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Lifestyle - Mode

Avec la plateforme Kheit Modiste, Razan Shazbek révolutionne l’artisanat de la retouche

C’est l’histoire d’une entrepreneuse dont le pantalon se déchire et qui se met en quête d’un retoucheur, jusqu’à finir par créer une plateforme pour mettre en contact clients et artisans. Kheit Modiste élargit désormais son espace aux contacts entre créateurs et couturiers.

Avec la plateforme Kheit Modiste, Razan Shazbek révolutionne l’artisanat de la retouche

Razan Shazbek, créatrice de Kheit Modiste. Photo DR

À notre époque de mode rapide et du tout-jetable, on a tendance à négliger l’importance de ces petits métiers sans lesquels l’idéal de durabilité serait totalement vain. À moins de savoir manier la machine à coudre, raccourcir un ourlet, rétrécir un vêtement ou réparer ses chaussures soi-même, il arrive un moment où retoucheurs et cordonniers se révèlent aussi indispensables qu’une bouée de secours. Mais comment et où les trouver  ? C’est en cherchant un retoucheur qu’est venue à Razan Shazbeck l’idée de créer une application qui mettrait en contact ces artisans avec une clientèle qui a besoin de leurs services et qu’en retour ils espèrent.

Cette plateforme, Kheit Modiste, qui n’a rien à voir avec la confection de chapeaux – mais on ne sait jamais –, appelle tous les artisans du vêtement, mais aussi les créateurs de mode, à s’y inscrire pour produire cette synergie à travers laquelle chacun trouve le service qu’il demande. Pour Razan Shazbek qui cherchait depuis les événements de 2019 et la dévaluation simultanée de la livre libanaise un moyen de servir ses compatriotes désemparés, la plupart ayant perdu emploi et clientèle, plusieurs idées s’ébauchent sans prendre forme. « Nous étions plongés dans une vie typique avec des emplois stables et un mode de vie marqué par des réunions joyeuses et des activités engageantes », confie-t-elle. Le basculement dans l’incertitude la rend plus réceptive aux signes qui pourraient la guider vers quelque mission. « Le premier signe est apparu alors que j’avais quelques paires de chaussures à réparer », raconte-t-elle. « Alors que je me promenais dans la rue Hamra, mes yeux se sont posés sur une petite échoppe vieillissante, nichée dans un endroit peu fréquenté du quartier. La devanture était ornée de chaussures usées. Quelques jours plus tard, j’y suis revenue avec mes chaussures pour les faire réparer. À l’intérieur de l’échoppe, un homme âgé s’occupait de réparer ces chaussures. Je lui ai confié quatre paires et il m’a proposé 40 000 LL pour le travail, étant donné que le taux du dollar avait dépassé la barre des 10 000 LL à ce moment-là. En réfléchissant à cet incident, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que le prix semblait injuste par rapport à l’effort qu’avaient nécessité ces réparations », poursuit l’entrepreneuse. « Le second signe s’est manifesté au milieu de mon emploi du temps chargé. Un jour, au travail, mon pantalon se déchire, et j’y tenais particulièrement. Il restera dans ma voiture plus de quatre mois, en attendant d’aller chez un retoucheur pour le faire réparer. Dans ma quête de recommandations pour un bon retoucheur, je recevais des réponses me suggérant des artisans situés soit dans leur ville natale, soit dans des endroits éloignés. Finalement, on m’a suggéré un retoucheur dans la région de Beyrouth. Mais il était situé dans un quartier inconnu et reculé, ce qui rendait sa localisation presque impossible. Malgré tout, je me suis rendue à son atelier », poursuit Razan Shazbek.


L’objectif est de réunir des créateurs de mode de différents créneaux. Photo DR

Soutenir les petites entreprises locales de confection

À la suite de ces incidents somme toute banals, l’entrepreneuse prend conscience que deux ans auparavant, elle s’enthousiasmait pour des concepts qui n’avaient profité à personne. « Cette prise de conscience m’a incitée à faire le lien entre ces incidents apparemment isolés et à reconnaître qu’ils me poussaient à lancer un projet susceptible d’aider réellement les personnes dans le besoin et de leur apporter la reconnaissance qu’elles méritent. Je n’avais pas de feuille de route et je n’ai pas pris le temps d’évaluer les risques potentiels. Ma force motrice s’est transformée en une mission de soutien aux petites entreprises locales de confection. Il me semblait profondément injuste que des métiers aussi riches disparaissent. Après tout, nous avons tous rencontré des situations où nous avons demandé autour de nous un retoucheur compétent, et la réponse commune nous renvoie souvent aux mères ou aux grands-mères qui, le plus souvent, connaissent quelqu’un d’assez éloigné géographiquement », détaille-t-elle.

Malgré des moyens limités qu’elle engage sans hésiter dans la réalisation de ce projet non lucratif, elle se dit chanceuse de bénéficier du soutien d’amis qui la guident en la mettant en relation avec les bons contacts. C’est ainsi que l’application Kheit Modiste voit le jour, renforcée par l’enthousiasme qu’elle rencontre auprès des artisans. « Au fil de mes promenades et conversations avec les retoucheurs sur les défis auxquels ils sont confrontés, j’ai observé une étincelle d’enthousiasme dans leurs yeux lorsque j’ai partagé le concept d’une plateforme qui pourrait leur apporter plus de clients sans leur demander d’effort supplémentaire », raconte-t-elle, ajoutant : « Cet accueil m’a donné une motivation encore plus grande pour poursuivre ce projet, malgré les difficultés, le stress, le budget serré et autres obstacles que j’ai rencontrés en cours de route. »

Le concept évoluera vers une vision qui consiste à réunir aussi des créateurs de mode de différents créneaux. « Il est devenu évident que les créateurs libanais pourraient bénéficier d’une impulsion similaire, leur permettant d’étendre leur portée à travers le pays et même à l’échelle mondiale », songe l’entrepreneuse. À l’arrivée sur la plateforme Kheit Modiste, les gens pourraient non seulement trouver des tailleurs pour réparer et modifier leurs vêtements, mais aussi des créateurs de mode pour créer leur propre style. « En ce moment, malgré les défis que j’ai relevés volontiers, j’affirme avec confiance que le lancement de Kheit Modiste n’est qu’un début. J’attends avec impatience le parcours suivant, car je suis déterminée à donner à ces artisans et créateurs les moyens de s’assurer une clientèle plus large, et à faciliter l’expansion des créateurs de mode locaux au-delà des limites de notre modeste paysage libanais », conclut Razan Shazbek.

À notre époque de mode rapide et du tout-jetable, on a tendance à négliger l’importance de ces petits métiers sans lesquels l’idéal de durabilité serait totalement vain. À moins de savoir manier la machine à coudre, raccourcir un ourlet, rétrécir un vêtement ou réparer ses chaussures soi-même, il arrive un moment où retoucheurs et cordonniers se révèlent aussi indispensables...
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