
Le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane (MBS). Photo d'archives AFP
Dans un entretien sur la chaîne conservatrice américaine Fox News, le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane (MBS) a déclaré que l'Arabie saoudite se rapprochait « de plus en plus » d'une normalisation des rapports avec Israël. Il s'agissait de la première fois que MBS s'exprimait publiquement dans un entretien télévisé sur la question des négociations en cours à ce sujet.
Ennemis de longue date, Israël et l'Arabie saoudite sont aujourd'hui en pourparlers pour parvenir à un accord sur l'établissement de relations diplomatiques. L'Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc sont les seuls pays arabes à avoir des liens diplomatiques avec Israël, trois ans après la signature des accords d'Abraham de 2020 entre plusieurs de ces pays et l'État hébreu.
La semaine dernière, l'ambassadeur d'Israël aux États-Unis, Michael Herzog, avait affirmé qu'il existait une « fenêtre d'opportunité » pour ajouter l'Arabie saoudite à la liste de ces pays. « Si nous parvenons à faire en sorte que l'Arabie saoudite rejoigne cette tendance, ce sera un événement sans précédent et tout aussi historique que les accords d'Abraham ». Un éventuel accord est également très attendu par Washington, qui parraine les pourparlers, mais a été qualifié de « coup de poignard dans le dos des Palestiniens » par le président iranien Ebrahim Raïssi..
Qu'en pensent toutefois les jeunes Saoudiens ?
Il est difficile de se faire une idée précise de ce que pensent les Saoudiens de la politique intérieure de leur pays, en raison de la censure stricte qui y règne. L'organisation américaine Freedom House, qui promeut la démocratie et surveille le degré de liberté politique et économique des pays du monde entier, a attribué à l'Arabie saoudite une note de 1 sur 4 en ce qui concerne la liberté d'expression.
Malgré ces difficultés, et pour se faire une idée des sentiments qui règnent dans le pays, L'Orient Today a parcouru les réseaux sociaux et interrogé des jeunes résidant en Arabie, dont l'anonymat a été préservé pour protéger leur sécurité.
Les Saoudiens contre la normalisation
À la suite de l'interview de MBS jeudi, le hashtag #SaudisAgainstNormalization (les Saoudiens contre la normalisation) a émergé sur Twitter. L'Orient Today n'a pas pu vérifier immédiatement si ce hashtag avait été créé par un robot.
Sur X (ex-Twitter), Nasser el-Qarni, fils de l'islamiste saoudien Awad el-Qarni, qui avait été arrêté en 2017 pour avoir critiqué le régime saoudien, a republié un message posté en 2015 par son père : « Tout accord de paix ou de reddition qui néglige un seul pouce de la Palestine, en particulier à Jérusalem, ne représente pas notre nation et ne nous concerne pas... ».
#سعوديون_ضد_التطبيع#التطبيع_خيانة pic.twitter.com/7eTjscuAIJ
— ناصر بن عوض القرني (@NasserAwadQ) August 10, 2023
De son côté, le Saoudien Marwan al-Qorashi a espéré sur X que l'accord de normalisation soit conclu afin qu'il puisse prier dans la mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem, troisième lieu saint de l'islam.
والله الطرمة راسك المربع
— مـروان الـقرشي ? ?? (@MQ_alqurashii) September 18, 2023
يسب و يشتم السعودية ردا على هجومها كيف ؟؟؟
يا رجل البلد و الحكومة الفلسطينية نفسها مطبعه مع اليهود تزعل من الدول العربية اذا طبعت ليش وبصراحة انا اتمنى ان السعودية تطبع لان نفسي ازور المسجد الأقصى و أصلي فيه pic.twitter.com/rhuSZ56P7C
Sur la page « Les Saoudiens avec Al-Aqsa » sur Twitter, qui défend la Palestine, une publication a été écrite en août dernier avec le même hashtag : « Nous refusons que la terre des deux saintes mosquées soit entachée par la normalisation avec l'entité occupante ». La publication est accompagnée d'une caricature montrant le président américain Joe Biden nouant avec un ruban rouge deux mains ensanglantées, sortant de manches illustrées des drapeaux saoudien et israélien.
نرفض أن تتلطّخ بلاد الحرمين بالتطبيع مع الكيان المحتل.#سعوديون_ضد_التطبيع pic.twitter.com/TyYzLFkLut
— #سعوديون_مع_الاقصى (@Saudis2018) August 11, 2023
« MBS ne jettera pas les droits des Palestiniens dans les égouts »
Contactée par notre publication anglophone, l'ingénieure pétrolière Dana*, 29 ans, a soutenu qu'elle continuait à penser que la normalisation avec Israël serait « une mesure farfelue ». « Je pense que MBS risque de faire face à beaucoup de réactions négatives » en cas d'accord, a-t-elle ajouté. « Le royaume a toujours été le visage de l'islam. Après tout, les musulmans du monde entier font face à La Mecque cinq fois par jour lors de leurs prières quotidiennes. Il y aura donc une grande indignation mondiale si MBS tend la main à un État d'apartheid qui attaque régulièrement la mosquée Al-Aqsa, l'un des sites les plus sacrés de l'islam », a ajouté l'ingénieure.
Bassam*, un professeur de physique de 31 ans originaire d'Arabie saoudite, a pour sa part affirmé qu'il « fait confiance au leadership de MBS ». « Je sais que si des liens sont noués entre mon pays et Israël, c'est dans l'intérêt de la région et de la cause palestinienne », a-t-il poursuivi. « Je suis sûr que MBS ne jettera pas les droits des Palestiniens dans les égouts ».
Pour, Mohammed*, 26 ans, qui gère l'entreprise commerciale de sa famille, « ce que les Saoudiens pensent d'un éventuel accord de normalisation n'a pas d'importance, leur opinion ne sera pas entendue, ni même prise en considération. » « On ne peut pas vraiment savoir ce que pensent les Saoudiens parce que la majorité des gens ont peur de s'exprimer », a-t-il fustigé. Le jeune homme a encore estimé que si les Saoudiens n'ont pas pu s'exprimer sur d'autres initiatives politiques de MBS, ils ne seront probablement pas en mesure de partager leur opinion sur d'éventuelles relations diplomatiques avec Israël. Il a déploré, dans ce cadre, que « la direction que prend le pays n'est tout simplement pas conforme à nos valeurs islamiques » et que « des chanteuses à moitié nues sont payées des millions de dollars pour venir faire la fête », en allusion à la politique d'ouverture culturelle engagée par le prince héritier depuis plusieurs années.
*Tous les prénoms ont été modifiés pour préserver l'anonymat des intervenants.
commentaires (3)
Balayons déjà devant nos portes. Avant de critiquer la liberté d’expression dans les autres pays qui eux, ont l’honnêteté d’annoncer la couleur en matière de limitation des libertés et non pas en appliquant une hypocrisie qui gangrène notre pays qui se dit libre alors que ses médias comme son peuple sont muselé s et appliquent l’auto-censure de peur de représailles. Tous les citoyens qui ont osé dire ce qu’ils pensaient de leurs mafieux de politiciens se sont retrouvés devant un tribunal militaire ( rien que ça) pour diffamation et notre cher journal n’ose pas publier nos commentaires pour la même raison. Alors qu’est ce que vous voulez nous prouver avec cet article qui jette la pierre lorsqu’il s’agit des autres pays alors que le nôtre vit dans une dictature non dénoncée qui ne fait que prospérer à cause de la lâcheté de quelques uns qui se disent libres tout en courbant l’échine et se muselant volontairement pour ne pas froisser les fossoyeurs de notre liberté. Qu’est ce qu’une lib
Sissi zayyat
11 h 01, le 24 septembre 2023