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Diplofaouda


Dire que notre diplomatie a connu des jours meilleurs ne serait qu’une plate lapalissade : et encore aurait-on fait preuve d’indulgence en accordant à la politique étrangère d’un pays croulant sous les crises le mérite de continuer d’exister. De conserver quelque reste de consistance. De définir, à l’adresse de l’étranger comme des citoyens eux-mêmes, ce que veut exactement le Liban.


Cruellement significatif aura été, à cet égard, le test de jeudi, lors du renouvellement annuel du mandat de la Force intérimaire onusienne stationnée au Liban-Sud. Houspillé, harcelé, taraudé par le Hezbollah, le ministère des AE s’était, au départ, assigné un objectif qui tenait de la mission impossible. Ce plan A visait en effet à obtenir l’annulation de la clause, votée en 2022, qui accordait aux Casques bleus une totale liberté de mouvement sans autorisation préalable des autorités locales, la coordination entre les deux parties demeurant néanmoins de mise. Les négociateurs libanais en étaient évidemment pour leurs frais et se rabattaient volontiers, en guise de plan B, sur un projet de résolution préparé d’une main secourable par la France. Une fois revitaminé, boosté, revu à la hausse comme l’exigeaient les États-Unis, c’est ce texte qui était finalement adopté à une majorité de 13 voix et deux abstentions très remarquées.

Pour la Chine et la Russie, en effet, les vœux et préoccupations du Liban n’ont pas été suffisamment pris en compte. On ne le croirait guère pourtant, à entendre le chef du gouvernement d’expédition des affaires courantes, qui s’est félicité au contraire de la réaffirmation de cet élément-clé qu’est la coordination entre la Finul et le gouvernement de Beyrouth. La satisfaction de Nagib Mikati contraste fortement avec la colère du Hezbollah. Elle est même en dissonance avec la complainte qu’a débitée, avec des sanglots dans la voix, la représentante du Liban au Conseil de sécurité quand elle a évoqué le préjudice porté selon elle à la souveraineté du pays. Faudrait tout de même s’entendre ; parlant de coordination, c’est au sein même de l’exécutif que la coordination fait visiblement défaut.

Prodige du Liban, l’impensable cacophonie qui y règne n’arrive pas pour autant à faire de Beyrouth un désert diplomatique. Suivi de peu par le ministre iranien des AE, l’Américain Amos Hochstein vient d’y séjourner brièvement. Le conseiller en chef du président Biden pour la Sécurité énergétique ne manque guère lui-même de tonus : en l’espace de quelques heures, cet Israélien de naissance, ancien soldat de Tsahal, a rencontré, tels de vieux amis, plusieurs dirigeants, s’offrant en outre une virée touristique dans les temples de Baalbeck, sis en plein fief du Hezbollah. Mais surtout, l’habile artisan de la délimitation de notre frontière maritime avec Israël pourrait bien soudain lorgner un autre type de lauriers : pourquoi, en effet, comme il l’a laissé entendre, ne pas s’attaquer cette fois à l’inextricable écheveau de la frontière terrestre, ce baril de poudre qui menace d’exploser à tout moment ? Amphibie, tout-terrain, virtuose des forages en tout genre, la mécanique Hoschstein en viendrait-elle un jour, tant qu’on y est, à traiter de l’élection présidentielle libanaise ?


Pour l’heure, c’est le président de l’Assemblée qui persiste à se poser en suprême gestionnaire de la question. Sa dernière offre, qui est parfaitement dans le ton de la cour des miracles libanaise : un conclave de sept jours maximum réunissant, sous la coupole de l’Étoile, les chefs des divers blocs parlementaires ; à la suite de quoi, se dérouleraient, promis, juré, des sessions ouvertes aboutissant nécessairement à l’élection d’un chef de l’État. Flagrante et éminemment suspecte est la manœuvre d’extorsion, puisque les séances ininterrompues du scrutin présidentiel sont clairement prévues par la Constitution. Mais Nabih Berry n’en démordra jamais : aussi vrai que le Parlement est sa chose, c’est Sa Seigneurie qui interprète la loi à son gré.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Dire que notre diplomatie a connu des jours meilleurs ne serait qu’une plate lapalissade : et encore aurait-on fait preuve d’indulgence en accordant à la politique étrangère d’un pays croulant sous les crises le mérite de continuer d’exister. De conserver quelque reste de consistance. De définir, à l’adresse de l’étranger comme des citoyens eux-mêmes, ce que veut...