Peu appréciés par les régulateurs de ce pays, les cryptomonnaies sont désormais proscrites au Koweït, qui a en effet décidé d'interdire strictement toute forme de transaction portant sur des « actifs numériques », dont les cryptomonnaies.
Si ces actifs n’étaient pas légalement reconnus, les autorités koweïtiennes n’interdisaient cependant pas leur utilisation. Dans les milieux spécialisés, le pays était même considéré comme l'un des meilleurs marchés pour le minage, terme désignant le processus de validation des transactions propres aux technologies Blockchain sur lesquelles sont fondées les cryptomonnaies, et qui est particulièrement gourmand en électricité.
Mais cette époque est peut-être révolue. L'autorité koweïtienne des marchés financiers (Capital Markets Authority) a publié une décision datée de lundi et allant dans ce sens sur son site Internet. Elle interdit l’utilisation de tous les actifs numériques, en reprenant la définition du Groupe d’action financière (Gafi), l’organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, soit la « représentation numérique d'une valeur qui peut être échangée ou transférée numériquement, et peut être utilisée à des fins de paiement ou d'investissement ». Il peut donc s’agir de cryptomonnaies (Bitcoin, Ethereum, USTD, etc.), ou encore de Jetons non fongibles (NFT).
Prohibition du minage
Le texte interdit toute utilisation de ces actifs ainsi que leur reconnaissance en tant que monnaie virtuelle au Koweït, que ce soit pour effectuer des paiements ou des investissements. Le minage est, lui aussi, explicitement prohibé, tout comme l’octroi de licences autorisant à opérer avec des actifs numériques. L’Autorité ne ferme cependant pas la porte à ce que le Koweït émette un jour ses propres actifs virtuels en les posant comme seule exception à cette salve d’interdictions.
L’Autorité conclut sa décision en appelant les Koweïtiens à être « constamment conscients des risques » liés aux transactions qui impliquent des actifs virtuels s’ils décident d’en effectuer en dehors du pays, alertant notamment sur la forte volatilité des cryptomonnaies. Les contrevenants s’exposent aux mêmes sanctions prévues dans la loi contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme adoptée en 2013, qui prévoit notamment des peines de prison et de lourdes amendes.
Entre lundi et mardi, le ministère koweïtien de l’Économie et du Commerce, ainsi que l’Autorité de régulation des assurances (Insurance Regulatory Unit), ont confirmé cette criminalisation de l’utilisation des actifs virtuels dans des termes similaires et en faisant référence à la même loi pour les sanctions. Selon plusieurs médias régionaux, la Banque centrale a suivi le mouvement.
Le plus sévère du CCG
Avec cette décision, le Koweït entre dans le camp des pays arabes hostiles aux cryptomonnaies. «Les États du Golfe sont partagés entre l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, et Oman qui autorisent l’usage des actifs virtuels à des degrés divers, et les autres - le Koweït et le Qatar -, qui s’en méfient et les interdisent », affirme le consultant financier et gestionnaire d’actif Rudy Farès, investi dans le domaine depuis plus de dix ans. Mais avec ses dernières circulaires, le Koweït est désormais doté d’une réglementation encore plus catégorique et sévère que celle du Qatar, qui a prohibé l’utilisation des cryptomonnaies par les banques, ainsi que dans son centre des affaires, le Qatar Financial Center, il y a environ 5 ans. « Le fait d’avoir indiqué que les contrevenants s’exposent aux mêmes sanctions que celles appliquées pour les infractions relevant du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme signifie que les autorités veulent envoyer un signal fort », indique Rudy Farès.
M. Farès souligne, en outre, que les divisions constatées parmi les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) se retrouvent à l’échelle de la planète, avec des États qui encouragent le développement des cryptomonnaies, comme au sein de l’Union européenne, d’autres qui sont méfiants (le Liban en fait partie, avec une Banque centrale qui ne reconnaît pas les actifs virtuels mais aucune loi qui ne les interdit) et ceux qui, comme l’Égypte, la Chine ou l’Inde, ont préféré remonter le pont-levis. « Mais cette physionomie n’est pas gravée dans le marbre et pourra évoluer sous l’impulsion des nations qui pèsent le plus sur ce marché », analyse-t-il encore. Il fait enfin remarquer que le candidat démocrate aux primaires pour la présidence des États-Unis, Robert F. Kennedy Jr. s’est posé en fervent défenseur du Bitcoin et a récemment suggéré d’adosser la valeur du dollar à celle de la plus répandue des cryptomonnaies et dont le cours évoluait autour de 30.000 dollars ces derniers temps.
Le défi de la mise en œuvre
Il reste à savoir si et comment les autorités vont faire respecter cette nouvelle réglementation en sachant que le Qatar a été rappelé à l’ordre par le Gafi cette année pour ne pas avoir suffisamment fait respecter sa propre réglementation. Selon le site CoinTelegraph, le Gafi a notamment demandé à la Banque centrale du Qatar d'être plus proactive dans les sanctions infligées aux fournisseurs de services d’actifs virtuels (VASP) qui bravent l’interdiction des autorités.
Enfin le Fonds monétaire international (FMI), qui appelle généralement les autorités à prévenir les risques que fait peser la prolifération incontrôlée des cryptoactifs sur la stabilité financière des pays où ils sont utilisés sans écarter l’option d’une interdiction pure et simple, a récemment considéré que cette dernière solution « pourrait se révéler inefficace dans la durée ».