Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - ENTRETIEN EXPRESS

« On est loin du point culminant des tensions entre les États-Unis et Israël »

Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour » sur la position de Washington face à l’expansion de la colonisation israélienne en Cisjordanie et la radicalisation de la coalition la plus marquée à droite de l’histoire de l'État hébreu.

« On est loin du point culminant des tensions entre les États-Unis et Israël »

Le président américain Joe Biden (à gauche) et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à Jérusalem, le 9 mars 2016. Debbie Hill/AFP

Des mises en garde à répétition. Encore lundi, Washington exprimait à Israël sa « profonde inquiétude » à la suite de son approbation de plans de construction de plus de 5 000 nouveaux logements dans les colonies juives illégales de Cisjordanie occupée. Le jour même, les États-Unis annonçaient l’arrêt de leur financement de la recherche scientifique émanant des institutions universitaires israéliennes en Cisjordanie, revenant ainsi sur une décision prise par l’ancien président américain Donald Trump. Depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition la plus à droite de l’histoire du pays menée par Benjamin Netanyahu, les tensions entre Washington et son plus proche allié au Moyen-Orient sont allées crescendo. Fin mars déjà, une analyse parue dans les colonnes du quotidien israélien de centre gauche Haaretz donnait le ton : « Joe Biden ne croit plus aux mensonges de Netanyahu et Israël en paiera le prix ». Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute, fait le point sur l’attitude de l’administration démocrate vis-à-vis de son allié embarrassant.

Les récentes condamnations répétées de Washington à l’encontre d’Israël donnent le sentiment que l’administration Biden critique de plus en plus ouvertement son plus proche allié régional. Est-ce réellement inédit ? 

L’’administration Biden est de plus en plus publique et sans équivoque dans son opposition à l’expansion des colonies israéliennes, et en particulier à la création de nouvelles colonies qui modifient l’équation stratégique en Cisjordanie, comme le projet dit « E1 » qui achèverait l’encerclement de Jérusalem-Est occupée. La raison principale est que le gouvernement de droite radicale du Premier ministre Benjamin Netanyahu devient plus agressif avec ce projet E1 et d’autres projets de colonisation particulièrement dangereux. Cela va directement à l’encontre de l’engagement de l’administration Biden en faveur d’une solution à deux États. Mais on est loin du point culminant des tensions entre les États-Unis et Israël. En 1956, Washington a contraint Israël à se retirer du Sinaï, qui était un territoire égyptien occupé. L’ancien président américain George W. Bush a réduit le financement d’Israël à cause des colonies. Plusieurs administrations, dont celle de Ronald Reagan, ont eu des différends publics avec Israël au sujet de ventes de technologies militaires à des pays arabes ou à la Chine, et Barack Obama a poursuivi son accord nucléaire avec l’Iran en dépit d’une forte opposition publique de la part d’Israël. Il est donc important de garder en tête qu’il n’y a rien d’inédit.

Si Washington est embarrassé depuis larrivée au pouvoir en décembre de la coalition dirigée par Benjamin Netanyahu, aucune action n’est entreprise. Comment décririez-vous lapproche de ladministration démocrate vis-à-vis dIsraël ?

L’administration Biden adopte une ligne standard du Parti démocrate à l’égard d’Israël : elle soutient fortement le pays et sa sécurité, mais s’oppose aux colonies et à la plupart des politiques et actions qui menacent un accord de paix potentiel et soutient une solution à deux États basée sur les frontières de 1967. C'est l’attitude typique des démocrates traditionnels depuis au moins la Maison-Blanche de Bill Clinton. La communauté juive américaine est très majoritairement démocrate et fortement engagée dans le soutien à Israël pour les raisons évoquées ci-dessus. Mais l’accent est toujours mis sur le maintien des liens de soutien et de sécurité et sur la limitation de la pression et de la distance entre les États-Unis et Israël. Cela explique pourquoi l’administration Biden s’est montrée réticente à sanctionner Israël pour des implantations trop importantes.

Dans quelle mesure ces tensions peuvent-elles porter un coup aux efforts déployés par Washington pour faciliter la normalisation de pays arabes avec Israël ?

Les désaccords entre les États-Unis et Israël sur les colonies et d’autres questions telles que l’Iran n’entravent pas les efforts de normalisation arabe déployés par Washington. L’obstacle est l’extrémisme du nouveau cabinet de Netanyahu, l’expansion et la création de nouvelles colonies, les discussions sur l’annexion et la violence dans les territoires palestiniens occupés, en particulier à Jérusalem-Est. Les lieux saints tels que le Haram al-Charif et la mosquée al-Aqsa sont particulièrement touchés et suscitent même des critiques publiques de la part de pays comme les Émirats arabes unis et le Bahreïn, qui se sont engagés dans le processus des accords d’Abraham avec Israël. Les États-Unis souhaitent que davantage d’États arabes, en particulier l’Arabie saoudite, normalisent leurs relations avec Israël afin de renforcer le bloc pro-américain dans la région, notamment en s’opposant à l’Iran. Le fait que des partenaires-clés des États-Unis en matière de sécurité n’aient pas de relations ouvertes ou de coopération publique affaiblit le camp américain, tandis que le bloc iranien est assez unifié et principalement sous le contrôle de Téhéran. Le rapprochement de ces pays renforce considérablement la position des États-Unis dans la région et contribue à l’objectif américain de longue date d’assurer la sécurité d’Israël. 

Des mises en garde à répétition. Encore lundi, Washington exprimait à Israël sa « profonde inquiétude » à la suite de son approbation de plans de construction de plus de 5 000 nouveaux logements dans les colonies juives illégales de Cisjordanie occupée. Le jour même, les États-Unis annonçaient l’arrêt de leur financement de la recherche scientifique émanant des institutions...
commentaires (1)

Obliger Israël à se retirer des territoires occupés en 1967 et la reconnaissance de deux états est une condition sine qua non pour une paix entre israéliens et palestiniens et une reconnaissance par tous les pays arabe à un état israélien.

Mohamed Melhem

04 h 53, le 29 juin 2023

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Obliger Israël à se retirer des territoires occupés en 1967 et la reconnaissance de deux états est une condition sine qua non pour une paix entre israéliens et palestiniens et une reconnaissance par tous les pays arabe à un état israélien.

    Mohamed Melhem

    04 h 53, le 29 juin 2023

Retour en haut