
Le violoniste Mario Rahi et l'architecte Georges Béchara organisent un concert hors les murs, dans le beau cadre de Beit Béchara à Feytroun. Photos DR
Dans un Liban ravagé par une crise politique, sociale et économique, Georges Béchara et Mario Rahi ne cesseront de lutter contre l’obscurantisme et continueront de libérer l’art des entraves des salles de concert. Ensemble, ils montent un projet artistique et musical : un concert de musique classique « à la libanaise », comme ils le désignent, et hors les murs, dans le beau cadre de Beit Béchara à Feytroun.
À l’origine, une pizza. C’est, en effet, autour de cette spécialité italienne que Mario Rahi et Georges Béchara discutent de musique, d’art et de résistance libanaise. Georges, architecte amateur de musique classique et « ami des arts », et Mario, grand violoniste, tous les deux fervents résistants contre tous les périls qui menacent le Liban, cherchent à créer des noyaux culturels afin de célébrer l’art sous toutes ses formes. Dans le calme de la pizzeria, l’énergie monte et les idées fusent, les propositions aussi. Et enfin, entre deux parts de fromage garni de pepperoni, la décision est prise. Ensemble, ils monteront un projet artistique et musical : un concert de musique classique « à la libanaise ». Le concept est simple et direct : sortir le genre des salles de concert élitistes, des murs étouffants et clivants, pour le rendre accessible à tous et à toutes. Mario regroupera un orchestre et Georges s’occupera de l’organisation et du cocktail dînatoire. « Dans sa simplicité et peut-être ses défauts, le projet est ainsi né », racontent les organisateurs.
« Le Libanais a toujours ce réflexe de trouver un substitut aux choses les plus simples dans la vie, on a même un substitut à l’État. Et c’est cette “liberté chaotique”, du fait de ne pas avoir de loi, de systèmes, qu’on peut tout faire, qu’on peut créer ce que l’on veut », affirme Georges Béchara qui croit dur comme fer que l’art est devenu une manière de sortir le peuple libanais du climat morose dans lequel il s’enlise avec la crise économique depuis 2019.
Il estime que ce sont surtout les jeunes qui se sont emparés de l’art pour exprimer leur frustration vis-à-vis de leurs conditions de vie. Dans la rue, chez eux, en boîte de nuit, les jeunes Libanais chantent, dansent, peignent sur les murs. La ville est devenue un laboratoire d’exploration, d’expression artistique et surtout de résistance culturelle. Et c’est de ce constat là que s’inspirent Georges et Mario. « L’art existe partout au Liban, c’est le chaos, alors les gens ‘font de l’art’ partout, quand ils veulent et où ils veulent. Nous avons donc voulu reproduire ce rapport simple et brut à l’art », indique l’architecte.
Ce sont les Quatre Saisons de Vivaldi, une œuvre descriptive et accessible, que Mario Rahi inscrit au programme de la soirée. « Nous voulions désacraliser le côté sérieux et inaccessible de la musique classique », insiste le violoniste qui sera entouré de dix musiciens libanais. « La musique classique évoque toujours des images, il faut cesser de l’intellectualiser, elle a toujours une histoire à raconter et il faut juste qu’elle soit expliquée aux spectateurs ».
Tout au long du concert, Mario Rahi interagira avec son public : il expliquera les images évoquées dans le concerto. « Vivaldi a cherché à reproduire les sons les plus banals de la nature, des bourdonnements des abeilles aux galops de troupeaux, c’est simple. Il faut juste que ces images soient véhiculées aux spectateurs ». Après le concert, un cocktail dînatoire, préparé par Georges Béchara, sera servi.
Pour ces deux amis, « l’art est un laboratoire » et ce concert est « une expérience scientifique pour bouleverser le rapport à l’art ». Quel meilleur endroit pour jouer les Quatre Saisons de Vivaldi que dans un jardin, entouré par la nature ?
Ce concert s’inscrit dans un projet plus ambitieux. « Une patrie sans artistes est une patrie mourante, et c’est un vrai danger. Mario et moi voulions avant tout soutenir nos artistes, les artistes libanais qui ont décidé de rester ici et qui résistent au quotidien à la crise », confie Georges Béchara. Ce projet n’est que le début pour ce duo. « Cette explosion musicale va bouger, ce n’est plus l’emplacement qui compte, il s’agit de trouver n’importe quel endroit et d’en faire un espace culturel. On ne va jamais s’arrêter, on va jouer dans les rues, dans les maisons, dans les bâtiments abandonnés », s’écrie Georges Béchara. Ainsi soit-il...
Le 11 août, à partir de 19h, à Beit Béchara, Feytroun. Réservations chez Virgin Ticketing Box Office.
Joli !
01 h 52, le 09 août 2023