Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur le sentiment de patriotisme chez la jeunesse libanaise, se demandant pourquoi celle-ci ne semble pas porter le même attachement envers son pays que les générations précédentes. Une question qui nous amène souvent à remettre en question notre propre choix de quitter le Liban à la recherche de nouvelles opportunités, de cultures différentes, d’une nouvelle citoyenneté et d’un environnement social renouvelé.
Les réponses fournies par la plupart des jeunes sont concordantes : « Le Liban d’aujourd’hui ne me ressemble plus. » « Il ne me représente plus. » « Je ne me retrouve plus dans ce pays. »
En effet, le Liban contemporain est marqué par des problématiques inquiétantes. Un Liban où l’éducation et le talent ne sont plus récompensés. Un Liban qui condamne de nombreux jeunes diplômés au chômage malgré leurs longues années d’études. Un Liban qui persiste à rémunérer en livres libanaises alors que le reste du pays est dollarisé. Un Liban qui restreint des tenues vestimentaires sur certaines plages publiques en raison de considérations religieuses. Un Liban étouffé par un afflux massif de réfugiés ne gardant plus de places aux locaux. Un climat de liberté d’expression mis à mal, avec une condamnation de journalistes pour avoir exprimé leurs opinions. La question reste posée : est-ce le même Liban que nous avons connu ?
Cette nostalgie pour un Liban d’antan, désormais éclipsé par des réalités difficiles et traumatisantes, est renforcée par les témoignages poignants de nos proches. Des amis résidant à Paris manifestent leur impatience de retourner dans leur pays d’origine par crainte de l’insécurité. En effet, le Liban a bouleversé de nombreux jeunes, laissant des cicatrices profondes lors de la double explosion au port de Beyrouth. « Nous avons tous perdu un proche ou un membre de famille, s’exprime la jeunesse libanaise ; n’oublions pas non plus nos amis touchés par des handicaps ayant fui à l’étranger pour se soigner. »
L’après-crise a profondément transformé la société libanaise, soulevant des questions concernant sa structure même. Assiste-t-on à une substitution progressive de la classe moyenne ? Qui sont ces nouveaux acteurs qui ont tiré profit de la crise et quel rôle jouent-ils aujourd’hui dans la gouvernance du pays ? La démocratie a-t-elle été affectée par ces changements ? Sommes-nous contraints de nous politiser davantage pour coexister avec cette nouvelle classe émergente ? La crise, bien qu’ayant entraîné des répercussions déconcertantes et douloureuses, a également eu un impact sur les plus démunis. Cependant, il est important de souligner que cette situation, bien qu’elle n’évoque pas une affiliation idéologique communiste, ne doit pas être considérée comme idéale ou équitable. Il est indéniable que certains projets, tels que Sayrafa, et certains acteurs, comme les changeurs, ont tiré profit de cette période de crise. Cependant, aujourd’hui, ils se retrouvent dans une situation similaire à celle des individus ayant consacré leur vie au travail et aux études pour atteindre un certain statut social. Cette réalité soulève des interrogations sur la répartition des richesses et l’accroissement des disparités sociales au sein du pays.
Le débat sur le retour au Liban est légitime pour ceux qui ont quitté le pays en raison des difficultés économiques et sociales rencontrées. La question se pose alors de savoir pourquoi revenir dans un pays qui semble avoir négligé les efforts déployés à l’étranger et dilapidé l’argent durement gagné. Toutefois, il est fondamental de reconnaître que le Liban ne se résume pas à sa gouvernance actuelle. Il incarne une communauté vivante et une identité culturelle qui méritent d’être protégées et valorisées.
Le Liban a, malheureusement, porté préjudice à sa jeunesse en étant injuste envers elle. Dans ces conditions, il est naturel de se demander pourquoi celle-ci devrait lui accorder un traitement plus favorable.
Pourquoi quitter le pays ?
Tout simplement parce que le Liban nous a « victimisés ». Et il est temps d’aller de l’avant.
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Vivre au Liban est parfois "mission impossible ". On comprend les jeunes. On a fait la même chose à leur âge. Ceci dit, le Libanais a le départ trop facile. C'est une tradition qui n'est pas nécessairement la meilleure.
09 h 52, le 02 août 2023