S’embrasser profondément pour signifier, avec toute sensualité, son amour ne date évidemment pas d’aujourd’hui. Cette expression ultime de la passion, surnommée French kiss par les anglophones, remonte à la nuit des temps, comme le relève une étude publiée par la revue américaine Science sous l’intitulé « The ancient history of kissing » (L’histoire ancienne du baiser). Elle est signée par Troels Pank Arbøll, expert en écriture cunéiforme de l’Université de Copenhague et spécialiste de l’histoire de la médecine ancienne, et Sophie Lund Rasmussen, biologiste de l’université d’Oxford. S’appuyant sur leurs recherches, ils explorent l’histoire ancienne du baiser et son rôle dans la transmission des maladies. Ils se sont en particulier penchés sur les écrits cunéiformes de la Mésopotamie et ont déniché des références jusqu’alors négligées décrivant des maladies associées au baiser lingual. Leur étude permet aussi de repousser la date communément admise jusque-là, issue d’un manuscrit indien vieux de 3 500 ans souvent cité comme la plus ancienne preuve écrite évoquant ce genre de baiser. Les deux chercheurs, eux, se sont appuyés sur des tablettes mésopotamiennes plus anciennes de mille ans qui témoignent déjà, et en écriture cunéiforme, de l’art de sceller ainsi son amour.
Le baiser amoureux gravé sur des tablettes d’argile
Ils précisent que sur les rives du Tigre et de l’Euphrate, on s’exprimait en signes cunéiformes gravés sur des tablettes d’argile. « Plusieurs milliers de ces tablettes ont survécu, explique Troels Pank Arbøll, et elles contiennent des exemples clairs que le baiser amoureux était considéré comme faisant partie de l’intimité romantique, tout comme les baisers pouvaient également exprimer des amitiés et des relations avec les membres de la famille. » Selon les deux auteurs, le French kiss semble avoir été pratiqué par plusieurs autres cultures millénaires.
Par ailleurs, en tant qu’historien des maladies anciennes, Arbøll explique que le baiser a joué un grand rôle dans la transmission de plusieurs maladies : « Il existe un corpus substantiel de textes médicaux de la Mésopotamie dont certains mentionnent une maladie révélant des symptômes rappellant le virus de l’herpès simple. » Par ailleurs, selon une explication issue de Wikipédia, on apprend qu’au cours d’un baiser intime, pas moins de 80 millions de bactéries sont échangées en une dizaine de secondes par le mélange des salives, mais l’effet est transitoire, chaque individu retrouvant rapidement sa composition de bactéries existant normalement dans sa salive. En revanche, la plupart des maladies sexuellement transmissibles ne se transmettent pas par le baiser.
Le savoir-faire des Françaises
Quant à l’expression moderne French kiss, elle est devenue populaire après la Première Guerre mondiale. Personne ne sait vraiment pour quelle raison elle a été utilisée. Cependant, il est probable que l’appellation ait été adoptée par des Américains de passage en France qui ont courtisé des Françaises, considérées comme aventureuses dans leurs relations érotiques et sexuelles et très à l’aise dans le jeu passionné des langues. Une appellation qui interpelle, d’autant que dans le passé, en France, le baiser amoureux était connu sous le nom de baiser florentin, une expression attribuée à Napoléon Bonaparte et abandonnée depuis. Ensuite, au début du XXe siècle, la pudibonde Angleterre a pris goût à ce kiss. Indépendamment de toutes ces appellations imagées, le monde de l’art sous toutes ses formes n’a jamais cessé de magnifier le désir amoureux fusionnel, du brûlant baiser de Rodin taillé dans le marbre à celui ranimant Psyché. Une dizaine d’autres représentations emblématiques disent l’envoûtement et le transport passionné du langage des lèvres dans toute sa sensualité. Arrêt dans cette galerie de l’amour sur notamment Le Baiser dans le lit de Toulouse-Lautrec, Les Amants de René Magritte s’embrassant à travers un voile, Le Baiser d’Edvard Munch, celui de Brancusi ou encore Les Amoureux à la demi-lune de Marc Chagall.
Selon San Antonio, le French Kiss n'est pas le baiser sur la bouche.
15 h 52, le 02 juin 2023