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Culture - Expositions

À Londres, les scènes du design et de l’art se mettent à l’heure libanaise

La semaine dernière, entre la foire de design PAD London et celle consacrée à l’art, Frieze London, retour sur quatre rendez-vous où les talents libanais ont rayonné dans la capitale britannique…

À Londres, les scènes du design et de l’art se mettent à l’heure libanaise

Mona Hatoum, « Webbed II », 2002, acier et caoutchouc, 143,5 x 210 x 92,5 cm. ©Mona Hatoum. Photo ©Hugo Glendinning, courtoisie White Cube

Sfeir-Semler à Frieze London

La galerie Sfeir-Semler est devenue au fil des années une étape incontournable de Frieze London, proposant à chacune des éditions de la foire d’art une curation des œuvres d’artistes appartenant à son écurie. Cette année, ce sont Etel Adnan, Mounira al-Solh, Yto Barrada, Dineo Seshee Bopape, Samia Halaby, Tarik Kiswanson (qui vient de remporter le prix Marcel Duchamp), Marwan, Rabih Mroué, Walid Raad, Aref el-Rayess, Waël Chawky, Rayane Tabet et Akram Zaatari qu’Andrée Sfeir-Semler a mis en scène sur son saisissant booth de Frieze. Mais le moment le plus marquant de ce rendez-vous était une œuvre récente de Rayyane Tabet qui, par pure coïncidence, tombait si juste au vu des événements qui secouent la Palestine depuis près de trois semaines. Sans titre, une fenêtre recouverte de peinture bleue, et au pied de laquelle il était écrit : « En juin 1967, une guerre de six jours s’était déroulée entre Israël et une coalition de pays arabes. À l’époque, des couvre-feu étaient imposés dans l’ensemble du monde arabe de crainte de bombardements imminents. Le couvre-feu exigeait que tout le monde se réfugie chez soi et que toutes les sources de lumière soient éteintes, car il était plus difficile pour les avions bombardiers de cibler des bâtiments dans l’obscurité. Pour contourner le couvre-feu, les gens ont commencé à peindre les fenêtres de leur appartement et les phares de leurs voitures en bleu, car la lumière bleue était moins visible depuis les avions. » L’histoire du Moyen-Orient arrêtera-t-elle un jour de se répéter ?

Rayyane Tabet, « Sans titre » : une fenêtre recouverte de peinture bleue, pour pour ne pas être vu des avions israéliens. Photo Gilles Khoury

Marfa’ Projects à Frieze London

En très peu de temps, la galerie Marfa’ Projects fondée à Beyrouth s’est creusé une place au sein des foires d’art internationales. Pour cette édition de Frieze London, la galerie libanaise, portée par sa fondatrice Joumana Asseily, a choisi de montrer les œuvres de Paola Yacoub et Talar Aghbashian, dans une sorte de dialogue qui planche sur la relation entre l’homme et son environnement. Le travail exposé de Paola Yacoub invitait le visiteur à plonger dans le royaume éphémère de l’eau à travers des photographies en noir et blanc ainsi que des œuvres faites en cire. De fait, les photos de Yacoub cartographient les formes que prend un jet d’eau au contact du sol, en fonction de sa configuration. L’eau, par essence, est sans forme, mais elle mime la silhouette des objets qu’elle touche, suivant chaque contour. Cette relation entre la photographie et les liquides révèle des similitudes fascinantes : tout comme on ne peut anticiper le résultat d’une photographie, il est impossible de prévoir la configuration des objets emportés par les flots. Ces œuvres-là nous incitaient ainsi à réfléchir autour de la question de l’inattendu et de l’insaisissable. De son côté, Talar Aghbashian s’est servi de ses toiles pour explorer les paysages humains, avec des photos comme source d’inspiration. Ses tableaux, qui donnent l’impression de se concentrer sur des figures ou des personnages, sont en fait des multitudes de fragments répétés, qui se juxtaposent pour créer des compositions évocatrices. Les œuvres d’Aghbashian évoluent dans une atemporalité historique, offrant un espace où les possibilités s’entremêlent et coexistent. En somme, le booth de Marfa’ proposait une réflexion autour de la forme, et la manière dont l’homme converse avec les mondes qui l’entourent.

La galerie Marfa' à Fierze London avec les les œuvres de Paola Yacoub et Talar Aghbashian, Photo DR

Mona Hatoum, chez White Cube, à Frieze Masters

C’était sans conteste le moment le plus marquant de Frieze Masters, un pan de la foire Frieze qui, comme son nom l’indique, se concentre sur les grands maîtres de l’art dont Mona Hatoum est incontestablement l’une des figures de référence. La curation proposée par la galerie White Cube s’articulait ainsi autour d’une exposition solo de l’artiste libanaise d’origine palestinienne, présentée dans la nouvelle section « Studio » de la foire. Ladite section entendait explorer le rôle de l’espace de travail dans les pratiques créatives de cinq artistes, sous la supervision de la commissaire Sheena Wagstaff. Parmi ces artistes, des œuvres anciennes ou plus récentes de Hatoum exposées chez White Cube, notamment Jardin Public (1993), Webbed II (2002), Inside Out (2019) et Cells (tower) (2023). Cette section proposait ainsi une plongée captivante dans l’univers artistique de Mona Hatoum, où le rôle de l’espace de création est mis en avant. Les mots d’Edward Saïd, penseur palestino-américain, expriment d’ailleurs si bien le choc ressenti au moment de la visite à Frieze Masters, quelque part entre calme et violence : « Ses installations, ses objets et performances viennent se graver dans la conscience du spectateur avec une ingéniosité étonnamment discrète, que l’usage virtuose qu’elle fait de matériaux extrêmement simples, familiers et ordinaires (cheveux, acier, savon bille, gomme-caoutchouc, fil de fer, ficelle, etc.) ébranle de manière provocatrice, annule presque et limite à coup sûr ». CQFD.

Mona Hatoum « Cells (tower) », 2023, verre soufflé et acier, 166,8 x 60 x 32,8 cm. ©Mona Hatoum. Photo ©White Cube (Theo Christelis)

La collaboration de House of Today avec The Invisible Collection

Si, comme nous l’annonçait il y a quelques mois Chérine Magrabi Tayeb, fondatrice de House of Today, « nous aspirons à concentrer nos efforts sur le volet éducatif de HoT », l’organisation à but non lucratif continue également de déployer ses efforts autour de sa mission de départ, à savoir celle de cultiver un écosystème de design durable qui dépasse les frontières du Liban. C’est dans cette perspective que House of Today a choisi de collaborer avec The Invisible Collection, une galerie en ligne de premier plan dédiée au design. L’exposition, qui a coïncidé avec PAD et Frieze London, a rassemblé les créations d’un groupe de designers libanais lancés par House of Today, afin de présenter leurs œuvres à un public international au sein du très bel espace londonien de The Invisible Collection, et dans le même temps de mettre en lumière le travail des artisans libanais qui ont collaboré à la fabrication de ces pièces. C’est donc une installation inspirante à laquelle les designers David & Nicolas et Stéphanie Moussallem, ainsi que les céramistes Hala Matta et Souraya Haddad et les architectes et designers Fadi Yachoui et Roula Salmaoun ont participé, faisant donc appel pour leurs créations aux talents d’artisans libanais. Une belle occasion, comme le souligne Chérine Magrabi Tayeb, de rendre hommage à ce savoir-faire local qui est « le résultat de traditions centenaires d’adaptation aux pressions sociales et aux défis de production posés par l’instabilité économique et politique persistante au Liban ».

Des œuvres de designers libanais dans le cadre de la collaboration de House of Today avec Invisible Collection. Photo Rodrigo Rize

Sfeir-Semler à Frieze LondonLa galerie Sfeir-Semler est devenue au fil des années une étape incontournable de Frieze London, proposant à chacune des éditions de la foire d’art une curation des œuvres d’artistes appartenant à son écurie. Cette année, ce sont Etel Adnan, Mounira al-Solh, Yto Barrada, Dineo Seshee Bopape, Samia Halaby, Tarik Kiswanson (qui vient de remporter...

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