Le Libanais Noubar Yessayan « roi du croissant de Los Angeles »

C’est un post sur Instagram, partagé par Julie Andrieu, célèbre en France pour ses émissions gastronomiques et grande amie du Liban, qui a ramené la lumière, cette fois-ci francophone, sur Noubar Yesseyan : ses potagers, sa maison d’hôte et surtout ses croissants et autres viennoiseries pour un incontournable arrêt gastronomique à Los Angeles où il a vécu depuis l’âge de 17 ans.

La rencontre s’est faite au cours du tournage de l'émission Les potagers de Julie, qui sera diffusée le samedi 14 octobre sur France 3 à 16h35 heure libanaise. La journaliste tombe sous le charme discret du chef pâtissier, dont elle dira : « Rencontré lors d’un tournage dans la si belle vallée du Lot, Noubar tient une table et chambres d’hôte à Cénevières que je vous recommande. Après un apprentissage de la cuisine et de la pâtisserie aux États-Unis, il s’installe dans le Quercy avec son compagnon Bernard. Mêlant les influences libanaises, arméniennes et américaines, il propose une cuisine artistique et créative autour des légumes de son potager ! Mais ce qui nous fait craquer avant tout et que vous pouvez venir acheter chez lui, ce sont ses croissants et ses pains au chocolat. Qui ne sont pas loin d’être les meilleurs de France, après avoir fait courir le tout Hollywood. Les Lotois sont vraiment veinards ! »

Belle rencontre entre Noubar Yesseyan et Julie Andrieu autour de ses fabuleux croissants. Photo DR

Celui qui rend la presse dithyrambique, notamment le critique du Los Angeles Times et lauréat du prix Pulitzer, Jonathan Gold, qui l'a intronisé « King of croissant », en faisant l'éloge du pain au chocolat de Noubar Yesseyan comme l'une des « 99 choses à manger à LA avant de mourir », a tout de même décidé de se passer de cette notoriété pour une vie plus tranquille. Il lui aura fallu un grand courage pour quitter la Cité des Anges, et des stars, et choisir, avec son compagnon Bernard Vandoen, un nouveau départ. Un lieu, un paysage, une autre vie si culturellement et géographiquement loin des États-Unis : « Après des journées de travail sans fin, il me fallait retrouver une certaine tranquillité et une réelle qualité de vie », confie-t-il.

Beyrouth-LA

Né à Beyrouth il y a 36 ans, le jeune Noubar embarque avec sa famille pour Los Angeles en pleine adolescence pour y entamer des études universitaires. De quoi ? Il ne le sait pas encore. Perdu, il se rebelle en rappelant à sa famille (très orientale) qui le presse de choisir : « Je peux être ce que je veux ! » Et c’est en préparant une soupe de carottes, qui s’avèrera délicieuse, que l’inspiration devient une évidence. Le lendemain, le futur chef s’inscrit au Cordon Bleu College of Culinary Arts de Los Angeles et se lance dans une formation intensive de deux ans. « Tout semblait cohérent. Les étoiles s’alignaient et j’avais trouvé ma vocation », dit-il en douceur, le sourire cerné de fossettes. Surtout, Noubar savait ce qu’il voulait, « être boulanger et pâtissier, chose rare aux Etats-Unis », et ce qu’il ne voulait pas : « Cuisiner dans des restaurants ».

Autodidacte, il essaie, invente, compose, crée des croissants et du pain à la française. Au restaurant « Anisette Brasserie », du chef Alain Giraud, une file d'attente se forme, de plus en plus grande, en quelques jours seulement. L’article de Jonathan Gold y est pour quelque chose. La recette aussi. Lorsque le restaurant ferme, la collaboration se poursuit à « La Maison Giraud ». C’est là qu’il devient « roi du croissant de Los Angeles », apprécié par des personnalités, notamment Johnny Hallyday. « Un titre que je détiens toujours », souligne-t-il fièrement. Chef boulanger et pâtissier à la Maison Giraud pour une seconde collaboration, le « King of croissant » remporte en 2014 la finale de l'émission culinaire « King of Cones », meilleur glacier, sur la chaîne de télévision Food Network. Consultant pour d'importants établissements culinaires comme le « Savory » à Malibu et « SOHO House » à West Hollywood et chef pâtissier exécutif du « Soho House West Coast », Noubar Yesseyan cumule les projets, et le stress aussi. « Je me fatiguais… Cette vie n’était plus pour moi… C’est à cette période que Bernard et moi avons pensé acheter une maison secondaire en France, puis à nous y installer. »

Maison Noubar, un magnifique havre de paix. Photo DR

LA-Cénevières-Beyrouth

Le choix du couple se porte sur une sublime maison datant de 1864. Après de nombreuses et lourdes rénovations, durant la pandémie de Covid-19 qui a rendu l’attente longue et difficile, les travaux s’achèvent enfin en juillet 2022. Les premiers locataires des trois chambres, qui portent le prénom de Kitane, Louise et Mimi, « des parentes de Bernard », seront des invités à un mariage qui a lieu dans un château voisin. La maison Noubar devient officiellement une maison d’hôte et une table d’hôte où les clients se sentent chez eux. Parmi eux, un Jude Law ravi… « C’est mon métier, après tout, de cuisiner, rappelle Noubar. Les gens viennent ici pour manger et vivre une expérience culinaire. »

Noubar Yesseyan et son compagnon Bernard Vandeuren recevant Jude Law à Maison Noubar. Photo DR

Les légumes et les fruits sont récupérés directement du potager, dont il vient de doubler la taille, et le menu est international « en fonction des clients qui viennent juste pour manger. » Le chef propose également des plats libanais « quand il y a une demande », et il y en a semble-t-il. De passage pour quelques jours au Liban, dans ce tourbillon de crises qui insuffle de l’angoisse au plaisir des retrouvailles, Noubar Yesseyan en repartira, comme à chaque fois, avec un stress mêlé de regrets. « J’aurais préféré faire tout ça au Liban… Ce que je vois me fait très mal. Tout ceci est très triste … » Le retour dans ce coin de paradis, ce havre de paix où il a planté ses racines, le consolera certainement du mal d’un pays qui n’est plus le même que celui de son enfance…