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Société - Liban

"Rendez-nous notre argent" : des déposants manifestent à Beyrouth

Des échauffourées ont éclaté mardi entre des manifestants et des membres de la sécurité qui gardaient la Bank Audi dans le centre de Beyrouth.

Des manifestants se sont rassemblées devant le Parlement à Beyrouth pour dénoncer les restrictions illégales imposées par les banques sur leurs dépôts, le 9 mai 2023. Photo Mohammad Yassine

Des dizaines de déposants exaspérés ont manifesté mardi matin à Beyrouth, notamment près du Parlement, dénonçant les restrictions illégales imposées par les banques sur les retraits et les transferts depuis 2019. La manifestation a dégénéré en échauffourées entre les manifestants et des membres de la sécurité de la Bank Audi dans le centre-ville de Beyrouth.

Au cours de la semaine dernière, le groupe "Le Cri des déposants", avait appelé ses partisans  à dénoncer les mesures des banques et à réclamer leurs dépôts.

"Nous vous retrouverons"

"Rendez-nous l'argent que vous nous avez volé", a scandé un manifestant, dans des propos accordés à notre journaliste sur place Mohammad Yassine. "C'est notre argent ou votre vie. Vous avez commencé une guerre que nous finirons" a-t-il ajouté.

"Nous vous trouverons où que vous soyez", a lancé un autre manifestant.

Des échauffourées ont ensuite éclaté entre les manifestants et des membres de la sécurité de la Bank Audi dans le centre-ville, qui ont aspergé certains manifestants de poivre rouge.

Un manifestant faisant face à des militaires, le 9 mai 2023 lors d'une manifestation de déposants dans le centre-ville de Beyrouth. Photo Mohammad Yassine

"Nous voulions manifester devant la Bank Audi, écrire des slogans sur les murs et brûler des pneus, comme nous le faisons habituellement, mais nous avons été surpris par le personnel de sécurité de la banque, armé de matraques, qui nous a attaqués, blessant plusieurs personnes", a dénoncé Talal Khalil, membre du groupe "Cri des déposants", auprès de L'Orient-Le Jour. "Ils m'ont cassé le bras", a-t-il dit, dénonçant la présence des "forces de sécurité intérieurs qui sont restées là sans rien faire". "C'est ainsi que l'on traite les citoyens venus protester contre les banques ? Nous ne sommes même pas entrés dans les locaux de la banque - nous sommes restés à l'extérieur", a-t-il ajouté.

Des manifestants se sont rassemblées devant le Parlement à Beyrouth pour dénoncer les restrictions illégales imposées par les banques sur leurs dépôts, le 9 mai 2023. Photo Mohammad Yassine

Les manifestants ont détruit le distributeur automatique de billets de la Bank Audi et ont brûlé des pneus dans les environs, selon l'Agence nationale de l'information (Ani, officielle).

Les manifestants se sont ensuite dirigés vers l'immeuble où réside le Premier ministre intérimaire Najib Mikati pour manifester à côté. Ils ont également brûlé des pneus et ont annoncé qu'il se rendraient devant le siège de l'Association des Banques libanaises (ABL) pour poursuivre leur sit-in. 

Des manifestants brûlant des pneus devant la résidence du Premier ministre sortant, Nagib Mikati, le 9 mai 2023 à Beyrouth. Photo Mohammad Yassine

Depuis le début de la crise économique en 2019, les banques ont imposé aux déposants des restrictions informelles mais draconiennes sur les retraits, tandis que la livre libanaise a perdu plus de 95 % de sa valeur, réduisant considérablement le pouvoir d'achat de nombreux citoyens.

En février, des manifestants ont attaqué des banques et bloqué des routes à travers le Liban pour protester contre la volatilité persistante de la monnaie locale. Dans une énième opération coup de poing, "Le Cri des déposants" avait appelé à incendier des branches de la Fransabank, de la Bank Audi, de la Creditbank, de la Byblos Bank, de la BBAC et de la Banque Libano-Française dans le quartier de Badaro à Beyrouth. Le même jour, des membres du même groupe avaient également tenu un sit-in à Horch Tabet, dans la banlieue de Beyrouth, devant le domicile de Sélim Sfeir, président de l'Association des banques du Liban.

Les manifestations de février avaient eu lieu alors que les banques s'étaient mises en grève pour demander au Parlement d'adopter une loi sur le contrôle des capitaux. Elles protestaient également contre une décision judiciaire autorisant des poursuites lancées par des déposants libanais à l'encontre de la Fransabank. 

En mars, une manifestation de déposants et de retraités militaires dans le centre de Beyrouth a dégénéré après que les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes sur la foule. Au cours du même mois, des membres du groupe "Le cri des déposants" ont brûlé des pneus et protesté devant le siège de la Banque du Liban à Beyrouth après qu'une semaine de fluctuations abyssales du taux de change ait fait chuter la livre libanaise à un niveau historiquement bas d'environ 140.000 LL pour un dollar.

BDL

Le 4 mai, des associations de défense des droits des déposants ont organisé un sit-in devant le palais de justice de Beyrouth, où une délégation judiciaire européenne enquêtant sur des allégations de corruption interrogeait Raja Salamé, le frère du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé.

D'autres associations de déposants ont appelé la délégation européenne à se solidariser avec la juge Ghada Aoun, qui avait poursuivi des responsables de la BDL et des banques commerciales et qui a été démise de ses fonctions par un conseil disciplinaire de juges libanais le même jour.

Les frères Salamé sont soupçonnés d'avoir détourné des centaines de millions de dollars de fonds de la BDL vers l'Europe. Ces fonds ont été saisis dans le cadre d'enquêtes menées par au moins cinq pays européens sur le patrimoine du gouverneur de la banque centrale. M. Salamé et ses associés ont nié à plusieurs reprises avoir commis tout acte répréhensible.

Les banques ont mis en place des restrictions de sécurité depuis des mois après une série de braquages intentés par des déposants tentant de récupérer - parfois au moyen d'armes - leurs propres fonds en devises étrangères, qui ont été en grande partie gelés depuis 2019 par des mesures informelles de contrôle des capitaux.

Le Liban patine pour mettre en oeuvre les réformes exigées par le Fonds monétaire international en échange d'un plan de sauvetage de plusieurs milliards de dollars. Lors de leur dernière visite à Beyrouth en mars dernier, des représentants du FMI avaient déclaré que le pays traversait "un moment très dangereux" et ont critiqué la lenteur des réformes.

Des dizaines de déposants exaspérés ont manifesté mardi matin à Beyrouth, notamment près du Parlement, dénonçant les restrictions illégales imposées par les banques sur les retraits et les transferts depuis 2019. La manifestation a dégénéré en échauffourées entre les manifestants et des membres de la sécurité de la Bank Audi dans le centre-ville de Beyrouth.Au cours de la...

commentaires (2)

La seule question qui vaille est : comment se fait-il que ces rares manifestations ne réunissent pas au moins quelques milliers de personnes ? Tout est dit du pays dans ce constat...

IBN KHALDOUN

14 h 56, le 09 mai 2023

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Commentaires (2)

  • La seule question qui vaille est : comment se fait-il que ces rares manifestations ne réunissent pas au moins quelques milliers de personnes ? Tout est dit du pays dans ce constat...

    IBN KHALDOUN

    14 h 56, le 09 mai 2023

  • Si un lecteur est en mesure de répondre à cette équation, les banques actuellement délivrent grassement 5 millions de LL par mois, tandis qu'avec la carte de crédit j'ai payé pour plus de vingt millions de LL, où est la logique ?

    C…

    14 h 14, le 09 mai 2023

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