troupes au sol israéliennes sont appuyées par des bombardements, l'armée a dit viser notamment un « quartier militaire », adjacent à l'hôpital Shifa, décrit comme le « cœur » des activités opérationnelles et de renseignement du Hamas.
« Treize martyrs et des dizaines de blessés dans une frappe israélienne sur le complexe d'Al-Shifa aujourd'hui » dans la ville de Gaza, a déclaré vendredi Salama Maarouf, le patron du bureau de presse du Hamas.
Plus tôt, le directeur de l'hôpital, Mohammed Abou Salmiya, avait fait état de deux morts et 10 blessés en majorité des enfants, dans des tirs de chars israéliens sur la maternité.
Un journaliste de l'AFP a vu au moins sept corps près de l'hôpital.
« Aucun endroit sûr »
Un père de famille de 32 ans qui se fait appeler Abou Mohammed a raconté à l'AFP s'être réfugié à al-Shifa, dans l'ouest de la ville de Gaza, avec 15 de ses proches après des bombardements sur son quartier dans l'est. « Il n'y a aucun endroit sûr, l'armée a frappé al-Shifa, je ne sais plus quoi faire », dit-il.
Depuis des années, Israël accuse le Hamas d'utiliser les hôpitaux pour mener des attaques ou cacher des tunnels, et les civils comme boucliers humains.
« Les chars israéliens assiègent quatre hôpitaux de l'ouest de Gaza-ville », mettant en danger des dizaines de milliers de patients et de déplacés qui y ont trouvé refuge, a affirmé vendredi le ministère de la Santé du Hamas. Des témoins ont vu notamment l'hôpital pour enfants d'al-Rantissi encerclé par des chars.
Israël a accepté de faire des « pauses » humanitaires quotidiennes pour permettre aux civils de fuir le nord de la bande de Gaza vers le sud, selon les Etats-Unis.
Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a salué vendredi ces pauses, tout en estimant qu'il restait « encore beaucoup à faire » pour protéger les civils.
« L'occupant bombarde tout, même les couloirs dit sécurisés, où on trouve des morts. Des familles entières sont mortes en fuyant » vers le sud, a indiqué à l’AFP Salama Maarouf, patron du bureau de presse du gouvernement du Hamas à Gaza.
L'armée israélienne avait ouvert « un couloir d'évacuation » dimanche, mais des Palestiniens ont témoigné de combats persistants le long de cette route, empruntée par 100.000 personnes depuis mercredi, selon les données de l'armée israélienne et du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA).
« Pas d'eau »
Des centaines de milliers de réfugiés sont désormais entassés dans le sud du petit territoire, dans des conditions désastreuses.
« On n'a pas d'eau, pas de toilettes, pas de boulangerie », dit Oum Alaa al-Hajin, qui a trouvé refuge dans l'hôpital al-Nasser, à Khan Younès, dans le sud, après des jours de marche.
Selon l'OCHA, le nombre de déplacés à Gaza s'élève désormais à 1,6 million de personnes sur les 2,4 millions d'habitants de la bande de Gaza.
L'étroit territoire est privé d'eau, d'électricité, de nourriture et de médicaments par le siège total imposé par Israël depuis le 9 octobre.
Le terminal de Rafah a par ailleurs rouvert jeudi pour permettre l'évacuation d'étrangers, binationaux et blessés.
Réunion ONU
Dans le nord, où demeurent encore des centaines de milliers de personnes, « le manque de nourriture est de plus en plus préoccupant », s'inquiète l'ONU. Les hôpitaux qui n'ont pas encore fermé manquent de médicaments et de carburant pour faire fonctionner les générateurs.
En Israël, des sirènes ont retenti à Tel-Aviv, selon l’armée. La branche militaire du Hamas a dit avoir visé la ville avec des roquettes.
Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir une nouvelle fois à propos de Gaza vendredi, à la veille d'une réunion d'urgence à Riyad de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) qui craignent une escalade du conflit dans la région.
Israël a frappé en Syrie vendredi à l'aube en réponse à un drone qui s'est abattu jeudi sur une école à Eilat (sud), sans faire de victime, a indiqué l'armée israélienne. L'armée a également indiqué « poursuivre ses opérations pour détruire les infrastructures » du Hezbollah au Liban, avec lequel les échanges de tirs sont quotidiens. Le puissant mouvement pro-iranien a fait état vendredi de la mort de sept de ses combattants tués par Israël, sans donner de détails.
L'Iran, allié du Hamas, a de son côté prévenu que l'extension de la guerre était « désormais inévitable ».