Marie Mazboud prépare sa famille « au pire », alors qu’elle pousse un chariot rempli de sacs de riz, de pâtes en promotion, de boîtes de thon et de dizaines de conserves de haricots. « Je dois penser à mes enfants », justifie-t-elle. Depuis le 7 octobre dernier, quand la guerre a éclaté entre le mouvement Hamas et Israël, entraînant des bombardements intensifs sur la bande de Gaza, le Hezbollah au Liban s’est rapidement impliqué dans le conflit en affrontant l’armée israélienne à la frontière sud. Des combats qui font craindre un embrasement régional, autant au Liban qu'ailleurs. « J’ai vécu ce moment plusieurs fois lors de la guerre civile, quand l’argent et la nourriture se faisaient rares », confie Marie au supermarché Fahed, dans le quartier de Furn el-Chebbak à Beyrouth. « On dirait un déjà-vu : je fais comme ma mère faisait à l’époque ».
Acheter en gros est devenu une habitude au Liban depuis la guerre civile entre 1975 et 1990, et celle de 2006 entre le Hezbollah et Israël, qui a duré plus d'un mois et a provoqué des pénuries de certains aliments. « Feu mon père avait acheté un garde-manger pour les jours les plus durs de la guerre, que nous n’utilisions que quand les magasins fermaient pendant des semaines », se rappelle Lina Naïm, qui est en train de faire ses courses au supermarché Harkous, dans le sud de Beyrouth. Le 9 octobre, deux jours après le début de la guerre aux portes du Liban, le président du syndicat des minoteries et boulangeries de pain arabe de Beyrouth et du Mont-Liban, Nasser Srour, a demandé aux habitants de ne pas stocker de pain ajoutant, dans un communiqué officiel, que les stocks étaient suffisants quand bien même le conflit s’étendrait au Liban.
« Vous pouvez dire que nous sommes habitués », dit Oum Nizar, une autre cliente de chez Harkous. « En plus d’un sac à dos pour quitter Beyrouth si les choses devaient mal tourner, j’ai deux sacs pleins de nourriture et de produits d’hygiène qui pourront nous faire tenir pendant trois mois », assure-t-elle. De même, dans une supérette à Tarik Jdidé, Dana Hmayed, mère d’un garçon d’un an, confirme que « acheter en gros dans ces temps troublés est une bonne idée. Mais malheureusement, je n’ai pas assez d’argent pour cela. Je travaille dans une garderie et je peux à peine finir mes mois ». Tenant un paquet de pain à la main, deux blocs de fromage et une bouteille de Pepsi Cola, elle explique qu’elle peut seulement se permettre de faire ses courses au jour le jour.
« Le Hezbollah ne nous laissera pas tomber »
D’autres, toutefois, racontent à L’Orient Today être moins inquiets et se sentir « en sécurité » si le Hezbollah et Israël font monter les enjeux. Dans un petit supermarché de la banlieue sud de Beyrouth, Hussein Hamdan, proche de la trentaine, maintient que « les choses (pour le moment) sont normales : dans notre communauté, nous n’avons pas à nous préparer à l’avance car nous savons qu’en cas de guerre nous ne serons pas seuls. Nous avons quelqu’un qui nous soutient », ajoute-t-il en référence au leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah. La propriétaire de ce supermarché, Salam Srour, explique que deux jours après l’opération Déluge d’al-Aqsa du Hamas le 7 octobre, des habitants du quartier se sont inquiétés d’une guerre au Liban et ont acheté en gros des produits de son magasin… mais principalement du tabac pour le narguilé et des paquets de cigarettes. « C’est peut-être un mécanisme d’adaptation », suppute-t-elle. Mais, maintenant, les gens ont recommencé à faire leurs courses « normalement », déclare-t-elle.
Pour Ali al-Amine, un autre client de ce magasin, voir les gens acheter en gros l'inquiète. Il trouve que cela pourrait créer une crise sur le marché. Néanmoins, « en cas de guerre nous savons que le Hezbollah nous soutiendra. Quand la crise économique a frappé, le parti a ouvert le supermarché Sajjad », une chaîne lancée par le Hezbollah en 2021 au pic de la crise économique et qui vend essentiellement des produits importés d’Iran. « Ils ne nous laisseront pas tomber non plus cette fois », assure-t-il. Ailleurs à Beyrouth, dans le quartier de Tarik Jdidé, Darine Fsa'i explique, elle, ne pas faire de stocks. « À la seconde où Israël frappe, la seule chose à laquelle vous penserez, c’est quitter votre bâtiment avec vos proches, et non pas emporter des cartons de nourriture », dit-elle en riant.
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