Une nouvelle attraction touristique s’est invitée sur les hauteurs de Baalbeck. À quelques centaines de mètres à vol d’oiseau du temple de Bacchus, un musée pas comme les autres a ouvert ses portes : le « musée du Jihad » du Hezbollah. Le lieu se veut symbolique, puisque c’est dans cette ville de la Békaa que le groupe armé a vu le jour en 1982, et c’est sur cette colline même que les premières manœuvres militaires du parti ont débuté.
Inauguré samedi dernier, l’édifice commémore la « seconde libération » du Liban, annoncée par Hassan Nasrallah, le secrétaire général du parti, lors de l'évacuation des derniers miliciens du groupe État islamique (EI) encore présents sur le territoire, dans le cadre d'un accord controversé qu’il avait chapeauté. « C’est notre histoire, notre courage. Désormais, la seconde libération est mise en avant… Nous attendions ce musée depuis bien longtemps », se réjouit Ahlam, qui vit à Baalbeck et espère que ses six enfants suivront le même « chemin » que leur père, combattant au sein de la milice.
Le nouveau musée n’a pas encore l’envergure de celui de Mlita avec ses bunkers et ses souterrains, ou ses vidéos de propagande diffusées en boucle dans une salle de projection. Celui-là, situé au cœur du Liban-Sud, avait été inauguré dix ans après le retrait israélien en mai 2000. Dès l’entrée, une banderole installée sur une barricade avec le portrait du « sayyed » souhaite la bienvenue. Des canons bordent la route qui mène vers l’une des artères principales du lieu. Dans un fortin bardé d’un filet camouflage, la « frise chronologique de la mémoire de la Résistance » accueille les visiteurs, tout comme les portraits de « martyrs » et de personnages-clés, à l’instar de Imad Moughniyé – ancien chef des opérations militaires du Hezbollah assassiné en 2008, à Damas.
À l'instar de la vidéo de Mlita, la frise glorifie la « Résistance » en revenant sur la fondation du parti, ses différents attentats-suicides, mais aussi sur la libération du Sud, et la « grande victoire divine » (contre Israël) de 2006. Avec toutefois une mise à jour : l'intervention militaire en Syrie qui a débuté en 2013 pour soutenir le régime Assad et assurer la voie terrestre le liant à l’Iran. Ici, l’engagement militaire est glorifié et présentée comme une « guerre orchestrée par les américains et les sionistes pour faire plier la résistance », raconte le guide. « L’histoire du Liban indépendant a commencé avec la fondation du Hezbollah…C’est grâce au sayyed et à la résistance que je peux dire que je suis libanaise », va jusqu’à lâcher Mirvat, tout émue, après avoir fait la visite.
« Le butin de guerre »
À l'extérieur, le musée a des airs de camp militaire. Chars, blindés, missiles, défense antiaérienne, drones kamikazes, voitures tout-terrain… La centaine de véhicules et pièces militaires exposés sont des « butins » obtenus en partie lors de l'occupation israélienne, puis lors de leur intervention militaire en Syrie. « Nous avons pris certaines armes aux mains des « takfiris », et d’autres ont été offerts par le régime de Damas », raconte Haj Hamzi, l’un des nombreux anciens combattants reconvertis en guides touristiques. « Nous les avons fait venir en une nuit… nous pouvons les sortir aussi rapidement si besoin », se vante-t-il avant de dévoiler son engin préféré. Le « Sam 6 », un système d'arme antiaérien équipé de missiles sol-air. « Nous avons bien mieux, ici l’on ne montre que les vestiges », fanfaronne Djibril, son acolyte, à l’heure où une large partie de l’opinion publique appelle au retrait des armes du parti chiite, suite à l’épisode d’affrontement à Kahalé, le 9 août courant.
Mais plutôt qu’une provocation volontaire à l’égard de ces derniers, ce nouvel étalage de la puissance de feu du parti relèverait d’une stratégie « culturelle » plus large du Hezbollah, selon certains analystes. «Il s’agit de réécrire l’histoire des chiites libanais », explique Mohannad Hage Ali, chercheur au Carnegie Middle East Center. « Les musées sont là pour présenter l'histoire commune d’une nation. Alors que le Liban est à peine capable de préserver le musée national, l'organisation étend son réseau axé sur sa double identité interconnectée, la résistance et l'islam khomeyniste », poursuit-il.
Avec l’accord officel des autorités ? « Lorsque la résistance a été fondée, nous n’avons demandé l’autorisation de personne », répond Haj Hamzi, en riant. Contacté, le ministre du Tourisme a expliqué que ce lieu relève de la prérogative du ministère de la Culture car « c’est un musée ». Une affirmation contestée auprès de L’OLJ par son collègue concerné, Mohammad Mortada, proche du tandem chiite, qui lui renvoie à son tour la balle, au prétexte qu’il s’agit d’« une exposition, car il ne s’agit pas de ruines mais d’armes ». Avant d'ajouter, à propos de l'appellation employée par son allié politique : « Nous allons leur demander d’utiliser le terme d’exposition… ».
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Was this music built on public land or private land? The Lebanese people should demand that Hezbollah and Iran compensate us for the loss of lives, the handicapped, victims of Hezbollah's wars in Lebanon, Syria, and faraway lands, for the destruction from these wars notably in summer 2006, May 7, 2008, the victims of extrajudicial violence perpetrated by their armed militia against politicians, journalists, activists, and civilans, and for the losses in economic activity and investments, estimated in $billions. Hezbollah and Iran have caused more damage to the Lebanese people and society than Israel and Syria combined. Hezbollah leaders must be prosecuted for their many crimes.
Mireille Kang
05 h 43, le 01 septembre 2023