« La centralisation artistique au Liban est un problème majeur ; le reste du pays est exclu et pour les artistes locaux les débouchés sont moindres. » Dès la première minute de l’entretien avec l’artiste, metteuse en scène et danseuse Caroline Hatem, le ton est donné. Pour celle qui chapeaute le projet, pas de doute : il existe un problème de concentration des arts vivants au Liban.
Si les municipalités libanaises disposent en principe d’un budget dédié à la culture, avec le contexte socio-économique actuel du pays, « inutile de se reposer ni sur les sponsors locaux, ni sur les banques, ni sur rien du tout », se désole-t-elle. La promotion du tourisme culturel en région et les opportunités de travail des artistes passent, pour les autorités publiques, en second plan.
C’est pourquoi, et dans le cadre du projet associatif Network for Cultural Outreach (NCO), sont aménagées des actions pour décentraliser et amener, hors de Beyrouth, les arts vivants. Ce collectif qui regroupe trois associations – Yazan, Yaraqa et Clown Me In – cherche, entre autres, à créer des opportunités de travail pour les artistes locaux. Théâtre, danse, clown… « Nous voulons créer des possibilités de professionnalisation pour les jeunes artistes passionnés en proposant, notamment, d’encadrer la diffusion de spectacles en arts vivants », explique Caroline Hatem.
Développer l’économie locale
Autre indicateur au vert du projet : déployer le concept de tourisme culturel en région. Qu’il s’agisse des municipalités, entités culturelles locales, communautés diverses, etc. pour les partenaires en région, les événements d’envergure permettent des opportunités financières réelles.
« Que ce soient les artistes, qu’un public éventuel beyrouthin disposant de moyens qui viendraient pour l’occasion, que de touristes : il faut loger et nourrir ces personnes », indique Caroline Hatem. Dans la veine d’un retour d’une hausse du nombre de touristes au Liban sur les trois premiers mois de cette année, selon les chiffres du ministère du Tourisme, il s’agit de permettre aux hôtels, restaurants et commerçants locaux d’accéder à une nouvelle clientèle.
Concernant l’aspect subventionnel, le projet fonctionne grâce à des aides internationales ; le NCO est soutenu par le programme All Around Culture, porté par al-Mawred al-Thaqafy et financé par l’Union européenne (UE). « C’est une réponse à un appel de l’UE qui cherchait une alliance d’entité. L’avantage est que cela permet d’effectuer des projets plus larges, ambitieux et accessibles », ajoute-t-elle.
Gratuit et accessible
Le NCO met en place des stratégies concrètes pour simplifier la tournée de spectacles d’arts vivants. À titre d’exemple, l’élaboration d’une base de données gratuite en ligne pour 40 villes et villages d’ici à Octobre 2023. « Astuces, les numéros de téléphone, possibilités de logement, adresses pour louer ceci, cela etc. C’est important que les artistes voyagent ! Certains ne connaissent pas leur pays alors qu’il est minuscule », glisse Caroline Hatem.
De la Békaa (Baalbeck, Zahlé, Rayak, Anjar) au Nord (Enfé, Tripoli et Amioun), l’avantage d’aller en région, est de sensibiliser aux arts vivants un nouveau public, venu de villes aux faibles dynamiques culturelles, autour d’un spectacle d’arts vivants auquel il n’a guère l’habitude de goûter. Les spectacles proposés étant gratuits, « ce n’est plus une question de privilège social que d’assister à une œuvre de qualité parce que c’était ça aussi notre engagement », explique Caroline Hatem. Et c’est pari gagné, puisque « pour avoir fait des tournées dans certaines régions du pays auparavant, nous répondons à une demande d’un public (qui n’est pas vraiment formulée mais qui se confirme une fois sur place) », ajoute-t-elle. Une aubaine pour les curieux, éloignés géographiquement ou socio-économiquement, des pôles culturels urbains.
Le programme
Et le programme du lancement est hétéroclite. Dès le vendredi 9 juin, les spectateurs peuvent s’immerger, entre autres, dès 17h30 dans un parcours pédestre de spectacles de danse contemporaine, Before You Go proposé par la compagnie socio-culturelle Yaraqa. Ou encore, les amateurs de facéties trouveront leur bonheur dans un spectacle interactif et clownesque élaboré par l’association internationale Clown Me In à 19h. À 20h15, place à un concert de musique avec Yazan… De quoi satisfaire petits et grands.
La journée de samedi 10 juin, commence à 10h30 à Enfé, à l’église Sainte-Catherine avec Clown Me In. Les compères du rire iront ensuite se produire à 16h, dans le dispensaire de Dahr Mogher, à Tripoli. À 18h, la troupe de danse Yaraqa présente une performance dans le cadre de Mina Warche 13. (Réservations au 79 / 316 726)
Dimanche 11 juin, à 20h, à la Foire Rachid Karamé de Tipoli, c’est le spectacle Yazan Transit Tripoli qui est à l’honneur. La metteuse en scène Caroline Hatem y adapte Transit, un roman d’Anna Seghers, au contexte actuel de déplacement et d’émigration. Reflétant la situation en France en 1940, la pièce se déroule au Liban, où les Syriens et les Libanais attendent impatiemment un visa ou une occasion de fuir. Le narrateur du roman devient un émigré syrien que nous suivons dans les cafés et les rues de Tripoli, jusque devant la mer qui claque.
« Avec un acteur sur scène, Josef Akiki, un musicien, Rabih Gebeyli, et de la scénographie digitale pour convoquer la ville et son ciel, Transit Tripoli rend hommage à la voix unique et vibrante de Seghers, au fait de préserver un espace intérieur de liberté, pour la balade, l’observation, voire l’amour, quand on est sujet à l’implacabilité de l’histoire », indique l’artiste.
La première de Transit Tripoli a eu lieu à Berlin en novembre dernier à l’Akademie der Künste en partenariat avec le prestigieux Théâtre Schaubühne.
La représentation de Tripoli est rendue possible grâce au support du Goethe-Insitut Libanon et du Network for Cultural Outreach. À signaler qu’un bus est disponible depuis Beyrouth (départ à 16h, place des Martyrs) et Sarba (départ à 16h30). Réservations au (961) 70/789906.
Sur la lave d'un volcan et bien après l'éruption des plantes, des fleurs suivies d'oiseaux ramènent la vie au paysage! Ces initiatives artistiques sont toujours et à jamais les signes d'une vie qui s'invite toujours et à jamais. Merci aux artistes
15 h 38, le 11 juin 2023