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Lifestyle - Gastronomie

Le retour à la terre des filles de Tanios

Depuis quelques années ; la marque Les Filles de Tanios fournit son huile d’olive, son « zaatar » ou son sumac à des tables de renom ou des épiceries fines en France. Des produits cultivés dans le village de Chawalik sur le terrain du père, Tanios.

Le retour à la terre des filles de Tanios

Hiam Habib Farhat; à l’origine du projet « Les Filles de Tanios ». Photo DR

C’est Hiam Habib Farhat qui est à l’origine de ce projet, dont le fondement est essentiellement sentimental. « Je le conçois comme un pont entre mes deux pays. Je suis née au Liban, mes enfants sont nés en France où je vis depuis 38 ans, confie-t-elle. Quand on est bien dans un pays, on a envie de rendre hommage à ses origines. J’ai voulu partager avec ma famille et mes amis français la valeur des bonheurs simples, de l’entraide et du travail artisanal de qualité », précise l’auto-entrepreneuse, qui a baptisé sa marque « Les Filles de Tanios » en s’inspirant de sa propre histoire familiale. « Nous sommes sept filles ; mon père Tanios est mort à 43 ans et ma mère nous a élevées seule à Jdeidé. Quand nous revenions à Chawalik, situé entre Saïda et Jezzine, on nous appelait les filles de Tanios. Tanios était jovial, généreux et très apprécié », poursuit l’ancienne assistante sociale, dont le père, précise-t-elle, « n’était pas paysan ». « Comme les autres, il aidait ses parents en fonction des saisons. Dans la région, il était courant de trouver des oliviers et de la vigne, mais cette dernière culture a beaucoup diminué récemment, de même que celle des néfliers. Leur culture est onéreuse : les fruits arrivent en quelques jours et il faut embaucher de la main-d’œuvre pour la récolte. Le produit ne dure pas longtemps et il ne se garde pas, les paysans ont donc opté pour des cultures plus faciles et plus rentables », précise Hiam Farhat. Résidant entre Paris et la Bretagne, elle prévoit dans son emploi du temps des voyages fréquents au Liban pour suivre « (ses) olives ».

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Depuis une quinzaine d’années, elle a replanté de nombreux oliviers sur ses terrains, et une grande passion en est née. « J’ai suivi des formations et des conférences, et j’ai surtout échangé avec des gens du village, ce qui est très porteur », explique-t-elle, soulignant qu’elle a choisi le pressoir mécanique de Lebaa pour son huile, dont les olives sont cultivées sur une terre blanche, « gage de qualité ». Les journées au pressoir sont longues et conviviales. « C’est un rendez-vous avec les gens des villages alentour, on discute beaucoup, et même s’il y avait un peu de concurrence au départ, il y a de la place pour tout le monde car la production libanaise reste insuffisante. Il existe à présent des organismes qui regroupent les petits producteurs, qui deviennent de plus en plus informés, ce qui a considérablement amélioré la qualité des produits. Depuis deux ans, on sent un véritable retour à la terre chez les jeunes et chez les plus âgés, qui n’étaient pas forcément conscients de tout le potentiel agricole de leurs terrains », constate Hiam Habib Farhat avec enthousiasme.

La crise économique a également changé le visage de la main-d’œuvre. « J’ai encouragé des gens au chômage à travailler la terre, même s’ils n’y étaient pas habitués, et ça a marché. J’ai demandé de l’aide à certains d’entre ceux qui se sont engagés avec efficacité. L’un d’eux a une main endommagée, au départ ne sachant pas comment procéder, et maintenant, on ne peut pas envisager la récolte des olives sans lui ! » enchaîne la Bretonne d’adoption, qui convie parfois ses amis français et libanais pour la récolte des olives en automne, dont la production oscille entre 600 et 1 000 litres par an.

En dehors de l’huile d’olive, que l’on peut, entre autres, trouver dans différentes épiceries fines à Rennes, Bordeaux ou Paris, ou sur quelques tables de renom, comme le restaurant rennais étoilé Holen, les oliviers permettent aussi de fabriquer du savon selon les méthodes artisanales des villageois de Chawalik. Comme les autres produits de la marque, ils sont commercialisés sur le site lesfillesdetanios.com ou lors d’événements particuliers.

Un travail familial et collectif pour les filles de Tanios et leurs amies. Photo DR

Le sumac, ses toits rouges et les délicates fleurs d’oranger

Outre les oliviers, dont certains portent les noms de chacune des filles de Tanios et de leurs parents, Hiam Farhat, largement soutenue par sa fratrie, a souhaité diversifier les cultures de ses terrains, réservées à un usage familial au départ, avant de s’ouvrir au commerce depuis 5 ans. « Il était courant de cultiver du sumac ou du « zaatar » au bord des oliviers, ces plantes poussent facilement et demandent peu d’entretien. J’ai encouragé des femmes du village à les développer et on travaille ensemble. Ça a créé une dynamique. Quand le sumac est mûr, ses grappes sont rouges et on les cueille entre la fin juillet et le 20 août. On les met ensuite à sécher au soleil pendant quinze jours. À cette époque, les toits des maisons sont couverts d’un manteau rouge, et c’est très beau », décrit Hiam Farhat. « Le sumac est en train de devenir un condiment prisé, Karim Haïdar ou le restaurant rennais Racine se fournissent chez nous, par exemple. En moyenne, on produit une centaine de kilos par an. »

Une gamme de produits à découvrir en France, en attendant le Liban. Photo DR

Quant aux fleurs d’oranger, elles sont ramassées en avril et leur cueillette est délicate, car elles sont très fragiles. « On les passe ensuite dans l’alambic : un kilo de fleurs permet de remplir une petite bouteille. Notre fabrication correspond à la méthode traditionnelle utilisée dans la région, notamment à Maghdouché : le produit se compose de l’essence pure de fleurs sans le moindre ajout. La pâtisserie parisienne Mie Amor a récemment présenté une création qui utilise notre eau de fleurs d’oranger », souligne fièrement la fille de Tanios en souriant, tout en insistant sur le côté artisanal qu’elle veut absolument conserver. « Nous avons des demandes toujours plus nombreuses et pensons augmenter nos productions, mais ce ne sera pas au détriment de la qualité proposée. Nous travaillons actuellement sur un nouveau produit, la mélasse de grenade. Ce qui me tient à cœur, c’est de continuer à raconter une histoire et de faire aimer la terre : les gens y sont de plus en plus sensibles. Même les jeunes Libanais de France sont très intéressés par les produits de leur pays d’origine », constate-t-elle, elle qui a été invitée au mois d’avril au festival Art’è Gustu, en Corse. «  L’idée du festival était de susciter des rencontres entre producteurs et grands chefs français, et Pierre Hermé et Glenn Viel encourageaient les visiteurs à venir goûter le sumac et le zaatar, qui ont eu beaucoup de succès ! J’étais ravie. » Reste à espérer que les produits Filles de Tanios seront prochainement commercialisés dans le pays qui les voit pousser puis partir.

C’est Hiam Habib Farhat qui est à l’origine de ce projet, dont le fondement est essentiellement sentimental. « Je le conçois comme un pont entre mes deux pays. Je suis née au Liban, mes enfants sont nés en France où je vis depuis 38 ans, confie-t-elle. Quand on est bien dans un pays, on a envie de rendre hommage à ses origines. J’ai voulu partager avec ma famille et mes amis...
commentaires (5)

Ces produits que j'ai le plaisir d'avoir à ma table sont exceptionnels. Bravo et merci

Bassam Youssef

10 h 21, le 17 septembre 2023

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Commentaires (5)

  • Ces produits que j'ai le plaisir d'avoir à ma table sont exceptionnels. Bravo et merci

    Bassam Youssef

    10 h 21, le 17 septembre 2023

  • Ca fait plaisir de lire cet article et de voir que la main d’oeuvre est purement libanaise, les gens du village. Bravo)! Ou peut-on trouver ces produits en France?

    CW

    20 h 48, le 16 septembre 2023

  • Bravo et bon courage.

    LE FRANCOPHONE

    12 h 38, le 15 septembre 2023

  • Il faut vendre a bon prix aussi. On a bcq de bons produits au Monde.

    Marie Claude

    11 h 40, le 15 septembre 2023

  • Bravo pour ce beau projet qui allie le retour à cette belle terre du Liban, l'emploi d'une main d’œuvre paysanne fière de son travail, et des exportations, mêmes minimes, qui favorisent l'équilibre du commerce extérieur libanais. Le Liban ne sera pas sauvé par les restaurants à la mode et les nuits de fête et d'alcool mais par un travail acharné de ses enfants dans la production de biens marchands dans l'agriculture et l'industrie. Toute autre voie ne fait que perpétuer la dépendance de ce pays à l'étranger, proche ou lointain.

    Simon Manassa

    11 h 12, le 15 septembre 2023

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