Le cheikh Abdellatif Deriane semble vouloir passer à la vitesse supérieure. Huit mois après la fin du mandat de Michel Aoun à la tête de l’État, le mufti de la République (plus haute autorité religieuse sunnite du pays) commence à manifester son mécontentement de voir les députés de la communauté (orpheline de leadership depuis le retrait de Saad Hariri de la vie politique, en janvier 2022) profondément divisés autour d’une échéance cruciale qui devrait se tenir dans un contexte politico-communautaire tendu marqué par des appels à un changement du système politique en vigueur. Comment donc sortir de l’impasse ? Le mufti ne trouve qu’une seule réponse : le dialogue. Il commencera donc par parrainer une table ronde qui devrait regrouper les parlementaires de la communauté autour d’un dîner qui pourrait se tenir mercredi soir au domicile de l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, Walid Boukhari, selon les informations de L’Orient-Le Jour. Une façon pour Riyad d’affirmer son intérêt pour le dossier libanais, malgré les spéculations qui suggèrent le contraire mais aussi pour Dar el-Fatwa de rappeler son alignement à l'approche saoudienne du dossier présidentiel.
« La majorité des parlementaires sunnites sera conviée à ce dîner parce que le mufti veut les exhorter à unifier leurs rangs, afin de pouvoir avoir leur mot à dire dans le choix du futur chef de l’État », indique un député qui a souhaité garder l’anonymat. Selon lui, les discussions porteront sur plusieurs dossiers d’actualité, notamment la présidentielle et les efforts déployés par le groupe des Cinq pour aider le Liban à sortir de l’impasse. Une référence aux États-Unis, à la France, à l’Arabie saoudite, à l’Égypte et au Qatar, dont des représentants se sont réunis à Doha le 17 juillet pour discuter du dossier libanais. Pour sa première visite officielle après cette réunion, Walid Boukhari a d’ailleurs soigneusement choisi de se rendre à Dar el-Fatwa, vendredi dernier, pour un entretien avec le cheikh Deriane (qui s’était lui-même rendu en Arabie saoudite en juin dernier pour la fête de l'Adha). Selon un communiqué publié à l’issue de la réunion par le bureau de presse de Dar el-Fatwa, les deux hommes se sont félicités du « rôle que joue le groupe des cinq pour aider le Liban et trouver le moyen d’élire un nouveau président de la République (…) ». Toujours selon le communiqué, le cheikh Deriane et l’ambassadeur Boukhari ont insisté sur le vivre-ensemble et la préservation de l’accord de Taëf, dont l’alternative serait un saut dans l’inconnu ». Le texte dresse par ailleurs une sorte de feuille de route pour sortir de la crise actuelle : commencer par élire un nouveau chef de l’État, former un nouveau gouvernement et mettre sur les rails les réformes à même de rétablir la stabilité du pays (…).
Taëf, une ligne rouge
Le mufti Deriane avait tenu des propos allant dans le même sens dans le cadre de son message adressé à la nation, mardi dernier, à l’occasion de la fête de l’Hégire. « Ce que nous vivons aujourd’hui – la vacance présidentielle, l’expédition des affaires courantes et le blocage des séances législatives de la Chambre – est honteux (…) », a lancé le dignitaire, affirmant que la solution commence par l’élection d’un président qui rendrait aux institutions leur équilibre. Quelques heures plus tard, il a prononcé un discours dans lequel il a tenu à orienter la boussole sunnite dans le sens de l’attachement à l’accord de Taëf et au bon fonctionnement des institutions. « Nous avons accepté de vivre au sein de cet État libanais et ses institutions. Les sunnites n’ont aucun projet en dehors de l’État. Nous nous conformons à l’accord de Taëf et à la Constitution en vigueur », a-t-il dit. « Le pays est aujourd’hui face à deux projets. L’un appelle au fédéralisme, et l’autre veut annexer le Liban à la moumanaa (le camp piloté par le Hezbollah et son mentor iranien). Et nous sommes contre ces deux orientations », commente pour L’OLJ le cheikh Khaldoun Oreimet, proche du mufti de la République. « Nous voulons donc un président dont le programme accorde la priorité absolue au Liban », dit-il.
De son côté, le mufti Deriane ne s’est pas prononcé sur le nom ou le programme du successeur de Michel Aoun. Ce qui lui importe le plus, c’est que la vacance soit comblée dans les plus brefs délais. Et s’il est conscient que les efforts des pays amis du Liban aident à remplir cet objectif, il sait aussi que la balle est dans le camp des protagonistes locaux, surtout les députés sunnites qui peuvent faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. « Nous avons déjà rencontré les députés sunnites et nous les avons appelés à s’acquitter de leurs responsabilités et œuvrer avec leurs collègues pour élire un président », a rappelé le mufti dans son discours mardi, en référence à la réunion tenue en septembre dernier à Dar el-Fatwa. « Cette rencontre n’a débouché sur rien de concret. C’est pour cette raison que j’ai proposé au mufti, lors d’un entretien avec lui, mardi dernier, de parrainer un nouveau round de dialogue intersunnite », raconte Fayçal Karamé, député proche du 8 Mars, faisant savoir que des contacts sont en cours entre les grosses pointures de la communauté.
Quid des « gris » ?
Pour sa part, Nabil Badre, député indépendant de Beyrouth, présente une autre version des faits. « C’est à la faveur des efforts de 11 députés sunnites indépendants, dont ceux de la Modération nationale (majoritairement ex-haririens), que le mufti a accepté de faire son entrée en scène », dit-il. « Il est du devoir du cheikh Deriane de préserver la place de la communauté sunnite dans le choix du président. Et c’est ce qu’il veut faire dans la prochaine phase », affirme M. Badre, avouant que la présidence du Conseil est déjà dans tous les esprits sunnites. « Nous n’acceptons pas qu’on nous impose le futur chef du gouvernement, une échéance dans laquelle nous sommes un élément incontournable, tout comme c’est le cas pour la présidence. C’est donc bien de commencer à dialoguer », déclare le député beyrouthin.
Il reste que les résultats concrets d’une telle démarche dépendent largement des députés sunnites situés en zone grise, dont fait partie M. Badre. Ce dernier, au même titre que ses collègues de la Modération nationale, a voté pour « le nouveau Liban » lors de la séance électorale du 14 juin dernier. Les contacts actuellement en cours pourraient-ils faire fléchir cette orientation ? « Nous voulons un président qui prendrait les appréhensions sunnites au sérieux », se contente de dire Mohammad Sleiman, député relevant de la Modération nationale. Quant à Nabil Badre, il se veut un peu plus clair : « La prochaine fois, nous voterons pour un candidat bien déterminé », dit-il, sans en dévoiler le nom. Fayçal Karamé dit pour sa part ne pas exclure l’option de voir les députés sunnites, même ceux qui ne soutenaient pas dans le passé cette candidature, voter pour Sleiman Frangié, appuyé par le tandem chiite et ses alliés. « Nous n’en sommes pas encore là », tranche Nabil Badre, douchant les espoirs de son collègue (trop) optimiste.
commentaires (5)
FRANGIE A SOUTENU KORDAHI , LE MINISTRE QUI AVAIT INSULTE PUBLIQUEMENT L'ARABIE SEOUDITE ET MAINTENANT VOUS VOULEZ QUE MBS APPROUVE SA NOMINATION COMME PRESIDENT DU LIBAN PAR TOUS LES DEPUTES SUNNITES LIBANAIS. SOIT VOUS REVEZ OU VOUS NE CONNAISSAI PAS MBS QUI A EU L'AUDACE D'ENFERMER LES PLUS HAUTS RESPONSABLES SEOUDIENS POUR QU'ILS RENDENT TOUS LES VOLS QU'ILS AVAIENT EFFECTUES AVANT SON ARRIVEE AU POUVOIR LA VERITE A QUAND LE MBS LIBANAIS POUR NOUS DEBARRASSER DES CORRONPUS QUI GOUVERNENT DEPUIS DES DECENIES MAIS SURTOUT DEPUIS 6 ANS ET PLUS APRES L'ARRIVEE DE AOUN AU POUVOIR
LA VERITE
15 h 05, le 25 juillet 2023