L'envoyé spécial de la France au Liban, Jean-Yves Le Drian, a transmis mardi une lettre aux députés libanais contenant deux questions concernant les "projets prioritaires" sur lesquels le prochain président du pays devrait se concentrer et les "qualités et compétences" que le futur chef de l'Etat devrait posséder pour mettre en œuvre ces projets. Cette lettre intervient plus de neuf mois après le début de la vacance présidentielle qui a suivi la fin du mandat de Michel Aoun, le 31 octobre dernier.
Une source diplomatique française a déclaré mercredi à L'Orient-Le Jour, sous couvert d'anonymat, que la lettre de M. Le Drian avait été envoyée à chaque chef de groupe parlementaire ainsi qu'aux députés indépendants.
M. Le Drian s'était rendu à Beyrouth fin juillet et avait proposé aux acteurs politiques libanais de participer à un dialogue informel en septembre, afin de trouver une solution à l'impasse politique concernant l'élection d'un nouveau président.
Mercredi, les forces de l'opposition au Parlement ont publié une déclaration commune soulignant la "futilité de toute formule de dialogue avec le Hezbollah et ses alliés". Les députés des Kataëb et des Forces libanaises, ainsi que certains députés indépendants et des Forces du changement font partie des signataires de cette déclaration.
Il s'agit de la première réaction officielle des députés de l'opposition à l'appel au dialogue en septembre, lancé par M. Le Drian.
Le Hezbollah et le mouvement Amal, dirigé par le président du Parlement Nabih Berry, soutiennent la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, tandis que le camp de l'opposition soutient l'ancien ministre des Finances et actuel haut fonctionnaire du Fonds monétaire international (FMI), Jihad Azour.
"Climat de confiance"
La dernière session parlementaire visant à désigner un nouveau président s'est tenue le 14 juin. Ni Sleiman Frangié ni Jihad Azour n'ont réussi à obtenir suffisamment de votes pour être élus. Nabih Berry n'a pas fixé de date pour une nouvelle session électorale.
Dans sa lettre, M. Le Drian souligne que le dialogue vise à "créer un climat de confiance et permettre au Parlement de se réunir dans la foulée avec les conditions favorables à la tenue d'un scrutin ouvert (à séances successives, ndlr) pour sortir rapidement de cette crise".
La lettre de M. Le Drian pose deux questions aux députés :
- "Quelles sont, selon votre groupe politique, les chantiers prioritaires relevant du mandat du président pour les six prochaines années ?"
- "Quelles sont les qualités et les compétences dont devra disposer le futur président de la République pour les relever ?".
Jean-Yves Le Drian a demandé aux responsables de soumettre une réponse écrite à l'ambassade de France au Liban "avant le 31 août". Il a ajouté que "des consultations bilatérales" seront menées avant le dialogue et a exprimé son souhait de rencontrer les députés dans ce cadre. Il a par ailleurs espéré que les députés "saisiront cette opportunité".
Selon la source diplomatique française précitée, M. Le Drian sera de retour au Liban au début du mois de septembre et tiendra des réunions bilatérales avec les acteurs politiques, dans l'espoir d'organiser par la suite une réunion impliquant toutes les parties prenantes.
"Futilité" du dialogue
Dans leur déclaration publiée mercredi, les députés de l'opposition ont déclaré que "le temps des prises de décision est venu et qu'il n'y a plus de temps à perdre pour la mise en place d'arrangements circonstanciels qui maintiendront le contrôle du Hezbollah sur les trois présidences [la présidence de la République, la présidence du Conseil des ministres et celle du Parlement] et sur le pays".
Le communiqué annonce également que les députés se sont mis d'accord sur un "cadre politique" fondé sur la recherche de moyens pour "consacrer la primauté de la Constitution, préserver les libertés sur tout le territoire libanais, limiter les armes aux forces militaires légitimes, trouver les moyens de parvenir à une politique étrangère basée sur la neutralité pour protéger le Liban, et essayer de sauver et de réformer le système judiciaire, l'administration, l'économie et la situation financière".
Le texte salue par ailleurs l'initiative de M. Le Drian mais il souligne, en outre, la "futilité de toute formule de dialogue avec le Hezbollah et ses alliés" et met en garde contre "l'imposition d'un président de la République qui soit une extension de l'autorité du Hezbollah".
"La seule forme de négociation acceptable, et dans une période limitée, est celle qui sera menée par le prochain président de la République autour du sort des armes illégales et de la limitation du maintien de la sécurité extérieure et intérieure de l'Etat à l'armée et aux services de sécurité. Quant à la tentative d'obliger le (futur) président de la République (à prendre) des engagements politiques préalables à son élection, elle constitue une violation de la Constitution", ont encore déclaré les députés.
Le communiqué revient également sur "le contenu de la déclaration de Doha, émise par le groupe des cinq (France, Egypte, Arabie Saoudite, Etats-Unis et Qatar)", et qui précise les spécificités du futur président qui sont "compatibles avec les exigences de l'opposition".
Les cinq s'étaient réunis à Doha le 17 juillet dernier pour discuter de la vacance présidentielle au Liban.
En outre, les groupes d'opposition ont affirmé leur "boycott permanent de toute session législative, en raison de l'inconstitutionnalité de telles sessions avant l'élection du président". Ils ont également appelé le "gouvernement sortant à cesser de violer la Constitution" et à respecter les limites d'un gouvernement d'expédition des affaires courantes.
Mercredi, le député des Forces libanaises Fadi Karam a annoncé que le bloc parlementaire de la "République forte" ne participera pas à la session législative de jeudi.
Inutile de fixer une date. Laissons courir les choses, ca finira en guerre civile bis repetitas, et on s'en prendra encore une fois pour cinquante ans. Quelle misère.
15 h 08, le 17 août 2023