
Une carrière creuse les montagnes près du village de Aïn Dara, en juillet 2019. Joseph Eid/AFP
Ghayath Yazbeck, président (Forces libanaises) de la commission parlementaire de l’Environnement, a présenté mercredi dernier, avec d’autres députés FL, une proposition de loi visant à réglementer le secteur des carrières de pierre et de sable. L’initiative a le mérite de remettre en lumière ce secteur oublié, traditionnellement en proie à la désorganisation et la corruption. Pour L’Orient-Le Jour, le député dresse un état des lieux de ce désastre écologique doublé d’un gouffre financier, en expliquant pourquoi il était crucial de présenter une proposition de loi dans un contexte aussi tourmenté.
Comment fonctionne le secteur des carrières en pleine crise ?
Il y a une prolifération quasi cancéreuse des carrières de pierre et de sable dans le pays, dans un contexte de chaos total. On recense aujourd’hui de 1 300 à 1 400 exploitations (chiffres du Haut Conseil des carrières, NDLR), mais si l’on compte celles qui fonctionnent en toute illégalité suivant des permis qui n’ont rien à voir avec les carrières, on pourrait aisément les multiplier par deux. Ces carrières non réglementées polluent les sols et l’eau souterraine, grignotent les espaces verts et dégradent les routes en raison du passage des camions. De plus, on y utilise toutes sortes d’explosifs interdits officiellement pour ce genre d’activités civiles. Les autorités concernées, pour leur part, se réfugient derrière l’argument selon lequel elles n’octroient plus de permis d’exploitation. Sauf que des permis de déplacement de stocks sont régulièrement accordés par le ministère de l’Intérieur ou certaines autorités locales comme les mohafez et les caïmacams, et sont détournés pour servir de prétexte à une exploitation totalement sauvage de ces sites.
Le pire, c’est que la réglementation de ce secteur serait une véritable manne pour l’État, une source de revenus jusque-là ignorée par les autorités. Une étude récente du ministère de l’Environnement et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a montré que le manque à gagner pour l’État dans le secteur des carrières (principalement en raison des taxes non payées) est de près de 2,4 milliards de dollars.
Depuis des années, le secteur des carrières n’est réglementé que par le décret 8803, qui n’est même pas appliqué de manière stricte. Qu’est-ce que votre proposition de loi apporterait de plus ?
Dans notre proposition de loi, nous nous efforçons de redéfinir de manière plus claire le concept même de carrière, en y incluant, notamment, les notions de respect de la nature du sol, de l’impact environnemental… Nous œuvrons également à agrandir le cercle des acteurs qui ont un avis contraignant en matière de permis de carrière, notamment l’ordre des ingénieurs et les autorités locales, tout en renforçant le rôle du ministère de l’Environnement et du Haut Conseil des carrières (présidé par le ministre), aujourd’hui totalement dysfonctionnel. Le contrôle des délais et des quantités imposées devra également devenir plus strict, tout comme l’exigence de réhabilitation des sites dégradés. Sans compter qu’il faut réadapter les montants des taxes imposées aux exploitants de carrière, en phase avec les changements survenus depuis le début de la crise économique et financière.
Comment espérez-vous pousser vers l’adoption de cette loi alors même que les priorités sont ailleurs, dans un État en pleine déliquescence ?
L’important pour nous était de soumettre cette proposition de loi qui fera son chemin dans les commissions parlementaires. Mais nous ne nous faisons pas d’illusions : il faudra d’abord que les institutions se remettent en marche, notamment avec l’élection d’un président de la République…
Néanmoins, tout n’est pas perdu. L’esprit de cette loi peut commencer à influencer les prises de décision, même si le texte n’est pas encore en vigueur. Preuve en est, notre groupe de députés a rencontré le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui peu avant la présentation du texte au Parlement : il a été sensible à nos arguments et a promis d’arrêter l’octroi de tout permis, de quelque type que ce soit, jusqu’à nouvel ordre. L’opinion publique est également plus sensibilisée à ces sujets et fait régulièrement pression pour empêcher les dégâts de se poursuivre.
Ghayath Yazbeck, président (Forces libanaises) de la commission parlementaire de l’Environnement, a présenté mercredi dernier, avec d’autres députés FL, une proposition de loi visant à réglementer le secteur des carrières de pierre et de sable. L’initiative a le mérite de remettre en lumière ce secteur oublié, traditionnellement en proie à la désorganisation et la corruption....
commentaires (4)
Il y a une proliferation d'activites illegales a tous les niveaux dans ce pays.
hrychsted
22 h 46, le 10 septembre 2023