Critiques littéraires

Simenon narré par une dream team

Simenon narré par une dream team

John Simenon, fils de Georges Simenon, est en charge de la gestion du patrimoine littéraire de son père. Il se prend d’une envie : revisiter la vie de son père en BD. L’équipe idéale est rapidement trouvée. José-Louis Bocquet est un habitué de la biographie en BD. Avec sa complice Catel, il a développé une forme de narration qui lui est propre, racontant des destins d’exception par des scénettes qui synthétisent tout ce que le personnage porte en lui.

Il était le scénariste idéal pour le projet Simenon. N’a-t-il pas lui-même écrit nombre de polars ? Il décide, pour cette nouvelle aventure de s’associer à Jean-Luc Fromental qui partage avec lui cette capacité à mêler, comme personne, l’érudition à la facétie, la documentation à un vrai sens du récit. Ils sortent tous deux d’une autre aventure de collaboration : l’écriture du dernier épisode de la série Blake et Mortimer, Huit heures à Berlin, qui a été largement salué.

Restait à trouver le dessinateur. De la bande dessinée, Jacques de Loustal en a beaucoup fait, souvent dans des formats très littéraires, dans lesquels les textes récitatifs prenaient bien souvent le dessus sur les bulles de dialogues. Mais voici un moment qu’il a quelque peu délaissé la BD, comme ses proches compères Jean-Claude Gotting ou François Avril qui partagent avec lui une élégance qui les a menés vers la réalisation de grands dessins dont les galeries sont friandes. Il accepte pourtant d’y revenir, pour compléter la « dream team » Simenon.

Le récit paraît en épisodes, dans un format de « cahiers » d’une quarantaine de pages chacun, en noir et blanc, avant que l’album couleur regroupant l’ensemble ne paraisse dans les mois à venir. Dès le premier épisode de ces cahiers, le choix est clair : pas question d’une fresque biographique complète et exhaustive. L’essence de ce qui fait Simenon, Bocquet et Fromental le trouvent dans les débuts de l’auteur qui conditionneront la suite. Ses débuts, c’est en particulier cette période où, nouvellement marié à la peintre Tigy, il lance la production effrénée qui le caractérisera. Cela passe avant tout par une prise d’indépendance par rapport à leurs familles respectives. En cela, Tigy et lui sont sur la même longueur d’onde : s’ils se marient, ce n’est pas pour s’enchaîner, mais, au contraire, pour que chacun soutienne la liberté de l’autre. Le mariage comme une prise de liberté plutôt qu’un enfermement dans un carcan. Elle à sa peinture, lui à ses manuscrits. Des espaces privés pour l’un et l’autre dans leur logement. Chacun s’occupe à son tour de ramener les ressources nécessaires au foyer pendant que l’autre développe sa production.

Le dessin de Loustal est plus libre que jamais. Son trait aux formes joueuses et ses compositions franches sont mis en atmosphère par des ajouts veloutés de masses de crayons gras qui lui sont très caractéristiques.

L’envie de se replonger dans l’œuvre de Simenon après la lecture de ce récit est d’autant plus marquée qu’on sent, chez les auteurs, une véritable proximité avec son univers qui n’oppose jamais l’érudition au plaisir, ni le récit de genre à l’exigence littéraire.

Simenon l’ostrogoth de Loustal, Jean-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental et John Simenon, Dargaud, 2023, 40 p.

John Simenon, fils de Georges Simenon, est en charge de la gestion du patrimoine littéraire de son père. Il se prend d’une envie : revisiter la vie de son père en BD. L’équipe idéale est rapidement trouvée. José-Louis Bocquet est un habitué de la biographie en BD. Avec sa complice Catel, il a développé une forme de narration qui lui est propre, racontant des destins d’exception...
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