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Politique - Éclairage

Derrière les affrontements de Aïn el-Heloué, une volonté de livrer le camp aux islamistes ?

Une intervention de la troupe reste une option très risquée, non envisagée jusqu’ici par l’institution.

Derrière les affrontements de Aïn el-Heloué, une volonté de livrer le camp aux islamistes ?

Vue du camp palestinien de Aïn el-Heloué, le 10 septembre 2023. Photo Mohammad Yassine

L’avenir de Aïn el-Heloué est en suspens. La reprise des combats la semaine dernière dans le plus grand camp de réfugiés palestiniens au Liban suscite de nombreuses interrogations. D’autant plus après la tentative, abandonnée suite aux pressions du gouvernement, de la municipalité de Saïda et certaines organisations internationales d’édifier un campement de secours pour accueillir les civils déplacés par les combats. Une démarche perçue par certains observateurs comme consacrant le contrôle des islamistes sur le camp... à l’instigation du Hezbollah.

« Nouvelle Nakba »
L’Orient-Le Jour a appris que l’installation des 35 tentes censées abriter les personnes déplacées du camp de Aïn el-Heloué a été décidée samedi, lors d’une réunion entre la municipalité de Saïda, des acteurs de la société civile libanaise et palestinienne, mais aussi l’Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (Unrwa).. « Nous apprécions tous les efforts déployés par nos partenaires pour fournir une assistance humanitaire, commente à notre journal Dorothée Klaus, directrice de l’Unrwa au Liban, à notre journal. Nous concentrons nos efforts sur la réponse aux besoins pressants et immédiats, d’autant que le conflit détruit les habitations et les infrastructures dans le camp. » 

« C’est un faux pas de la part de la municipalité, qui partait d’une bonne intention », reconnaît, en réaction au tollé, un député de la ville, Abderrahmane Bizri, lui-même proche du président du conseil municipal.

Pour mémoire

Affrontements de Aïn el-Héloué : un timing qui interroge

L’édification du camp a en effet été très mal accueillie au niveau local. « Quand un camp de réfugiés est installé au Liban, il est difficile de le retirer », souligne le chercheur au Carnegie Middle East Center Mohanad Hage Ali. Les partis politiques de Saïda craignent en effet de voir les nouveaux campements se transformer en agglomération urbaine permanente, comme Aïn el-Heloué. Dans un communiqué, la Jamaa islamiya, parti affilié aux Frères musulmans et actif à Saïda, a lui aussi dénoncé les « implications sécuritaires et politiques » des tentes installées pour abriter les familles déplacées. Le parti a appelé la municipalité à « démanteler le campement et transférer les déplacés vers un lieu plus sûr et plus digne », estimant que « l’alternative aux combats ne doit pas être d’établir des camps, qui ne protègent pas des balles perdues ». Même son de cloche du côté de Abderrahmane Bizri. « Il ne manque pas aux habitants de notre ville une nouvelle zone de non-droit, qui impacterait la situation sécuritaire mais aussi économique », affirme-t-il.

Dans la pratique, l’État libanais n’exerce presque aucune juridiction sur les camps de réfugiés palestiniens, laissés à la merci de factions rivales. D’ailleurs, et malgré la flambée de violence qui déborde sur le reste de la ville – en plus des huit morts à l’intérieur du camp, des balles perdues ont blessé des civils et cinq soldats de l’armée libanaise –, une intervention de la troupe pour rétablir le calme reste une option très risquée et d’ailleurs – jusqu’ici – pas envisagée par l’institution. « L’armée libanaise n’a plus les moyens qu’elle avait en 2007, lorsqu’elle avait mené une opération pour déloger des terroristes du camp de Nahr el-Bared, au Liban-Nord, remarque M. Hage Ali. Aujourd’hui, la troupe est frappée de plein fouet par la crise et ne peut donc pas se permettre pareille opération. »

Mais il n’y a pas que les Libanais qui se sont opposés au projet des nouveaux campements. « Les Palestiniens y ont également vu une tentative de leur faire quitter leurs maisons pour de bon encore une fois, une sorte de nouvelle Nakba », précise M. Bizri, en référence à l’exode massif de 1948.

« Jeu dangereux »
Autre point polémique, et pas des moindres, la localisation du camp, à l’entrée nord de la ville, près du stade Rafic Hariri. « Alors que le camp de Aïn el-Heloué se trouve au sud de Saïda, la construction d’un nouveau camp à l’entrée nord pourrait servir à encercler la ville », craint une figure politique de la troisième ville du pays. Car le contrôle des camps de réfugiés palestiniens est un enjeu stratégique important. Depuis la fin du mois de juillet, le camp de Aïn el-Heloué connaît des affrontements sporadiques entre des membres du mouvement Fateh et des groupes islamistes, dont Jund el-Cham, sur fond de vendettas en série. Les appels à la trêve, qui affluent de tous les côtés, font long feu face à l’intransigeance des acteurs. D’autant que, selon de nombreux observateurs, le Hezbollah galvanise les factions islamistes avec pour objectif d’affaiblir le Fateh au profit de son allié, le Hamas, et d’étendre son influence sur les camps palestiniens. En 2017, des affrontements similaires, entre nationalistes et salafistes, avaient d’ailleurs eu lieu dans le camp voisin de Miyé w Miyé. Les affrontements s’étaient soldés par une entrée en scène du Hamas, sorti gagnant, mais sans une égratignure.

« Le processus est long, mais les nationalistes pourraient continuer à s’affaiblir, du fait des attaques à répétition des islamistes contre des cadres et des figures influentes, mais aussi des divisions internes qui existaient déjà avant le début des affrontements », remarque M. Hage Ali, estimant que le camp de Aïn el-Heloué risque, à terme, de tomber aux mains des islamistes. « L’édification d’un second camp au nord de la ville pourrait également être un lot de consolation pour le Fateh, puisque les cadres du parti et leurs familles pourraient s’y réfugier, laissant Aïn el-Heloué aux islamistes », suppose la figure politique précitée. Une théorie rejetée par Mohanad Hage Ali. « Lorsque le calme sera revenu, les personnes déplacées qui n’auront pas quitté le Liban rentreront probablement à Aïn el-Heloué, remarque-t-il. Mais le nouveau contexte politique dans le camp risque d’être imprévisible, même pour le Hezbollah, qui joue à un jeu dangereux en renforçant les mêmes groupes qu’il combattait en Syrie. »

L’avenir de Aïn el-Heloué est en suspens. La reprise des combats la semaine dernière dans le plus grand camp de réfugiés palestiniens au Liban suscite de nombreuses interrogations. D’autant plus après la tentative, abandonnée suite aux pressions du gouvernement, de la municipalité de Saïda et certaines organisations internationales d’édifier un campement de secours pour...

commentaires (7)

Génial!! Alors si j’ai bien compris, On va créer un camp de réfugié bis, pour les réfugiés qui s’enfuient de leurs propre camp de réfugiés. Réfugiés au carré, alors que les libanais eux mêmes ne s’en sortent pas. Ok ! En même temps, les banques, la justice, les hôpitaux, la présidentielle, l’avenir du Liban et des libanais, bien merci.

Antoine Chouery

23 h 12, le 12 septembre 2023

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Commentaires (7)

  • Génial!! Alors si j’ai bien compris, On va créer un camp de réfugié bis, pour les réfugiés qui s’enfuient de leurs propre camp de réfugiés. Réfugiés au carré, alors que les libanais eux mêmes ne s’en sortent pas. Ok ! En même temps, les banques, la justice, les hôpitaux, la présidentielle, l’avenir du Liban et des libanais, bien merci.

    Antoine Chouery

    23 h 12, le 12 septembre 2023

  • « renforçant les mêmes groupes qu’il combattait en Syrie » Je croyais que c’étaient les américains et les israéliens qui avaient créé Daëch et HTS pour détruire « l’axe de la Résistance ».

    Citoyen libanais

    15 h 12, le 12 septembre 2023

  • Le Hezb, par l'intermediaire de ses allies du Hamas (Islamistes) veut absolument controler le camp de Ain el Heloueh pour controler toute la route qui mene de Dahieh au Sud-Liban.

    Michel Trad

    14 h 01, le 12 septembre 2023

  • Chère armée libanaise. Il faut arrêter de reculer pour mieux sauter, cela vous coûte toujours beaucoup plus en moyens et en hommes au final. Vous êtes responsables du contrôle de notre pays et il est de votre devoir de veiller à notre sécurité. Vous ne pouvez pas abandonner notre pays aux organisations terroristes sous prétexte de ne pas avoir les moyens de les combattre. Plus vous vous montrez chétifs et plus ces lâches se prendront pour des héros comme à chaque fois que vous avez gagné une bataille qu’ils se sont précipités pour se l’approprier. N’écoutez aucun de ces vendus quant à votre capacité de tenir tête, face aux usurpateurs de nos pays. Nous croyons en vous et nous savons que vous ne resterez pas les bras croisés pendant que notre pays est saccagé pour être usurpé.

    Sissi zayyat

    10 h 36, le 12 septembre 2023

  • comme s'il y avait plusieurs vérités, – ce n'est que pure phraséologie émanant des différentes factions occupant les camps, il appartient à notre armée, en dépit de ses faibles moyens, de mettre un terme à cette situation, extrêmement grave et à minima inconcevable. N'oublions pas que ces palestiniens demeurent "nos" invités et doivent donc se conformer à certaines règles.. Le Liban avec son cortège de malheurs n'a que trop subit.. Ce serait l'occasion pour les hezbollahis de montrer les muscles , eux qui déclarent œuvrer pour la patrie..et qui honissent tant daesch.

    C…

    08 h 38, le 12 septembre 2023

  • Nombreux sont les habitants de Saida qui considèrent le Liban comme une création du “colonialisme français’. Ils n’ont donc qu’à ouvrir leurs propres maisons à leur ‘frères’ palestiniens, puisque, après tout, nous sommes un même peuple arabe. A moins qu’ils ne soient devenus ‘isolationnistes’?

    Mago1

    04 h 06, le 12 septembre 2023

  • Cet article a tout l'air de confondre Daech et le Hamas , sous le nom général d'islamistes . L'erreur est-elle involontaire et due à une certaine maladresse , ou intentionnelle pour désorienter le lecteur ?

    Chucri Abboud

    01 h 37, le 12 septembre 2023

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