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Culture - Rentrée littéraire

Comment gagner le Goncourt ? Pour Jean Rouaud et d’autres, par accident

C’est presque par accident, comme d’autres avant lui, que Jean Rouaud raconte avoir remporté le prix Goncourt en 1990, dans « Comédie d’automne », un récit qui vient de sortir aux éditions Grasset.

Comment gagner le Goncourt ? Pour Jean Rouaud et d’autres, par accident

Jean Rouaud. Bertrand Guay/ AFP

Comédie d’automne (éditions Grasset) est un livre d’un genre déjà connu, mais rare : le récit d’un Goncourt. Peu de lauréats du plus prestigieux des prix littéraires sont revenus sur cet épisode. Mais tous ces récits tirent peu ou prou la même conclusion : on signe un simple livre, puis l’affaire prend des proportions hors de contrôle.


« Comédie d’automne » de Jean Rouaud vient de sortir aux éditions Grasset. Photo DR

Au summum de la réticence, Paul Colin, Goncourt 1950, quand on lui demanda sur quoi porterait son deuxième livre, répondit : « Ah bon ! il faut en écrire un autre ? » Il se fit viticulteur et abandonna la littérature après deux romans.

Jean-Louis Bory, Goncourt 1945, évoque dans Un prix d’excellence (1986) sa rencontre avec Colette, pour remercier la présidente du jury qui l’avait couronné pour Mon village à l’heure allemande. Cette légende de la littérature reçoit avec faste un inconnu de 25 ans qui veut la remercier. Il se suicidera, dépressif, à 59 ans.

« J’ignorais tout des usages »

Jean Carrière, Goncourt 1972, narre la suite de catastrophes après le succès fou d’un roman qu’il trouvait moyennement réussi, L’épervier de Maheux : mort du père, maladie de l’épouse puis divorce, enfin dépression. Cela s’appelle Le prix d’un Goncourt (1987).

Pascal Lainé, Goncourt 1974, dénonce le cirque médiatique de la rentrée littéraire dans Sacré Goncourt ! (2000). La dentellière, discrètement paru un jour de février, n’était en rien destiné aux prix d’automne et a occulté tout le reste de son œuvre.

Enfin, il y a le cas particulier de Romain Gary qui remporte en 1975, avec La vie devant soi, le Goncourt... une seconde fois, sous un hétéronyme. Dans Vie et mort d’Émile Ajar (1981), paru après son suicide, il ricane de cette consécration dont il ne voulait pas, au crépuscule d’une vie tumultueuse. « J’ignorais tout des usages du milieu littéraire », écrit à l’inverse Jean Rouaud, en parlant de son premier roman en 1990, Les champs d’honneur. Ce récit familial est considéré, aujourd’hui encore, comme un coup de maître.

À 37 ans, il tenait dans le 19e arrondissement de Paris un kiosque à journaux, profession de « faible prestige ». Et il donnait du crédit à l’estimation des éditions de Minuit selon lesquelles « nous ne vendrions que 350 exemplaires ». L’attachée de presse recommandait l’autre roman publié par Minuit en même temps, « ce que j’ignorais bien sûr ». La suite est un enchaînement de circonstances heureuses, retracé avec humour. « Un récit irrésistible », d’après L’Obs.

« Astéroïde médiatique »

Le magazine Lire fait cet été-là un dossier sur les autres professions des écrivains. Le modeste kiosquier s’y retrouve « avant même la parution du livre » et ainsi « attire l’attention des critiques ». La presse se montre « enthousiaste », si bien que « les journalistes défilaient au kiosque », se souvient l’auteur. Bernard Rapp invite Jean Rouaud pour la première de Caractères, émission littéraire qui succède à Apostrophes de Bernard Pivot. La machine s’est emballée et rien ne l’arrêtera. Des gens reconnaissent l’écrivain dans la rue. Ses rencontres en librairie attirent les foules. Il pose devant Robert Doisneau. Le président du jury du Goncourt, Hervé Bazin, lui écrit pour demander « très officiellement d’envoyer le livre à toute son équipe » qui ne l’avait pas lu, excepté un juré. L’épilogue, « cet astéroïde médiatique qui me tombait sur la tête », est de ceux que seuls offrent les prix littéraires français – mélange d’intrigues obscures, de coups de Jarnac et de bal des hypocrites. Jean Rouaud, 33 ans après, livre un scoop : si l’académie Goncourt a annoncé s’être décidée au second tour, « en réalité (...) il n’en avait fallu qu’un seul ». Pour atténuer l’affront au vaincu.

Hugues HONORÉ/AFP

Comédie d’automne (éditions Grasset) est un livre d’un genre déjà connu, mais rare : le récit d’un Goncourt. Peu de lauréats du plus prestigieux des prix littéraires sont revenus sur cet épisode. Mais tous ces récits tirent peu ou prou la même conclusion : on signe un simple livre, puis l’affaire prend des proportions hors de contrôle.« Comédie d’automne » de...

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