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Économie - Conseil des ministres/Liban

Coup d'envoi pour le budget 2024, feu vert pour la succession de Sayrafa

Le cabinet approuve le renouvellement pour une troisième année de l'accord de troc de carburant à destination d'EDL avec l'Irak.

Coup d'envoi pour le budget 2024, feu vert pour la succession de Sayrafa

Le gouvernement sortant libanais réuni au Grand Sérail, le 7 septembre 2023. Photo Dalati et Nohra

Avec deux réunions du Conseil des ministres au programme, l’une le matin et l’autre l’après-midi, le gouvernement sortant de Nagib Mikati a enchaîné les heures de débats et les décisions.

La seconde réunion a plus particulièrement été consacrée à l’examen de l’avant-projet de budget de 2024 que le ministère des Finances avait transmis à l’exécutif dans les délais normaux prévus par la Constitution et le code de la comptabilité publique, marquant ainsi une première depuis des années. Selon le ministre sortant des Finances que nous avons contacté, les ministres ont parcouru les 60 premiers articles, soit la quasi-totalité des dispositions de la première partie incluant notamment les mesures fiscales. « Il n'y a pas eu de modifications importantes » a encore assuré le ministre, précisant que le préambule du budget, c'est-à-dire le texte introductif qui en décrit les grands principes, sera « prêt lundi ». Il a enfin indiqué que le taux de change qui sera utilisé pour le calcul des différents impôts et taxes sera « celui fixé par la Banque du Liban ».

Youssef Khalil s'est enfin réjoui du fait que l'avant-projet de budget ait été transmis au Conseil des ministres « dans les temps », soit avant le 1er septembre, et espéré que le gouvernement achèvera son examen et transmettra le projet de loi correspondant au Parlement avant la session d'automne, qui démarre à la deuxième quinzaine d'octobre.

Les députés pourraient alors avoir à revoir et approuver deux projets de budget en même temps, vu que celui de 2023, approuvé en août dernier bien en dehors des délais normaux, vient également de lui être transmis. Les deux textes contiennent de nombreux ajustements des impôts et taxes afin de tenir compte de la dépréciation de la livre, qui s'est effondrée depuis le début de la crise qui a éclaté en 2019. Mais leur contenu fait déjà l'objet de critiques qui reprochent au gouvernement de chercher à augmenter ses revenus sans rien proposer en échange aux contribuables. 

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Pas de calendrier pour la nouvelle plateforme

Le gouvernement a aussi marqué un grand coup lors de sa première réunion en approuvant le remplacement de la plateforme de change Sayrafa initiée par la Banque du Liban, par un autre instrument opéré par le groupe financier et agence d'informations économiques et financières américain, Bloomberg LP. Une information annoncée par le ministre sortant de l’Information Ziad Makari dans son point presse et confirmée par Youssef Khalil à L’Orient-Le Jour. Les deux hommes n’ont communiqué aucun calendirer ni autre détail sur le projet de la BDL, qui n’a pas répondu à nos demandes de précision.

Les autorités espèrent imposer cette nouvelle plateforme comme seule référence du taux de change entre une livre libanaise fortement dépréciée et le dollar, un objectif que Sayrafa n’a jamais rempli en trois ans d’existence. Le projet de remplacer la plateforme Sayrafa avait été proposé par les quatre vice-gouverneurs de la BDL - Wassim Mansouri (1er vice-gouverneur), Bachir Yakzan (2e), Salim Chahine (3e) et Alexandre Moradian (4e) - à la fin du mandat de l'ex-gouverneur Riad Salamé. Depuis,Wassim Manssouri a pris la tête, par intérim, de l'institution.

La finalité de cette nouvelle plateforme est de remplacer Sayrafa, lancée par la BDL en 2020 pour tenter de devenir la référence du marché, ainsi que les sites et applications informelles qui relaient actuellement le taux de change pratiqué chez les agents agréés ou illégaux (comme lirarate.org ou Adde dollar). Le fonctionnement de ces plateformes, qu’il s’agisse de Sayrafa ou des autres, n’a jamais été clairement expliqué par ceux qui les opèrent.

Contacté par L’Orient-Le Jour, le secrétaire général de l’Association des banques du Liban a estimé que le lancement de la nouvelle plateforme était une « mesure positive » qui permettrait au jeu de l’offre et de la demande de reprendre ses droits et contribuerait à freiner la dynamique d’expansion de l’économie du cash, des propos qu’il a également tenu à l’agence al-Markaziya. Également interrogé, un dirigeant de banque souhaitant rester anonyme a affirmé s’attendre à ce que la BDL communique directement avec les directions des banques dans les prochains jours pour préparer la mise en place de la nouvelle plateforme. 

Entre la fin des années 1990 et 2019, la BDL stabilisait le taux de change officiel à 1507,5 livres pour un dollar en intervenant sur le marché, injectant soit des dollars, soit des livres. Mais la situation a beaucoup changé depuis le début de la crise au courant de l’été 2019. À l’issue d'une longue série presque ininterrompue de déficits annuels de la balance des paiements, la BDL a commencé à limiter ses interventions tandis que les banques, elles aussi à court de dollars, ont entrepris de restreindre illégalement l’accès de leurs clients à leurs dépôts en devises. Si le taux de change réel a commencé à décrocher dès 2019, le taux officiel a été maintenu pour certaines opérations spécifiques, avant que d’autres taux de change fixe ne soient institués par des mécanismes aménageant les restrictions bancaires en permettant aux déposants de retirer une partie de leurs fonds, mais à des conditions drastiques.

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Carburant irakien, détaxe et contrôleurs aériens
En outre, le cabinet sortant a approuvé le renouvellement pour une troisième année de l'accord de troc de carburant à destination d'EDL avec l'Irak, pour un total d'1,5 million de tonnes de fuel brut. Le Liban, secoué par la crise économique, peine à subvenir à ses besoins en carburant. Le fuel obtenu auprès de l'Irak est échangé contre du carburant raffiné adapté aux centrales d'EDL via des opérateurs tiers, sélectionnés par le ministère de l'Énergie via des appel d'offres. Sur les quantités de carburant importées dans le cadre de cet accord, 20.000 tonnes par an seront consacrées au ministère des Télécoms afin de faire fonctionner les centraux opérés par Ogero, l'office publique qui gère la téléphonie et l'Internet fixes.

Autre décision prise par le Conseil des ministres sur autre dossier cette fois : le recrutement d'une vingtaine de candidats ayant réussi les examens pour devenir contrôleurs assistants en 2018 a aussi été avalisé, après qu'un rapport avait relevé mi-août des défaillances concernant la sécurité de la navigation aérienne à l’aéroport international de Beyrouth. 

Le cabinet a en outre approuvé un nouveau mécanisme organisant la restitution de la TVA par Global Blue, le leader mondial de la détaxe pour les touristes. Implantée au Liban depuis 2022, la société avait suspendu ses opérations de restitution depuis début mars, ne souhaitant plus que l'État lui rembourse les montants détaxés restitués aux clients en livres libanaises - dont la valeur a énormément diminué en quatre ans de crise - et avec plusieurs mois de retard. 

Une source proche de la société a expliqué à L'Orient-Le Jour que le gouvernement a accepté le principe de restitution de la TVA en dollars, mais que de nombreuses questions restent en suspens, notamment concernant le taux qui sera pratiqué. La détaxe est une opération de restitution de la TVA payée dans un pays et qui se révèle particulièrement intéressante pour les achats de produits haut de gamme ou de luxe. Les voyageurs de passage au Liban – Libanais ou étrangers tant qu’ils ne résident pas dans le pays – pouvaient donc récupérer la TVA sur certains de leurs achats faits sur le territoire comme cela peut se faire ailleurs dans le monde.

Parmi les autres décisions cruciales prises, le gouvernement a aussi accepté de rallonger l’enveloppe de subventions destinés aux « traitements des maladies incurables », a annoncé le ministre sortant de la Santé Firas Abiad sur ce sujet qui figurait également à l’ordre du jour. Il s’agit de l’un des derniers mécanismes de subventions du taux de change déployé pendant la crise aux bénéfice de certains importateurs et qui est encore en place. L’enveloppe annoncée est de « 30 millions de dollars » et « 1 500 milliards de livres », sans précision sur le taux de change pris en compte, selon les déclarations du ministre relayés par l’Agence nationale d’information (ANI, officielle).

Enfin, le Conseil des ministres a approuvé 91 décrets de recouvrement de la nationalité libanaise à des personnes émigrées. 

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Réfugiés syriens et frais de scolarité

Prenant la parole au début de la réunion, le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, est revenu sur « les vagues de réfugiés syriens » arrivant au Liban via des passages frontaliers « informels ». Il a annoncé qu'un Conseil des ministres serait consacré à cette question la semaine prochaine, en présence du commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, et des chefs des différentes agences sécuritaires.

Plus tôt dans la journée, l'armée libanaise, qui effectue régulièrement des arrestations de réfugiés entrés illégalement, avait annoncé avoir empêché en une semaine 1.200 Syriens d'entrer au Liban par voie terrestre. Depuis trois semaines, la troupe publie régulièrement des rapports similaires concernant les entrées illégales au Liban, relevant à chaque fois plusieurs centaines d'arrestations. Les réseaux de passeurs sont nombreux entre le Liban et la Syrie. La frontière poreuse et l'absence d'une autorité effective de l'Etat dans certaines régions, favorisent la contrebande et les trafics en tout genre, de la drogue aux êtres humains.

En outre, M. Mikati a rappelé que son cabinet a été formé il y a trois ans, à quelques jours près, appelant ses ministres à « assumer leurs responsabilités envers les citoyens ». « Nous ne confisquons pas le pouvoir et nous ne voulons remplacer personne », a-t-il ajouté, en référence aux accusations lancées à son encontre, notamment par les parties chrétiennes, selon lesquelles il tente de s'arroger les prérogatives du chef de l'Etat, dans la période actuelle de vacance présidentielle prolongée. A ce sujet, le président du Conseil a affiché son soutien à l'initiative du président de la Chambre, Nabih Berry, qui souhaite un dialogue au Parlement avant l'ouverture d'une séance électorale ouverte.

Concernant la rentrée scolaire, Nagib Mikati a indiqué avoir demandé au ministre sortant de l'Education, Abbas Halabi, d'obliger les écoles privées à « prendre en compte la situation économique actuelle avant d'augmenter les frais d'inscription », face aux « cris de colère des parents vis-à-vis de l'augmentation » de ces frais. Il a ajouté qu'une proposition a en outre été faite pour augmenter les frais d'enregistrement dans les écoles publiques et à l'Université libanaise « lors des discussions sur l'avant-projet de budget(2024) ».

Avec deux réunions du Conseil des ministres au programme, l’une le matin et l’autre l’après-midi, le gouvernement sortant de Nagib Mikati a enchaîné les heures de débats et les décisions.La seconde réunion a plus particulièrement été consacrée à l’examen de l’avant-projet de budget de 2024 que le ministère des Finances avait transmis à l’exécutif dans les délais...

commentaires (4)

Il est très décevant de voir tous ses sinistre responsables politiques tombés d’accords lorsqu’il s’agit de saigner les libanais, leurs compatriotes, alors que leur rôle premier consiste à soulager leurs souffrances et à améliorer leur quotidien. Voilà pourquoi les libanais les rejettent et les mettent tous dans le même sac. D’où leur slogan, Kelloun Yéiné kelloun. Il n’y a pas un pour racheter l’autre.

Sissi zayyat

10 h 20, le 08 septembre 2023

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Commentaires (4)

  • Il est très décevant de voir tous ses sinistre responsables politiques tombés d’accords lorsqu’il s’agit de saigner les libanais, leurs compatriotes, alors que leur rôle premier consiste à soulager leurs souffrances et à améliorer leur quotidien. Voilà pourquoi les libanais les rejettent et les mettent tous dans le même sac. D’où leur slogan, Kelloun Yéiné kelloun. Il n’y a pas un pour racheter l’autre.

    Sissi zayyat

    10 h 20, le 08 septembre 2023

  • Assez de nous leurrer. Rendez nous notre argent ou faites une annonce solennelle de nous le rendre avec un taux d’intérêt à un minimum de 6%, et le remboursement garanti à la demande des déposants en dollars frais .

    Mohamed Melhem

    07 h 14, le 08 septembre 2023

  • Les singeries des nouveaux dirigeants de la BDL ne trompent personne. Tant que le taux "bancaire" de 15000 LL pour 1 $ est maintenu pour l'epargne des Libanais, tout le reste n'est que manoeuvres au service des corrompus et des crapules bancaires.

    Michel Trad

    18 h 42, le 07 septembre 2023

  • Commentaire en parallèle du contenu de l’article S’ils pouvaient… ces messieurs responsables politiques…un voeux pieux… introduire un peu de français dans le jargon social, économique, politique… n’oublions pas que plus de 50% des écoles privées de qualité sont francophones ( jesuites, frères sacre coeur, Mont la salle, nazareth, saint coeur etc… idem universités etc… juste pour ne pas oublier notre histoire francophone… notre langue parlée en société et dans de très nombreuses familles : la langue française. Déjà sous un prétexte X , ils ont supprimé le mot LIBAN des plaques minéralogiques des voitures… juste un exemple simple et mineur mais qui en dit long. Personne n’a pensé rétablir cette erreur de l’époque… ce sont ces petits gestes sans importance qui font en sorte que des générations nouvelles grandissent sur la base d’un nouveau lexique et langage… même « banque de la Méditerranée «  est devenue BANK MED… Banque du Liban et d’outre mer… personne ne connaît.. ah BLOM? Oui ;) bref… ceci aidera AUSSI. nos médias francophones comme l’OLJ à survivre… il a fallu que L’OLJ crée l’ORIENT TODAY pour pouvoir suivre et survivre …c’est malheureux de mon point de vue…enfin… Le visage du liban est AUSSI celui hérité de nos parents et grands-parents. Pas celui singé des pays arabes… notre « plus » vis à vis d’eux? C’était notre capacité à pratiquer ALLÈGREMENT les 3 langues. Et non les singer en parlant arabe et anglais exclusivement. ( et balbutier en français)

    LE FRANCOPHONE

    17 h 13, le 07 septembre 2023

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