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Lifestyle - Loisirs

La frénésie des fléchettes s’empare de la Papouasie-Nouvelle Guinée

La frénésie des fléchettes s’empare de la Papouasie-Nouvelle Guinée

Un homme concentré prêt à lancer sa fléchette durant un concours à Port Moresby. Adek Berry/AFP

Dans un club de sport enfumé de Port Moresby, environ 150 personnes sont venues jouer ou assister à une compétition de fléchettes, une discipline qui puise ses origines dans l’Angleterre médiévale et dont s’est entichée la Papouasie-Nouvelle Guinée. Baxter Torie, membre de l’équipe des Telpepe Snipers, reconnaissable à ses dreadlocks, lève le poing en l’air quand son coéquipier score les 103 points synonymes de victoire contre leurs adversaires du jour.

Non loin, des rencontres se déroulent simultanément sur les dix autres cibles du club dans l’ambiance survoltée de joueurs arborant les tenues de leur équipe et célébrant bruyamment chaque victoire.

« Il y a beaucoup d’intérêt. Nous sommes contents : tout le monde se concentre sur le jeu plutôt que de penser à socialiser », se félicite Torie, 43 ans, qui dirige le comité d’organisation des rencontres pour la plus grande association de fléchettes de la capitale. Les cibles de fléchettes sont omniprésentes dans cet archipel du Pacifique membre du Commonwealth : dans les pubs, bien sûr, mais aussi à côté des arrêts de bus ou sur les marchés. Dans les quartiers populaires, il n’est pas rare de voir des habitants disputer une partie acharnée avec en jeu une bouteille de Coca-Cola pour le vainqueur. Mais les choses sont en train de changer et de devenir sérieuses, explique Torie. L’idée est d’en faire une discipline sportive à part entière et, comme cela a été le cas en Europe, de sortir les fléchettes des pubs pour organiser de vraies compétitions dans des salles où les meilleurs joueurs se feront un nom. Le chemin est long pour en arriver là en Papouasie, mais la popularité des fléchettes y a explosé, notamment lorsque c’est devenu le premier sport de nouveau autorisé au sortir de la pandémie de Covid-19. Les joueurs pouvaient d’autant mieux respecter les protocoles sanitaires encore en vigueur que les fléchettes se jouent beaucoup en extérieur sur l’île. La principale association de fléchettes de la capitale (NCD) comptait à peine une dizaine d’équipes en 2022, contre 40 officiellement inscrites cette année, après avoir refusé d’en accepter plus. Certaines associations rurales regroupent 100 équipes, selon le président de la NCD, le Dr Kapua Kapua.

L’emballement de la Papouasie-Nouvelle Guinée pour les fléchettes contribue à changer les mentalités. Adek Berry/AFP

Changer les mentalités

Les frais d’inscription pour la saison s’élèvent à 80 kina (environ 20 euros), donnant le droit de participer aux compétitions et de remporter les 3 000 kina (760 euros) promis aux vainqueurs en plus du trophée. Kapua, ancien joueur de rugby, explique que les autres sources de financement sont encore difficiles à trouver, mais ne désespère pas que la discipline se professionnalise dans le futur. « Les sponsors (potentiels) considèrent toujours les fléchettes comme un passe-temps et non un sport (...) Mais nous sommes en train de changer cet état d’esprit petit à petit », dit-il. Un comité de discipline a été mis en place pour décider de sanctions en cas de comportement violent d’un joueur dans une activité encore fortement associée à la consommation d’alcool. « Nous voulons écarter les fauteurs de troubles. Les comportements violents ont un impact sur notre association, sur la perception du public », argumente Kapua.

Torie a également mis en place un groupe de cinq volontaires – trois étudiants et deux joueurs sans emploi – chargés de préparer les aires de jeu pendant les compétitions moyennant cinq kina par match. Une source de revenus bienvenue dans un pays où 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Rien n’est impossible

L’un d’eux, Ezra Rava, 25 ans, affirme que les fléchettes ont changé sa vie. « Cela m’a beaucoup aidé dans ma manière d’être. Avant, nous (mes amis et moi) passions beaucoup de temps à boire, à causer des problèmes. On zonait dans la rue juste comme ça, pour se battre, se rappelle-t-il. Jouer aux fléchettes nous a aidés à nous concentrer sur quelque chose. » Désormais, il s’entraîne cinq heures par jour, devant sa maison, et rêve de participer à des tournois professionnels à l’étranger. L’emballement de la Papouasie-Nouvelle Guinée pour les fléchettes a aussi touché les femmes dans un pays guère réputé pour l’égalité des genres. De nombreuses équipes comprennent des femmes, et certaines en sont les capitaines. Torie espère que les efforts actuels pour structurer la discipline permettront de sortir prochainement des joueurs capables de rivaliser à l’international. « Si on veut être au niveau de ces gars-là, nous devons changer notre attitude, changer notre manière de jouer, changer de façon de penser, analyse-t-il. Rien n’est impossible. »

Jack MOORE/AFP

Dans un club de sport enfumé de Port Moresby, environ 150 personnes sont venues jouer ou assister à une compétition de fléchettes, une discipline qui puise ses origines dans l’Angleterre médiévale et dont s’est entichée la Papouasie-Nouvelle Guinée. Baxter Torie, membre de l’équipe des Telpepe Snipers, reconnaissable à ses dreadlocks, lève le poing en l’air quand son...
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