
Une femme prend en photo un graffiti "Justice pour Nahel", écrit sur une vitrine saccagée d'un commerce à Marseille, dans le sud de la France, le 1er juillet 2023. Photo CLEMENT MAHOUDEAU/AFP
Après une 4e nuit consécutive de violences, de pillages et de heurts, la France a enterré samedi le jeune Nahel, 17 ans, abattu mardi par un policier à Nanterre lors d'un contrôle routier. Les violences urbaines qui se poursuivent depuis ont conduit à plus de 1.300 interpellations vendredi soir, alors que 79 policiers et gendarmes ont été blessés, quelque 1.350 véhicules incendiés et 234 bâtiments incendiés ou dégradés, selon l'AFP.
La nouvelle de la mort de Nahel, issu d'une famille d'immigrés, ainsi que les images des émeutes, ont fait le tour du monde et secoué l'opinion publique, y compris parmi de jeunes Libanais installés en France ou résidant dans leur pays. Une violence qui n'est pas nécessairement justifiée, mais qui peut être "compréhensible" pour certains de ces jeunes interrogés samedi par L'Orient-Le Jour.
"C'est comme ça que la thaoura a commencé"
"La police n’a pas le droit de tuer, mais la violence des manifestants n’est pas la bonne manière pour s’exprimer non plus", réagit Nour Iskandarani, 24 ans, apprentie dans un centre social et culturel à Paris. "Ce qui se passe réveille nos traumas de Libanais. J'étais à Beyrouth en octobre 2019. C’est comme ça que la thaoura a commencé", lance la jeune femme, qui confie "prendre plus de précautions" quand elle sort, que ses amis français du même âge qui n’ont "jamais vécu ce genre de choses". Je me sens mal à l’aise, je suis venue en France pour la sécurité et la stabilité", soupire-t-elle.
Alexandre Aoun, journaliste franco-libanais qui habite à Nanterre, a assisté en direct aux violences qui ont éclaté mardi soir. "Je vois tout ce qui se passe de ma fenêtre. Dès l'annonce de la mort de Nahel, on savait que ça allait dégénérer. Les gens étaient tendus, ils n'arrêtaient pas d'en parler dans la rue", témoigne-t-il.
'"Je peux comprendre ce sentiment de colère à Nanterre mais, dans les autres quartiers, les manifestants sont là pour piller les supermarchés et les magasins. Les policiers sont tendus, ils essaient de ne pas envenimer les choses", ajoute-t-il.
"Habitués à la démocratie"
Élève en terminale à Beyrouth, Emilio Elliyé n'hésite pas à dénoncer l'absence de réactions au Liban face à des drames similaires à celui de la mort du jeune Nahel. "En France les gens sont plus habitués que nous à la démocratie, ce qui fait qu’ils réagissent s’il y a quelque chose qui ne va pas. Ils sont beaucoup plus conscients de leurs droits. Ici, on pense qu’on n’a pas de droits et que les responsables politiques peuvent tout se permettre", estime ce jeune qui juge la mort de Nahel "inacceptable". "La police est en train d’aggraver la situation avec ses comportements", ajoute Emilio, affirmant "comprendre" la réaction des manifestants.
"La violence policière en France ne cible que les Africains et les Arabes", dénonce pour sa part Anthony Broumana, 20 ans et étudiant en sciences politiques à Beyrouth. "Tout ce qui se passe en France est totalement justifié parce que la police a toujours été un instrument de la politique raciste de l’extrême droite", estime-t-il.
Pour cet étudiant, le meurtre de Nahel n'est pas sans rappeler la situation des réfugiés syriens au Liban, "victimes de violence militaire et policière". "Nous avons assisté à un grand nombre d'expulsions de réfugiés par l'armée libanaise. Il s'agit de la même violence à laquelle Nahel a été soumis".
Toute personne est différente, toute situation est unique, ne faisons pas des généralités. Le Monde tourne, l'axe de la terre a changé de degré et quelques têtes aussi.
09 h 14, le 04 juillet 2023