
Le chef de l’Eglise maronite Béchara Raï lors de son homélie dominicale, le 9 juillet 2023, à Dimane. Photo tirée de la page Facebook du patriarcat.
Le chef de l’Église maronite Béchara Raï s’en est violemment pris dimanche au président du Parlement Nabih Berry et au Premier ministre sortant Nagib Mikati, les accusant de vouloir « créer un conflit constitutionnel » à travers leur défense du principe de nominations en l’absence d’un chef de l’État. Mgr Raï a en outre appelé les députés à se rendre au Parlement pour tenter d’élire l’un des deux candidats déclarés à la présidentielle, Sleiman Frangié et Jihad Azour, avant d’envisager un dialogue autour d’une troisième figure. Faute de quoi, ils seraient en train de commettre une « haute trahison ».
« La persistance à maintenir la vacance présidentielle, malheureusement voulue et motivée par des objectifs personnels, a conduit à un résultat inévitable, appelé au Parlement, devenu collège électoral, “législation de nécessité”, et au sein du gouvernement sortant “nominations de nécessité”, a martelé le patriarche dans son homélie dominicale. De tels agissements sapent les institutions constitutionnelles et érodent la confiance du peuple et de la communauté internationale. Il s’agit d’un crime commis par tous ceux qui entravent le processus d’élection d’un président, malgré la présence de candidats qualifiés. » Et de poursuivre : « Deux candidats maronites se présentent à la présidentielle. Allez au Parlement et élisez l’un d’eux conformément à la Constitution (...) Si ni l’un ni l’autre n’est élu après au moins trois tours consécutifs, dialoguez à ce moment-là pour trouver un troisième candidat », a-t-il poursuivi. Avant de renchérir : « Assez de temps perdu alors que les institutions tombent l’une après l’autre et que vous vous contentez d’attendre une inspiration de l’étranger. »
Les propos du dignitaire religieux interviennent alors que le pays est en proie à une vacance à la magistrature suprême depuis plus de huit mois. Le président du Parlement Nabih Berry n’a toujours pas convoqué la Chambre depuis la douzième séance électorale du 14 juin qui s’est soldée par un nouvel échec. Le tandem Amal-Hezbollah tient à la candidature du chef des Marada Sleiman Frangié, tandis que l’opposition a tenté de s’unir autour de la candidature de l’ex-ministre des Finances Jihad Azour lors de la dernière séance. Mais aucun d’eux n’a recueilli assez de voix pour l’emporter, même si le second était (avec 59 voix) plus proche des 65 bulletins pour une élection au second tour. Pour tenter de débloquer cette impasse, la France a dépêché son envoyé spécial pour le Liban Jean-Yves Le Drian à Beyrouth, en juin dernier. Ce dernier devrait se rendre de nouveau à Beyrouth « dans les prochaines semaines », selon le Quai d’Orsay.
« Mère de tous les crimes »
Le cardinal Raï a critiqué, par ailleurs, le fait que le Parlement soit devenu pour les responsables « un organe législatif alors qu’il est uniquement une instance électorale depuis le début de la vacance présidentielle ». Il a également fustigé que les politiques « octroient au cabinet démissionnaire les prérogatives réservées au président de la République dans le cadre de nominations qui lui sont réservées ». Et de lancer : « Pourquoi, chers responsables, créez-vous des crises et cherchez-vous à les résoudre en violation de la Constitution ? Pourquoi considérez-vous vos violations constitutionnelles comme une “nécessité”, sous prétexte que si vous ne le faites pas, les institutions s’effondreraient comme si elles étaient en carton ? » « Ainsi, vous créez un conflit constitutionnel qui s’ajoute à la division politique existante », a-t-il ajouté, dénonçant « une honte pour le Liban ! ».
Ces critiques interviennent alors que le Premier ministre sortant a convoqué son cabinet, à maintes reprises, pour discuter d’un ordre du jour qui n’est pas exclusivement réservé à des questions urgentes, selon ses détracteurs, tandis que plusieurs nominations de hauts responsables devraient avoir lieu prochainement, notamment celle d’un nouveau gouverneur de la Banque du Liban (BDL), le mandat de Riad Salamé arrivant à expiration fin juillet, et celle d’un nouveau commandant en chef de l’armée, le chef de la troupe Joseph Aoun devant prendre sa retraite en janvier 2024. « Messieurs du Parlement et du gouvernement, la première et dernière nécessité, la clé de la résolution de toutes vos crises, réside dans l’élection d’un président de la République. Si vous ne le faites pas, vous commettez un crime de trahison envers l’État et le peuple, et la trahison est la mère de tous les crimes », a conclu le patriarche maronite.
commentaires (13)
Hé ho L’OLJ, j’en ai plus qu’assez de votre censure. Il faut respecter la charte.
Sissi zayyat
10 h 56, le 11 juillet 2023