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Un Français comme les autres

Dans le sixième et dernier tome de L’Arabe du Futur, le personnage principal, Riad, explique à sa copine pourquoi « en temps normal » il « marche au bord du trottoir pour éviter ces mecs ». « Ces mecs » lui répond-elle d’un ton moralisateur sont « des victimes de la société et des préjugés ». Et de rappeler à son interlocuteur qu’il est « hyperdur d’être rebeu en France ». Riad lui fait remarquer qu’il est bien placé pour le savoir, étant lui-même « rebeu ». « Mais t’es pas rebeu toi ! T’as un appart, de la thune », rétorque-t-elle alors tout de go.

La scène est bien sûr un peu caricaturale. Elle n’en raconte pas moins quelque chose de la vision que peut avoir une partie de la gauche française de la jeunesse « racisée ». Si la copine de Riad avait été d’une certaine droite, elle lui aurait probablement répliqué qu’il a raison de marcher au bord du trottoir et qu’il vaut mieux éviter ces « rebeus » qui n’ont « pas la même culture que nous ».

À chacun ses fantasmes et ses préjugés. À gauche on évoque les inégalités, les violences policières, le continuum colonial. À droite on dénonce les politiques en matière d’immigration, le comportement des « racailles », le laissez-faire des autorités et l’impossible assimilation. Ces deux discours ne se valent pas. L’un est infantilisant, l’autre est, le plus souvent, raciste. Mais ils participent tous les deux à essentialiser les jeunes Français issus de l’immigration, à les considérer par nature tantôt comme victimes, tantôt comme coupables, à en faire des objets d’études plutôt que des sujets de leurs propres actions, à alimenter, surtout, l’idée d’un « nous » et d’un « eux », de deux mondes qui ne se connaissent pas et ne se comprennent pas.

Nahel, 17 ans, a été abattu mardi par un tir de policier à Nanterre, lors d’un contrôle routier. La vidéo de la scène, qui a très vite circulé, étant sans appel, le pouvoir a essayé de réagir le plus rapidement possible afin d’éviter un scénario similaire à 2005. Emmanuel Macron a qualifié dès le lendemain l’événement d’« inexcusable » et d’« inexplicable » et le policier a été mis en examen jeudi soir pour homicide volontaire. Mais cela ne semble avoir eu aucun effet. La colère s’est transformée en rage, et la rage en une haine destructrice et nihiliste qui n’a plus grand-chose à voir avec la mort de Nahel. Celle-ci a réveillé des rancœurs et des vieux démons que les pouvoirs successifs ont essayé de cacher sous le tapis depuis des décennies.

Si la France n’est pas submergée par l’immigration, comme le prétend depuis des années l’extrême droite, elle a un sérieux problème d’intégration. À profil équivalent, un jeune Noir ou d’origine magrébine a beaucoup moins de chances d’être recruté par une entreprise et beaucoup plus d’être contrôlé par la police. Lui, doit constamment prouver qu’il est aussi français que les autres. Lui sera observé, scruté et n’aura pas le droit aux mêmes erreurs que les autres. Ce n’est pas une question de loi, ni de politiques discriminatoires. C’est la conséquence d’au moins trois facteurs : l’effritement du modèle républicain qui ne parvient plus à intégrer l’autre tel qu’il est et non tel qu’il voudrait qu’il soit ; un impensé collectif, avec des relents coloniaux, qui associe la « francité » à la « blanchité » ; un ressenti assez diffus qui établit un lien direct entre les jeunes issus des quartiers populaires et le sentiment d’insécurité.

Le pouvoir ne fait pas rien, mais il ne fait sans doute pas assez. Les inégalités sont encore patentes et les perspectives pour un jeune de quartier populaire demeurent limitées. La banlieue française ressemble à une prison de verre dont il est difficile de sortir. À l’intérieur de celle-ci les relations avec la police sont extrêmement conflictuelles, marquées par une profonde défiance réciproque qui peut se muer en haine à la moindre tension.

La mort de Nahel porte le poids d’un contexte qui la dépasse. Celui d’une augmentation des violences policières mais aussi des refus d’obtempérer. Celui d’un sentiment, du côté des jeunes de banlieue, que Nahel aurait pu être n’importe lequel d’entre eux et que si la scène n’avait pas été filmée, les autorités se seraient contentées de la version mensongère du policier. Celui d’une police qui vote de plus en plus à l’extrême droite et au sein de laquelle certains syndicats considèrent qu’ils « sont en guerre » contre des « hordes de sauvages ». Celui d’une jeunesse désinhibée que ni les familles ni les relais locaux ne parviennent à raisonner. Celui d’une France fracturée, où les extrêmes ont le vent en poupe, et qui connaît, après les Gilets jaunes et les manifestations contre la réforme des retraites son troisième moment de grandes tensions internes en quelques années.

Nahel était un Français comme les autres. Les jeunes des quartiers sont des Français comme les autres. Tant que tout le monde, y compris une partie d’entre eux, n’en sera pas convaincu, les territoires oubliés de la République resteront des volcans en ébullition. Jusqu’au jour où, peut-être, plus personne ne les jugera pour ce qu’ils sont et plus personne ne les excusera pour ce qu’ils font.

Dans le sixième et dernier tome de L’Arabe du Futur, le personnage principal, Riad, explique à sa copine pourquoi « en temps normal » il « marche au bord du trottoir pour éviter ces mecs ». « Ces mecs » lui répond-elle d’un ton moralisateur sont « des victimes de la société et des préjugés ». Et de rappeler à son interlocuteur qu’il est « hyperdur d’être...

commentaires (8)

Que ces sauvageons qui brûlent, volent et veulent tuer des policiers et des élus depuis plusieurs jours, ne nous fassent pas oublier qu'il existe aussi en France des milliers de petits enfants, enfants d'immigrés maghrébins ou immigrés récents, qui ont choisi la France comme patrie et adhèrent à ses valeurs et à sa culture. Ils sont médecins, avocats, ingénieurs, artistes, sportifs de haut niveau, managers, soignants, commerçants, artisans, employés...et font honneur à cette France où ils ont décidé de faire leur vie. Cette France où tout est possible, quelque soit le milieu dont on sort, à condition de travailler dès l'école et de respecter les lois en vigueur. Certains de ces descendants d'immigrés sont même devenus ministres, comme Rachida Dati, Najat Vallaud Belkacem, Myriam El Khomri et autres...Que les émeutiers d'aujourd'hui s'en souviennent et qu'ils fassent le choix de se mettre au travail...Et pas de victimisation sous prétexte de discrimination ou racisme. Les Bretons qui partaient travailler à Paris au XIX eme siècle, ont eux aussi souffert de racisme, comme en ont souffert les Italiens, les Espagnols ou les Portugais. Ne l'oublions pas!

Michel Le Tallec

02 h 57, le 05 juillet 2023

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Commentaires (8)

  • Que ces sauvageons qui brûlent, volent et veulent tuer des policiers et des élus depuis plusieurs jours, ne nous fassent pas oublier qu'il existe aussi en France des milliers de petits enfants, enfants d'immigrés maghrébins ou immigrés récents, qui ont choisi la France comme patrie et adhèrent à ses valeurs et à sa culture. Ils sont médecins, avocats, ingénieurs, artistes, sportifs de haut niveau, managers, soignants, commerçants, artisans, employés...et font honneur à cette France où ils ont décidé de faire leur vie. Cette France où tout est possible, quelque soit le milieu dont on sort, à condition de travailler dès l'école et de respecter les lois en vigueur. Certains de ces descendants d'immigrés sont même devenus ministres, comme Rachida Dati, Najat Vallaud Belkacem, Myriam El Khomri et autres...Que les émeutiers d'aujourd'hui s'en souviennent et qu'ils fassent le choix de se mettre au travail...Et pas de victimisation sous prétexte de discrimination ou racisme. Les Bretons qui partaient travailler à Paris au XIX eme siècle, ont eux aussi souffert de racisme, comme en ont souffert les Italiens, les Espagnols ou les Portugais. Ne l'oublions pas!

    Michel Le Tallec

    02 h 57, le 05 juillet 2023

  • Monsieur samarani ! Excusez moi mais je trouve que vous mélanger tout ! Non Nahel n'est pas un français comme les autres ! Tout les français de 17 ans ne roulent pas en mercedes et ne sont pas condamné 12 fois en 2 ans !! En fait il faudrait condamner ses parents pour n'avoir pas su l'éduquer !! Encore un mot toute la police ne vote pas à gauche soyez en sûr !!

    Eva Younes

    22 h 46, le 03 juillet 2023

  • Monsieur Samrani, je lis régulièrement vos articles qui sont en général (et en particulier)excellents et bien documentés ; j’avoue que là je ne vous suis plus. Vous faites un mélange de woke et de prêches paroissiaux. Un brave petit qui roule en Mercedes,qui traîne un tas de casseroles,plusieurs interpellations, et qui refuse d’obtempérer,vous trouvez anormal ce qu’il lui arrive ? Cela me fait penser à l’adage « love it or leave it » bien connu. Il refuse de s’intégrer,c’est son droit. Mais alors,qu’il se casse!

    Citoyen Lambda

    17 h 02, le 03 juillet 2023

  • Mr, Naël était défavorablement connu des services de police avec 15 mentions au fichier des antécédents judiciaires, 5 refus d’obtempérer, le week-end d’avant il était placé en garde à vue… Vous écrivez, en outre qu’ à profil équivalent, un jeune noir ou maghrébin à moins de chance d’être recruté, encore faudrait il que ce jeune se présente à un entretien d’embauche en tenue de ville ou à minima dans une tenue correcte..Vous mentionnez le fait que La banlieue française ressemble à une prison de verre dont il est difficile de sortir, cette banlieue dans un passé récent était occupée par une très forte communauté Portugaise et Italienne (dans le cadre de la relance économique de l’après guerre, la France accueillait aussi facilement les étrangers) Cette prison n’existait pas, ce sont les communautés actuelles qui l’ont créée. Vous écrivez que Nahel était un Français comme les autres. Les jeunes des quartiers sont des Français comme les autres, non Mr, quand à longueur de journée on insulte le pays accueillant ( Ni…la France) Quand on refuse de chanter la Marseillaise, lors d’un événement sportif et surtout quand on crache lors de la diffusion de l’hymne… Ces jeunes poussent à la sédition.. Pour info, le porte parole des policiers est issu de la communauté maghrébine, Redah Bella, donc la thèse raciste pourrait être discutée…

    C…

    15 h 37, le 03 juillet 2023

  • M.Samrani vous faites une excellente analyse. J'y réponds en deux parties : Oui le modèle social français n'est pas integrateur a) il juge les individus á ce qu'ils sont et non pas á ce qu'ils font. Pour réussir il ne faut pas seulement être issu d'une grande école, mais aussi appartenir á un ou des réseaux . b) la centralisation etatique et le cartesianisme français ont poussé à une catégorisation des individus et á créer des solutions de masses : exemple les cités, non adaptées Il n'en demeure pas moins que l'intégration ou son refus sont des démarches volontaires a) par ce que l'on est étranger il faut faire des efforts dans les pays d'accueil ou si on ne veut pas s'intégrer on le quitte. Les portugais, Italiens, Arméniens, Libanais, Philippins même ont fait ces efforts b) On ne s'exprime pas par la violence mais dans les urnes

    Moi

    15 h 00, le 03 juillet 2023

  • C’est avant tout aux parents d’éduquer leurs enfants et leur apprendre les règles de la république et le respect de l’autorité. Facile de toujours les faire passer pour les victimes car pas considéré Francais. Rouler dans une voiture volée au risque de tuer des parents à 17 ans , ne pas s’arrêter, démarrer en trombe alors que le policier pointe son pistolet… rien ne leur fait peur ! Et après ils détruisent le travail des autres au nom d’un drame qui aurait pu être évité tout simplement en s’arrêtant!!!!

    Hadaya cherine

    08 h 53, le 03 juillet 2023

  • Non mr Samrani, il est affligeant que vous ne voyiez pas de ressemblance avec la ceinture de camps qui entourait Beyrouth et ses conséquences.. ce drame n’excuse en aucune façon le comportement des voyoux et ne fera que précipiter l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir.

    kindarji joseph

    08 h 33, le 03 juillet 2023

  • Non ces jeunes ne sont pas des Français comme les autres parce ils sont été faits Français par une législation beaucoup plus laxiste que la libanaise! Au Liban ils ne seraient pas naturalisés. Lecteur régulier de votre journal je vois les difficulté qu'ont les libanaises à faire naturaliser leurs enfants nés de pères étrangers. Avant de juger la France le Proche Orient devrait faire son introspection et se demander pourquoi 70 ans après la création d'Israël le problème palestinien n'a pas été réglé . La population arabe était de 1.340.000 soit à peine 200.000 de plus que ls Français d'Algérie

    Yves Gautron

    07 h 06, le 03 juillet 2023

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