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Moyen-Orient - REPERE

Les enjeux du contentieux autour d’un champ gazier entre des pays du Golfe et l’Iran

L’Arabie saoudite et le Koweït ont de nouveau revendiqué le site offshore d’al-Durra, convoité également par l’Iran. 

Les enjeux du contentieux autour d’un champ gazier entre des pays du Golfe et l’Iran

Le champ de gaz d’al-Durra. Photo AFP

La démarcation des frontières maritimes dans le golfe Arabique a toujours été floue. Rien d’étonnant donc à ce qu’un contentieux qui existe depuis les années 1960, entre l’Arabie et le Koweït d’un côté et l’Iran de l’autre, autour du gisement gazier offshore d’al-Durra refasse surface. Reste que dans le contexte de la normalisation irano-saoudienne, l’annonce par Téhéran de préparatifs quant à des opérations de forage la semaine dernière a conduit ses deux voisins à rappeler fermement leurs droits à disposer de ce champ.

Ce que l’on sait

• Le directeur de la National Iranian Oil Company, Mohsen Khojsteh Mehr, a déclaré le 27 juin dernier que « les préparatifs étaient pleinement en place pour commencer le forage dans le champ pétrolifère commun d’Arash (nom d’al-Durra utilisé par Téhéran, NDLR) », affirmant que le pays allait exploiter ce qu’il considère comme sa partie du site gazier en y allouant des ressources considérables.

• En face, le ministre koweïtien du Pétrole, Saad al-Barrak, a affirmé que les plans iraniens « contreviennent aux principes fondamentaux des relations internationales », ajoutant que son pays rejetait « catégoriquement et totalement les activités prévues par l’Iran autour du site gazier offshore d’al-Durra ».

• Mardi, six députés koweïtiens ont exigé que la commission des Relations extérieures du Parlement surveille les mesures prises par le gouvernement et s’assurent de la protection des intérêts nationaux du pays.

• « La propriété des ressources naturelles dans la zone maritime divisée, y compris lensemble du champ dal-Durra, est partagée entre le royaume wahhabite et lémirat du Koweït uniquement », a réaffirmé le même jour l’Arabie saoudite à travers l’agence de presse officielle SPA, tout en enjoignant ainsi à l’Iran de rejoindre les pourparlers sur la démarcation des frontières maritimes dans le golfe Arabique, comme l’avait fait la veille le Koweït.

• Mercredi, les ministres koweïtien et iranien des Affaires étrangères se sont néanmoins rencontrés en marge d’un sommet du Mouvement des non-alignés en Azerbaïdjan, où ils ont affirmé l’importance de promouvoir leur coopération afin de maintenir la sécurité et la stabilité de la région.

Le contexte

• Les récentes tensions interviennent après la signature d’un accord de normalisation entre le royaume wahhabite et la République islamique sous l’égide de la Chine le 10 mars dernier, censé contribuer à la stabilisation de la région.

• Le gisement gazier d’al-Durra a été découvert au milieu des années 1960. Tandis que le Koweït et l’Arabie saoudite établissaient entre eux une zone neutre pour développer conjointement les ressources en hydrocarbures, le Koweït et l’Iran accordaient alors chacun une concession offshore à la Royal Dutch Shell et à l’Anglo-Iranian Oil Company, de ce qu’ils considèrent leur zone maritime nationale sur le site gazier. Les frontières maritimes n’étant à l’époque pas clairement définies, les deux concessions se chevauchent néanmoins sur une partie du gisement.

• Les trois États ont connu ces dernières décennies de nombreuses négociations infructueuses sur la délimitation de cette zone frontalière maritime contestée et riche en gaz naturel. Aujourd’hui, alors que le partage de la zone neutre a été défini entre le Koweït et l’Arabie saoudite, la frontière orientale de la zone, délimitant le Koweït et l’Iran et l’Arabie saoudite et l’Iran, n’a pas encore été délimitée.

• Après de laborieuses négociations, Riyad et Koweït ont signé en 2022 un accord conjoint afin de développer ce champ, disposant de réserves de gaz exploitables estimées à 220 milliards de mètres cubes et ayant la capacité de produire 84 000 barils de gaz liquéfié par jour. Un accord que Téhéran avait qualifié « d’illégal ». « Le champ gazier d’Arash est commun à l’Iran, au Koweït et à l’Arabie saoudite », s’était alors fendu d’un tweet le ministère iranien des Affaires étrangères.

• Sans succès, les pourparlers entre les deux pays du Golfe et l’Iran les plus récents ont eu lieu en mars. Téhéran revendique toujours 70 % du site d’al-Durra, affirmant que le champ se trouve à l’intérieur de ses frontières maritimes.

• « Le champ constitue une énorme richesse nationale et une stratégie de croissance pour les deux pays (Koweït et Arabie saoudite, NDLR), il n’est pas possible d’en attribuer un millimètre cube à un tiers », a réagi Nayef Aldandeni, membre du Comité consultatif d’ingénierie du pétrole et du gaz naturel saoudien.

• Signe des tensions entre les trois parties, plusieurs attaques de la marine iranienne dans les eaux proches de la zone neutre ont été signalées par l’Arabie saoudite et le Koweït ces dernières années. En 2017, la marine saoudienne avait annoncé avoir capturé trois membres du Corps des gardiens de la révolution iraniens près de leur champ pétrolifère de Marjan, détenu et exploité par la compagnie pétrolière nationale Aramco.

• Téhéran affirme partager 28 gisements de pétrole et de gaz avec des pays voisins, tirant notamment 70 % de sa consommation en gaz du champ partagé avec le Qatar, South Pars/North Dome. L’Iran a pourtant déjà fait face à des pénuries de gaz domestique importantes, notamment durant l’hiver lorsque la consommation de chauffage des ménages iraniens augmentait.

Les enjeux

• La résurgence du contentieux intervient dans un contexte de réchauffement diplomatique, alors que la normalisation entre Téhéran et Riyad signée à Pékin comprenait notamment des discussions sur le développement de gisements pétrolifères communs. Rapidement, les parties impliquées ont souhaité atténuer les tensions, bien qu’elles semblent camper sur leurs positions pour le moment.

• La détente entre les deux rivaux régionaux pourrait néanmoins conduire la République islamique à s’engager dans des négociations constructives sur sa frontière maritime. D’autant que les cours du gaz sont montés en flèche depuis le début de l’invasion en Ukraine en février 2022, et que Téhéran fait face à des manifestations populaires récurrentes face à une crise économique aiguë, en partie liée aux sanctions occidentales contre le régime. 

• Utilisé comme une carte stratégique dans le jeu géopolitique régional, le champ gazier d’al-Durra pourrait en réalité se situer plus à l’est qu’il ne paraissait jusqu’à présent. Si tel est le cas, il s’étendrait jusque dans les eaux maritimes iraniennes déjà établies à ce jour, donnant à l’Iran une légitimité supplémentaire pour revendiquer une partie du champ gazier.

La démarcation des frontières maritimes dans le golfe Arabique a toujours été floue. Rien d’étonnant donc à ce qu’un contentieux qui existe depuis les années 1960, entre l’Arabie et le Koweït d’un côté et l’Iran de l’autre, autour du gisement gazier offshore d’al-Durra refasse surface. Reste que dans le contexte de la normalisation irano-saoudienne, l’annonce...

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