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Soins récréatifs


Dans le jargon médical comme d’ailleurs dans le langage courant, un patient n’est pas, bien sûr, un personnage placide, flegmatique, capable d’attendre et voir venir. Ce mot dérivé du latin, nous expliquent étymologistes et linguistes, désigne plutôt quelqu’un qui endure, qui souffre, qui requiert des soins ou qui suit déjà un traitement.

Cela étant, à laquelle de ces définitions pourrait diable répondre ce grand malade qu’est le Liban actuel ? Sa population a beau endurer mille calamités résultant de l’incurie et de la corruption de ses dirigeants, elle fait preuve d’une stupéfiante endurance face à ses épreuves : une endurance confinant même à l’apathie, mais que les plus indulgents se plaisent à parer du beau mot de résilience. Tel le biblique Job à la légendaire patience, les Libanais se laissent bien aller parfois à protester avec véhémence de leur misérable condition ; mais encore ?

Passons à ces soins intensifs que commande le grave état de santé de notre pays. Encore faut-il que le malade lui-même ou plutôt ceux qui en ont la tutelle se prêtent au traitement. Ainsi, et près de quatre ans après l’effondrement financier, le Fonds monétaire international attend toujours ces réformes structurelles exigées en échange de son aide d’urgence, et auxquelles se refuse âprement la faune politique vissée au pouvoir. Nombreux auront été par ailleurs les gouvernements qui, à des degrés divers de sérieux et de sincère sollicitude, sont accourus à notre chevet. De ces thérapeutes étrangers, le plus constant reste naturellement, indéniablement, la France, à laquelle on doit en effet la proclamation du Grand Liban. Mais de là où s’imposait un remède de cheval, n’est-ce pas plutôt des activités récréatives que l’on voit maintenant prescrire au souffrant ?

Passé le remue-ménage que provoqua le soutien à la candidature présidentielle avancée par le Hezbollah, c’est à une entreprise non moins aléatoire qu’œuvre maintenant la diplomatie française : à savoir la tenue d’un dialogue interlibanais pourtant condamné à l’échec par l’intransigeance de la milice, et qui ne serait d’ailleurs envisageable que s’il faisait suite à l’élection régulière d’un chef de l’État. Pour corser l’affaire, voilà que le camp souverainiste réserve un accueil tout aussi glacé au questionnaire qu’a adressé à chaque député libanais l’émissaire présidentiel Jean-Yves Le Drian, attendu bientôt à Beyrouth. Ce texte ne renferme que deux interrogations ; mais un peu à la manière du fameux questionnaire de Proust, il invite nos élus à définir les qualités qui devraient être celles du nouveau président, et aussi la nature de la mission qui lui incombe …

Pour animer la revue politique de la semaine, on aura eu droit aussi à l’intense battage publicitaire fait autour de l’apparition sur nos eaux de la plateforme chargée d’explorer nos gisements d’hydrocarbures offshore. Oubliant qu’il y a loin (près d’une décennie) de l’exploration à une exploitation rentable, la propagande officielle ne s’est évidemment pas privée de faire miroiter une fois de plus aux citoyens la perspective d’une prochaine prospérité. Mettant la charrue devant les bœufs, on a même tenté de faire voter à ce stade, au nom de la législation de nécessité, la création du fonds souverain appelé à gérer la future manne pétrolière et gazière. C’était peine perdue en raison d’un salutaire défaut de quorum, ce qui poussait le chef du gouvernement d’expédition des affaires courantes à menacer de se retirer carrément … des affaires.

Moins hypothétiques semblent être les promesses dont est porteur le rapport du cabinet Alvarez & Marsal sur les comptes de la Banque du Liban. Ce document-fleuve est certes accablant pour l’ancien gouverneur, qu’il s’agisse de ses ingénieries financières, de ses bilans, de la transparence de sa gestion, de ses transactions personnelles ou de ses dépenses somptuaires. L’ouvrage n’épargne guère cependant, pour leur soumission aux décisions de Riad Salamé, les autres membres du conseil central : notamment les quatre vice-gouverneurs que l’on retrouve aujourd’hui aux commandes. Mais surtout, il jette une lumière crue sur les départements qui ont le plus bénéficié des avances et largesses de l’institut d’émission : le plus choyé étant, comme on pouvait s’en douter, ce gouffre sans fond qu’est le secteur de l’électricité.

Mieux encore, il ne s’agit là que d’un rapport préliminaire. Vivement donc, la suite du sidérant feuilleton ; particulièrement attendue est la divulgation, noir sur blanc, du sinistre casting.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Dans le jargon médical comme d’ailleurs dans le langage courant, un patient n’est pas, bien sûr, un personnage placide, flegmatique, capable d’attendre et voir venir. Ce mot dérivé du latin, nous expliquent étymologistes et linguistes, désigne plutôt quelqu’un qui endure, qui souffre, qui requiert des soins ou qui suit déjà un traitement.
Cela étant, à laquelle de ces...